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Pourquoi les entretiens d’évaluation annuels sont inutiles pour la plupart des salariés
©Thomas SAMSON / AFP

Productivité

Les entretiens d'évaluation naguère encore vantés par les experts en management qui auraient pour effet de doper la productivité des entreprises, seraient loin de remplir le cahier des charges escompté.

Xavier  Camby

Xavier Camby

Xavier Camby est l’auteur de 48 clés pour un management durable - Bien-être et performance, publié aux éditions Yves Briend Ed. Il dirige à Genève la société Essentiel Management qui intervient en Belgique, en France, au Québec et en Suisse. Il anime également le site Essentiel Management .

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Atlantico : Les entretiens d'évaluation naguère encore vantés par les experts en management qui auraient pour effet de doper la productivité des entreprises, seraient loin de remplir le cahier des charges escompté. Au contraire, selon Elaine Pulakos, experte en management et CEO de l'entreprise de consulting PDRI, en plus de n'avoir aucun impact sur la productivité, ils seraient également dommageables pour l'entreprise. Concrètement comment expliquer cette constatation basée sur un recul de plusieurs années de mise en pratique ?

Xavier Camby : Permettez-moi d‘abord de me réjouir grandement de ce que des consultants le constatent enfin et osent aussi l’affirmer ! Ils furent, de concert avec les universités, les très grands intoxicateurs d’une illogique perverse devenue toxique : le couple infernal des objectifs individuels imposés sanctionnés ensuite lors d’évaluations récurrentes, en forme de tribunal.

Les entretiens périodiques dits « d’évaluation de la performance » sont gravement viciés par la dénaturation des relations humaines « normales ». Ils constituent sans doute la pire des réponses à un besoin pourtant très légitime. Chaque collaborateur en effet, chaque salarié, chaque partenaire au sein d’une équipe a un irréfragable besoin d’un regard extérieur pour mesurer, puis valider sa contribution réelle. Pour aussi en recevoir une éventuelle reconnaissance… On a d’ailleurs observé que chaque authentique et réelle contribution, entreprise en dehors de toute subordination – contractuelle, pour un employé – génère d’elle-même sa propre reconnaissance, en suffisance !

Les idioties, les erreurs, les non-sens et les maladresses, dans la pratique de cet exercice pourtant très utile, sont légions.

Connaissez-vous le sens du mot évaluer ? L’étymologie en atteste : il s’agit de mettre en relief la valeur. Donc premièrement ce qui est positif ! Un peu de latin ferait donc beaucoup de bien aux RH et aux managers… Bien plus qu’une fausse bienveillance assortie de croyances erronées.

Très concrètement, c’est idiot de vouloir évaluer individuellement la contribution de chacun à une performance collective. Collective en effet et par nature, au sein de toute organisation. C’est idiot et très contreproductif de vouloir assigner à chacun des objectifs (très mensongèrement appelés SMART, alors qu’ils ne le sont jamais) personnels tangibles, pour ensuite essayer de mesurer une performance, majoritairement faîte d’intangible (essayer de mettre en métrique la satisfaction d’un client, juste pour rire…). C’est idiot encore de le vouloir faire sous forme de jugement : ni l’évaluateur ni l’évalué n’aiment cette formulation, à base de tu ou de vous, qui enferme dans de bien trop étroites catégories. C’est idiot toujours de vouloir se servir de ce processus inepte pour rémunérer individuellement, la création de valeur (toujours collective, quand on regarde bien). C’est idiot enfin d’enfermer cette rencontre de 2 personnes collaborant habituellement assez sereinement, lors d’une rencontre aussi formelle qu’artificielle (fake donc) dans une logique dominant/dominé, sachant/ignorant, maître suprême de la vérité/ petit vermisseau dépendant…

Des entreprises comme IBM ont essayé d'appliquer une sorte de "contrôle continu" des employés pour remplacer les évaluations annuelles. Que penser de cette approche ?

Dérivée d’un taylorisme il y a presque 150 ans, cette pratique illogique se voudrait rationnelle, donc sûre, et objective, donc juste. Elle réduit au passage la personne à une « machine », dans laquelle vous entrez des données et le résultat escompté se réalisera. Vision inhumaniste, toute de vis et de boulons, pleine de mépris pour la personne humaine et son aptitude supérieure et première : la créativité ! L’invention ! La simplification ! Pas étonnant qu’il y ait désormais si peu d’innovation réelle…

Oui, un certain nombre d’entreprises ont constaté l’inefficacité crasse de ces formes « d’évaluations ». Elles les ont donc remplacées par des rencontres plus régulières, moins formelles, sans plus de formulaire RH à signer (si anxiogène et démotivant). Ce qu’on appelle le Feed-Back, plus ou moins permanent. Les objectifs individuels assignés – la carotte et le bâton… – demeurent cependant la « règle », inutilement infantilisante et stupidement isolante. Les résultats de cette pratique nouvelle, en dépit des effets de manches et de l’intense self-marketing de leurs promoteurs, sont plus que mitigés. Mais rien n’est pire de supprimer définitivement ces rencontres régulières théoriquement instituées pour célébrer et améliorer une saine collaboration. Les « évaluations » deviennent « pirates », véhiculées à la machine à café et rien n’est pire au sein d’une organisation…

Au final, que recommander aux entreprises afin qu'elles puissent, non seulement évaluer le travail de leurs employés correctement mais également espérer des gains de productivité ?

Un peu de bon sens suffit ! Quelques pistes que nous avons expérimentées, de plus en plus, au bénéfice de partenaires de plus en plus gros, avec un incroyable succès.

1.Favoriser l’auto-détermination d’objectifs collectifs (au sein de chaque équipe, voir entre équipes). Le rôle du manager reprend là toute sa noblesse et son utilité, contextualisant et modérant, plutôt d’assignant par décret ou sur-pression…

2.Dé-corréler complètement la rémunération globale individuelle des objectifs auto-déclarés collectifs (à réussite collective, prime collective).

3.Favoriser l’auto-évaluation collective et/ou individuelle, et sa réciproque (évaluation du manager par ses équipiers)

4.C’est en fait la collaboration qui est à évaluer et à améliorer sans cesse. Il convient donc d'y interdire tout jugement de personne, toute prise de position pour favoriser le vrai métier du manager : « comment puis-je t’aider -vous- aider ?

Le 1er bénéfice de cette organisation nouvelle et ultra-simple consiste en un incendie de motivation, en un engagement solide et solidaire et bien sûr en une explosion de la productivité et/ou des résultats. Essayez ! Vous serez surpris !

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