Pourquoi les graisses saturées ne représentent pas forcément le danger pour notre santé qu’on a longtemps redouté<!-- --> | Atlantico.fr
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La consommation de gras n’est pas un facteur prédictif de la survenue de maladies cardiovasculaires.
La consommation de gras n’est pas un facteur prédictif de la survenue de maladies cardiovasculaires.
©Reuters

Sauvés !

Une nouvelle étude publiée lundi dans la très sérieuse revue Annals of Internal Medicine n'est pas parvenue à établir de lien entre consommation de graisses saturées et problèmes cardiaques. L'équipe du Dr Rajiv Chowdhury de l'université de Cambridge met en revanche en garde contre les graisses hydrogénées.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Plus des trois quarts  des patients  consultant pour cette pathologie sont demandeurs  de conseils d’alimentation spécifiques à la prévention des MCV.

C’est d’ailleurs un phénomène croissant. Pour autant il est fréquent d’entendre :

"Je sais d’accord je vais éviter le gras mais après ?"

C’est logique car la majorité d’entre nous se sentent coupable  de  manger du gras. Les plus informés sur la foi de ce qu’ils lisent évitent plus particulièrement les graisses saturées. Les patients sont au départ persuadés que l’essentiel est de manger maigre. C’est, on va le découvrir, infondé. Mais ces comportements conduisent aussi  à de grossières erreurs par substitution. Par exemple si on mange le même nombre de calories mais que l’on substitue le gras par des sucres (sucrés ou non sucrés comme les amidons) ou bien par d’autres graisses n’ayant pas un profil d’acides gras plus approprié (remplacement de l’huile d palme par l’huile de coco encore plus riche en acides gras saturés ou bien par de l’huile d e tournesol trop riche en acides gras polyinsaturés oméga 6).

Ce qu’il faut souligner c’est qu’on dispose aujourd’hui d’éléments concordants permettant d’affirmer que  la consommation de gras n’est pas un facteur prédictif de la survenue de maladies cardiovasculaires.

Alors pourquoi les scientifiques ont-ils vilipendé le gras dans le passé ?

Les liens entre alimentation et maladies sont complexes et très difficiles à analyser. Les corrélations ne sont pas des preuves de liens de causalité. Par ailleurs le gras ingéré ne se retrouve pas dans le sang mais est traité dans le foie et le cholestérol des LDL comme les triglycérides augmentent aussi quand on consomme des sucres…

Dans ce domaine nous avons supporté un très lourd héritage celui de l ‘étude dite des sept pays d’Ancel Keys qui avait établi dans les années 60 un lien de corrélation entre la consommation de graisses saturées, le taux de cholestérol et les maladies coronaires (dépôts dans les artères du cœur aboutissant à l’infarctus du myocarde). Ce lien n’est pas retrouvé si on étudie d’autres pays. En particulier la France se caractérise par un taux très bas de MCV et une consommation élevée de graisses et de graisses saturées. En revanche la Finlande a une incidence élevée de MCV et aussi une consommation élevée de graisses saturées.

C’est pourquoi les recommandations nutritionnelles en France ne peuvent être les mêmes que celles d’un pays comme la Finlande ou de l’Ecosse qui a aussi un taux très élevé de MCV. Or nous avons adopté peu ou prou les mêmes recommandations en matière de consommation de gras. Et aujourd’hui les agences sont prudentes voire hésitantes à reconsidérer les faits.
Enfin il  y a l’argent qui manque pour faire des études interventionnelles dans les pays méditerranéens c'est-à-dire les pays à faible taux de MCV. L’Espagne a montré la voie avec une étude récente d’envergure sur le régime méditerranéen. Alors que les études médicamenteuses s’appuient sur le financement des laboratoires la recherche en épidémiologie nutritionnelle peine à obtenir des contrats.

Qu’en est-il aujourd’hui et comment être utile aux patients ?

