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Pourquoi les militants de l’islamisation de l’Europe survivront très bien à un éventuel empêchement de Tariq Ramadan
©MEHDI FEDOUACH / AFP

L’arbre qui cache la forêt

Manuel Valls s'est publiquement réjoui sur Twitter de voir révélée au grand jour la duplicité de Tariq Ramadan, accusé de harcèlement et de viol par deux femmes.

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Atlantico : En mettant de côté la question des agressions que la justice doit trancher, ne peut-on pas considérer que si Tariq Ramadan venait à être écarté à la suite de ses accusations, rien n'empêche quelqu'un de prendre sa place par la suite ?

Alexandre Del Valle : Il faut attendre la suite du développement de l'affaire, ne pas être sous le coup de l'émotion parce que la dérive actuelle est de condamner quelqu'un parce qu'il est incriminé dans les médias. Comme cela a été le cas pour François Fillon. Qu'importe que l'on aime ou non Tariq Ramadan, il faut revenir au respect de la séparation des pouvoirs. D'un autre côté, s'il était condamné effectivement et écarté par la suite, ce qui n'est pas certain, on peut le voir avec la Une des Inrocks avec Bertrand Cantat, ce qui montre que tout est possible. Il n'est pas certain non plus qu'en cas de condamnation, qu'il soit écarté à l'étranger parce qu'il a son poste payé par le Qatar notamment en Grande Bretagne. Et dans ce cas, il aura bien entendu un successeur. De toute façon, il n'est plus tout jeune, il a perdu le charme qu'il exerçait sur les gens il y a quelques années et d'ailleurs on le voyait beaucoup moins en France ces temps-ci. Il a déjà fait des petits, il y a de nombreux petits Tariq Ramadan, peut-être pas aussi médiatiques que lui mais cela peut très bien venir. Et de toute façon, le rôle qu'il avait avec son frère était de poursuivre l'œuvre de son père qui avait été envoyé par le créateur des frères musulmans en Suisse pour semer leur idéologie salafiste, dans les années 80-90. Ensuite, dans les années 2000, la chose s'est démocratisée et aujourd'hui, les frères musulmans contrôlent de nombreuses mosquées, centres, associations et ils paraissent même être des modérés par contraste avec Daesh ou Al-Qaïda. Donc ils ont déjà réussi leur pénétration et ils exercent un pouvoir de séduction très fort au sein des communautés musulmanes issues de l'immigration parce que l'habilité des frères musulmans a été d'instrumentaliser l'anti-racisme. Ils se sont fait passer pour des gens qui répondaient à la demande de droit à la différence, pour des versions religieuses, de la Licra ou de SOS Racisme. Leur stratégie a été de victimiser les musulmans, de distiller chez eux une paranoïa, rendre l'autochtone français, chrétien ou laïc suspect. Le mal est fait donc. Que Ramadan soit là ou ne soit pas là ne change rien. Ramadan est un homme médiatique, un professeur qui cherche la respectabilité, qui renie ses propres positions pour avoir l'air modéré. Il n'est plus vraiment utile dans la propagande des frères musulmans, il a fait son travail et c'est en partie pour cela aussi qu'il se fait attaqué. Les frères musulmans sont très profondément ancrés dans les démocraties occidentales, au Etats-Unis comme en France ou en Espagne. Aujourd'hui ils pilotent, gèrent et inspirent les grande structures et formations de communautarisme islamiste en Europe.

Cela n'est-il pas l'exemple qu'une certaine gauche "laïciste" à tendance à résumer les problèmes avec certains mouvements radicaux de l'Islam à la question de la condition de la femme, quand la portée du message d'une personnalité comme Tariq Ramadan est de fait plus large ?

