Pourquoi les Etats-Unis ne deviendront pas la superpuissance pétrolière qu'ils imaginent <!-- --> | Atlantico.fr
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Une exploitation de pétrole de schiste.
Une exploitation de pétrole de schiste.
©Reuters

Dans tes rêves

Gaz de schiste, production pétrolière domestique : les États-Unis, et de nombreux observateurs avec eux, se rêvent déjà comme la "superpuissance énergétique" de demain. Malgré ces éléments, cela restera du domaine de l'onirisme.

Florent Detroy

Florent Detroy

"Florent Detroy est journaliste économique, spécialisé notamment sur les questions énergétiques, environnementales et industrielles. Voir son site."
 
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C’est entendu, les États-Unis ont de moins en moins besoin de pétrole étranger. Selon l’Agence Internationale de l’Energie, les États-Unis pourraient même devenir le premier producteur de pétrole au monde d’ici 2020, devant l’Arabie Saoudite et la Russie. Ces prévisions délivrées par l’AIE en novembre 2012 ont suscité de nombreux commentaires sur la renaissance de la « puissance » ou « superpuissance » énergétique américaine, sans trop savoir ce que recouvrait ce sens. Pourtant, le statut de puissance énergétique des États-Unis est discutable.

Pour être puissant énergétiquement sur la scène internationale, il ne suffit pas de posséder d’importantes ressources énergétiques, encore faut-il les exporter. C’est en manipulant ces exportations que le pays peut obtenir en échange des avantages économiques ou politiques. L’exemple le plus connu est le cas de l’OPEP, qui décida de quadrupler les prix du pétrole en 1973 en réponse à la guerre du Kippour. Plus près de nous, l’arrêt des exportations russes de gaz naturel vers l’Ukraine en janvier 2009 fut un autre exemple d’instrumentalisation de l’énergie à des fins politiques.

Toutefois ce lien commercial peut s’avérer être une arme à double tranchant. Construire une stratégie de puissance autour de ses exportations énergétiques n’est possible qu’avec des prix énergétiques élevés, ce qui rend dépendant à son tour le producteur de la croissance mondiale. En 2009, le PIB russe s’est contracté de 7,8% avec la chute des prix du pétrole, alors qu’il a progressé de 8,5% en Inde et de 9,2% en Chine. C’est ce qui explique que la plupart des puissances énergétiques dont l’énergie est au final la seule richesse évitent d’instrumentaliser leurs exportations. L’URSS n’a jamais arrêté de vendre son gaz à l’Europe, alors même que le climat se tendait avec l’ouest. Depuis les années 2000, les États-Unis sont restés le premier importateur de brut vénézuélien, à hauteur de 40% de la production encore aujourd’hui, alors qu’Hugo Chavez s’est pendant 14 ans fait le chantre de l’anti-américanisme.

Au final, une seule puissance énergétique existe véritablement, l’Arabie Saoudite, car c’est la seule à pouvoir influencer volontairement les prix du pétrole. Ryad est ainsi intervenu en 2011 pour compenser les effets de la guerre contre la Libye, évitant une flambée des prix. Aujourd’hui encore, c’est le seul pays à posséder une capacité à augmenter sa production, de l’ordre de 2 millions barils jours (sur une consommation mondiale de près de 90 millions en 2012). Plus important encore, Ryad devrait voir son rôle sur le marché pétrolier s’accroitre à partir de la fin des années 2020, lorsque la production des pays non-OPEP déclinera.

Si l’on revient aux Etats-Unis, on se rend compte que la production énergétique américaine compte peu au niveau international. Bien entendu les Etats-Unis pourraient produire plus de pétrole que l’Arabie Saoudite, ou la Russie en 2020. Mais la situation est différente de celle de la Seconde Guerre mondiale, où les Etats-Unis avaient produit 6 des 7 milliards de barils consommés par les alliés. Washington consomme désormais la totalité de ce qu’il produit. D’ailleurs, l’exportation de pétrole made in US est interdite. Et si les exportations de gaz sont actuellement envisagées, les autorisations ne sont délivrées qu’au compte goute.

L’essor du pétrole et du gaz de schiste aux États-Unis va probablement renforcer leur puissance, mais ne va pas transformer Washington en super puissance énergétique.

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