D’abord les faits qui sont la base de la médecine

1 / Les seuls acides gras athérogènes (constamment associés à un sur risque de maladie coronaire) sont les acides gras trans et ils ne sont pas totalement éradiqués de la sphère industrielle. Margarines, poisson panés,  pâtisseries ou  autres produits industriels peuvent contenir des huiles végétales partiellement  hydrogénées ce qui signifie des acides gras trans. Regrettons une fois de plus l’asymétrie d’information au détriment des consommateurs puisqu’ils ne sont pas étiquettes en tant que tels et que leur poids n’est pas précisé.

2/ Les graisses saturées ne sont pas associées à un sur risque de MCV comme l’ont démontré en 2010 Siri-Tarino et son équipe. La consommation de graisses de toutes origines et de graisses saturées en France est associée à une très faible incidence des MCV. Nos  pays font partie d’une éco niche associant le soleil, une consommation de fruits et légumes élevée, le poisson, le vin, des viandes en quantité modérée des produits laitiers fermentés et une consommation de produits industriels assez basse qui caractérise le pourtour méditerranéen. Mais il s’agit là d’une photographie instantanée qui date déjà car la transition alimentaire ne nous épargne pas notamment les jeunes. Quand les boissons sucrées remplacent l’eau et le vin, quand les produits laitiers sont tous sucrés, quand les produits industriels représentent 80 à 90% de la ration alimentaire les bienfaits du régime méditerranéen sont perdus. C’est cette transition alimentaire qui est obesogène et athérogène plutôt que les graisses saturées.

3/ plus on consomme de sucre ajouté (le sucre ajouté est celui des boissons mais aussi des  produits laitiers, des pâtisseries, des confitures qui contiennent seulement  35% de fruits, des produits contenant du sucre comme conservateur etc.) plus le risque de MCV augmente. C’est un travail récent qui le démontre et qui permet de comprendre pourquoi la suppression du gras et son remplacement par des sucres rapides ajoutés ou des amidons raffinés ou des sirops de fructose ne permet pas de diminuer le risque mais l’augmente.

Sur la base de ces faits quels conseils sont pertinents ?

1/ A notre époque le meilleur comportement pour éviter les MCV c’est avant tout de ne pas fumer, ni tabac, ni cannabis et de ne pas s’exposer à respirer la fumée.
2/ ensuite il faut veiller à ne pas être en excès calorique chronique c’est à dire en gain de poids  quel que soit le régime qui y contribue. Pour cela une balance, une règle de trois pour calculer l’IMC et le rapport taille/hanche sont beaucoup plus prédictifs que le dosage du cholestérol.  

3/ Enfin il faut se lever, marcher, courir, s’agiter car nous vivons de plus en plus assis et reclus.
C’est cette situation combinée à la baisse du prix des aliments qui fait que nous consommons trop de calories quelques qu’elles soient. L’humanité en s’asseyant s’installe dans un sur risque qui pour certains est proche de celui du tabac.

Ne pas fumer ou subir la fumée, s’attacher au régime méditerranéen ancestral, ménager une activité physique sur son lieu de travail et chez soi, diminuer drastiquement les sucres rapides sont les bases de la prévention des MCV. C’est plus compliqué que de pister les étiquettes pour savoir combien il y a de gras mais c’est efficace.

Le régime méditerranéen ancestral

C’est un régime d’aliments entiers consommés crus ou après cuisson lente

Les olives, les feuilles sauvages, tous les légumes les fruits de saison sont en abondance

L’huile d’olive assaisonne mais dans la salade ce sont les feuilles, diverses, les aromates, les oignons frais, les artichauts ou les noix qui sont plus importants que l’huile d’olive

Les céréales sont complètes (intégrale dans le jargon) et non sucrées c’est à dire du pain souvent fait de mélange céréalier et fermenté

Les poissons et les fruits de mer sont des aliments de proximité présents plus d’une fois par semaine

La viande des deux et quatre pattes est le plus souvent d’élevages extensifs à l’herbe

Les produits laitiers sont entiers et fermentés surtout caprin et ovin

Le vin est consommé avec régularité et grande modération

Les rations sont limitées par la production locorégionale et les saisons

Les produits industriels sont l’exception

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