Si on parle d'un point de vue sociologique, il y a une concurrence des victimismes. Il y a une offensive heureuse pour réhabiliter la dignité des femmes dont les souffrances ont été cachées. Les initiatives du gouvernement Macron et de Marlène Schiappa sont tout à fait légitimes. La victime femme rentre en concurrence avec la victime musulmane. Ceux qui tapent sur Tariq Ramadan et qui utilisent ce dossier avant même que la justice ait tranché représentent un courant qui pose la femme comme essentiellement victime de l'homme. Je ne suis pas d’accord avec cette vision de gauche et de ce nouveau féminisme vulgaire et très militant. Je ne pense pas que ce féminisme serve intelligemment la cause des femmes en les présentant comme des victimes a priori de l'homme. La même stratégie des frères musulmans est similaire: elle pose les musulmans comme victimes a priori des non musulmans. On aurait des non musulmans qui seraient toujours les bourreaux des musulmans de manière presque ontologique et on aurait des femmes qui seraient toujours des victimes des bourreaux hommes. Je pense que ces deux visions simplistes, manichéennes et victimistes sont nuisibles pour les causes qu'elles défendent. Pourquoi une partie de la gauche se mobilisent contre Ramadan alors qu'autrefois elles lui servaient la soupe ? Parce que ce victimisme féministe entre en contradiction avec le victimisme islamiste dans ce cas précis. Une grande parti de la gauche a été complice, comme le dit M Valls, et notamment une certaine gauche féministe qui croyaient en un féminisme islamiste.

Pourquoi ne voit-on quasiment pas ce genre d'analyse dans la presse aujourd'hui ?

Dans mon livre que j'ai écrit au début des années 2000 sur le totalitarisme islamiste, je dénonçais cette attitude des frères musulmans qui veulent subvertir la démocratie libérale de l'intérieur en utilisant ses propres valeurs et avec une alliance entre le rouge et le vert, c'est-à-dire entre l'idéologie totalitaire socialo-communiste et l'idéologie totalitaire islamiste. Dire cela est encore très mal vu aujourd'hui. Valls a été mal vu et a déclenché une controverse terrible. Et il y a bien toujours une complaisance au sein de la gauche (même au sein de la gauche féministe) envers l’islamisme que l'on ne retrouve pas envers le christianisme. C'est une France "laïcarde" (que l'on retrouve aussi chez Baroin ou Chirac) qui est beaucoup plus complaisante avec les islamistes intégristes qui subvertissent les valeurs de la république qu'avec les catholiques avec lesquels la violence, les critiques ou les injures sont plus faciles parce qu'il y très peu d'associations anti-raciste qui viennent défendre de la cathophobie. La gauche considère qu'une alliance est possible avec ces immigrés prolétaires issus de l’islam. Valls condamnent l'idéologie des frères musulmans et la ré-islamisation radicale d'une partie de notre communauté et de nos compatriotes musulmans mais dire cela est vite condamné de racisme, de sionisme, d’islamophobie pour discréditer. C'est la stratégie d'une certaine gauche qui instrumentalise le communautarisme à des fins électorales ou subversives. Le plus grave ne sont pas les affaires personnelles de Ramadan avec femmes qu'il aurait violer: il faut laisser parler la justice sur ces histoires, assez troubles en plus (avec un récit mitigé des victimes). Il aurait mieux fallu que la presse se déchaîne sur lui quand il distillait le communautarisme au sein de la société française, ce qui divisait la nation et le vouloir vivre ensemble. Toute la presse se déchaîne contre lui dans une affaire pas encore jugée alors qu'il aurait fallu le juger sur son travail de sape de la république et de la laïcité pendant des années avec la complicité de la gauche, de l’extrême gauche et de la caste politico-médiatique qui lui mangeait dans les mains.

Ce qui ennuie, c'est que l'on se fixe sur une personne alors qu'on a un problème beaucoup plus grave, un phénomène: le retour d'un machisme criminel extrêmement violent porté par une vision de la civilisation arabo-islamiste, porté par des mœurs qui viennent de pays arabo-musulman et légitimées ou banalisées. Trop critiquer ce phénomène serait faire le jeu du racisme. Le grand intellectuel algérien Kamel Daoud critique cela: la vision d'une femme qui est, si elle n'est pas voilée ou dans la pudeur, une prostituée, dont on peut abuser, donc. A Cologne, il y avait une dimension ethno-religieuse. C'est un phénomène très grave que l'on constate partout en Europe, dans les quartiers ou il y la progression de l'immigration arabo-musulmane, et où il y a une régression du statut de la femme avec une atteinte terrible à la liberté de mouvement et de comportement.

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