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Pourquoi les libéraux parlent-ils si mal du libéralisme ? Parce qu’ils utilisent les mots de ses adversaires !
©DR / Théodore Chassériau

Problème de langage

Lisons Tocqueville et Hayek. Contre les idées reçues c’est un salutaire antidote.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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En ces temps de panique sanitaire, le libéralisme fait figure d’accusé. C’est lui qui avec la mondialisation, la financiarisation de l’économie et la casse des services publics, serait responsable des morts que nous déplorons. De Mélenchon à Martinez, on n’entend qu’un cri pour vomir les vautours du CAC40 et les hyènes libérales du système capitaliste.

On s’empresse d’annoncer la mort du libéralisme dont la catastrophe économique qui succédera à la pandémie sonnera le glas. De ce passé, il sera fait table rase. Et de ses cendres renaîtra un phénix qui portera le nom d’Etat, un Etat protecteur et bienveillant avec le plus grand nombre alors que le libéralisme ne profiterait qu’à quelques privilégiés.

Il n’est interdit à personne de prendre ses désirs pour des réalités. Il n’est pas non plus interdit de se donner la peine de penser et de lire un peu. Les défenseurs du libéralisme – ils sont nombreux sur Atlantico – expliquent, avec force arguments convaincants, en quoi ce libéralisme est la seule issue possible. Ce faisant, ils le réduisent à une théorie économique. Ce que font exactement ses adversaires.

Avec ces libéraux c’est comme si seule « la main invisible du marché » était éternellement suspendue au-dessus de nos têtes. A ce titre autant en rester à Germinal avec ses mineurs crevant au fond de la mine. Où à Engels décrivant les enfants de douze ans se tuant à la tâche dans des usines anglaises du XIXe siècle.

Il se trouve que le libéralisme a une formidable capacité de souplesse. Par intelligence il s’adapte au monde. Des fois il le fait contraint et forcé : c’est aux grèves de 1936 que nous devons les congés payés dont tous profitent aujourd’hui. La « redcutio ad economicum » est donc bien trop étriquée pour en dessiner les contours. Mais surtout il est bien autre chose qu’un principe comptable vanté par ses partisans et décrié par ses contempteurs.

Chez Tocqueville, on peut lire que le libéralisme est une « doctrine morale » qui doit beaucoup à la chrétienté et à son postulat du libre arbitre. Au centre il y a le mot liberté. Celle de l’individu face au pouvoir despotique du monarque du tyran et de l’Etat. Tocqueville va bien au-delà de la liberté d’entreprendre ou d’exploiter.

Plus près de nous, il y a Hayek. Il propose une lumineuse comparaison entre le socialisme et le libéralisme. Le socialisme prétend changer le monde. Il y réussit parfois. Et une fois qu’il l’a changé, il s’arc-boute sur son acquis. Il veut conserver ses changements révolutionnaires. Alors il devient conservatisme.

Le libéralisme, tel qu’il est théorisé par Hayek, n’a pas ces prétentions. Il ne prophétise pas des lendemains qui chantent. Sage et empirique, il ne veut pas changer le monde : il se contente de le modifier. Il le fait en hésitant, en tâtonnant. Sans contraintes et loin de toute vérité révélée. En cela il est, dans le vrai sens de ce mot, un progressisme. Les défenseurs du libéralisme devraient lire Tocqueville et Hayek.

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