Pourquoi les bons chiffres du chômage s’expliquent aussi par la hausse du nombre de stagiaires, de radiations administratives et de défauts d’actualisation<!-- --> | Atlantico.fr
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La seule catégorie qui connaît sur un an une vraie baisse du chômage depuis fin 2015 concerne les moins de 25 ans.
La seule catégorie qui connaît sur un an une vraie baisse du chômage depuis fin 2015 concerne les moins de 25 ans.
©Reuters

Vous avez dit embellie ?

Au mois de mars, c'est près de 60 000 personnes sans aucun emploi qui ont retrouvé une activité partielle ou à temps complet. Un bon résultat qui s'explique aussi par de mauvaises raisons.

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès est maître de conférences à Sciences Po (gestion publique & économie politique). Il a notamment publié Réformes: mission impossible ? (Documentation française, 2010), L’âge d’or des déficits, 40 ans de politique budgétaire française (Documentation française, 2013). et récemment Le Logement en France (Economica, 2017). Il tient un blog sur pfgouiffes.net.
 

Vous pouvez également suivre Pierre-François Gouiffès sur Twitter

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Atlantico : Au mois de mars 2016, les statistiques du chômage montrent une nette baisse (-1.7%) des demandeurs d'emploi de catégorie A (sans emploi). A quoi cette baisse est-elle due ?

Pierre-François Gouiffès : Ces données indiquent une baisse instantanée des demandeurs de catégorie A (-60 000 en France métropolitaine, chiffre inédit depuis septembre 2000, une période bénie et lointaine). Mais la baisse est beaucoup moins spectaculaire si l’on inclut les demandeurs d’emploi avec activité réduite (catégories ABC) puisque la baisse se limite alors à 8 700 personnes (-0,2 %) seulement en France métropolitaine. Il y a probablement un effet de vases communicants entre ces catégories dans une phase de reprise : passage de l’absence totale de travail à des emplois de courte durée, puis des durées de travail standardisées.

On considère en outre qu’il y a une certaine latence entre reprise de la croissance économique et reprise de l’emploi, ceci avec des prévisions d’amélioration progressive d’une croissance française atone depuis 2011 mais qui devrait aller vers les 1,5 %. Donc il n’est pas anormal que la situation de l’emploi s’améliore quelque peu, ce qui est congruent avec d’autres indicateurs sectoriels (bons chiffres de l’intérim, déclarations d’embauche de l’ACOSS). C’est le contraire qui aurait été surprenant.

La question est de savoir si le niveau actuel de la croissance permet une résorption significative du chômage qui a objectivement explosé depuis la crise de 2008 avec hélas seulement quelques courtes périodes de rémission. Il faut enfin rappeler un autre élément fondamental évitant tout triomphalisme passager : la performance française est extrêmement médiocre voire pire par rapport à ce que montrent nos deux grands voisins allemand et britannique qui ont tout simplement des chiffres de chômage divisés par deux par rapport à nous.

Quelles sont les disparités que l'on peut noter entre les différentes catégories de la population ? 

Si l’on regarde les catégories A-B-C, le mois est favorable pour les toutes les catégories suivant le sexe ou l’âge à l’exception des plus de 50 ans. Il y a même une stabilisation du chômage de longue durée (plus d’un an).

Mais la volatilité récente des chiffres du chômage pousse à regarder les variations annuelles. On voit alors une évolution plutôt favorable pour toutes les catégories même s’il ne s’agit à ce stade que d’une baisse de la hausse… La seule catégorie qui connaît sur un an une vraie baisse du chômage depuis fin 2015 concerne les moins de 25 ans. Il y a en outre peu de différences entre hommes et femmes, dont les évolutions correspondent d’ailleurs à la tranche d’âge 25-49 ans.

Mais une véritable tragédie du chômage a touché les plus de 50 ans, qui viennent tout juste de passer sous la barre des 10 % de hausse, après avoir connu des années de progression du taux de chômage comprise entre 10 et 15%... L’autre drame concerne les chômeurs de longue durée, qui représentent désormais le niveau record 46,5 % du total des chômeurs ABC contre 31 % avant la crise.

Que peut-on attendre des prochains mois ? La conjoncture économique peut-elle permettre à cette tendance d'augmenter ?

Le mois de mars est clairement un très bon mois pour le gouvernement, dans un contexte préélectoral tout à fait inédit au regard des déclarations plusieurs fois réitérées de François Hollande associant sa capacité à se représenter avec une baisse durable du chômage, sans oublier le programme de formation des demandeurs d’emploi annoncé en début d’année et l’examen du projet de loi travail porté par Madame El Khomri.

A fin mars on attend pourtant toujours deux mois successifs de baisse, une séquence inédite depuis mars-avril 2008 en ce qui concerne les catégories ABC… Cela déclencherait un autre regard sur les chiffres du chômage dont plusieurs publications ont été polluées par des bugs techniques. Pour autant l’analyse impose de lisser les chiffres du chômage sur six mois ou un an compte-tenu de leur très grande volatilité.

Si l’on regarde donc l’évolution du chômage sur un an, force est de constater que jamais la hausse à fin mars 2016 n’a été aussi faible depuis le printemps 2012 : quasi stabilité concernant les DEFM A, hausse limitée pour les ABC (3 %). La poursuite de la tendance actuelle permettrait de rentrer dans une vraie baisse du chômage, mais probablement pas d’une ampleur permettant de résorber la très conséquente hausse du taux de chômage depuis avril 2012 : 638 000 DEFM A de plus (+22%) et 1 132 000 DEFM ABC supplémentaires (+26 %).

Tout cela nous préparer de futures analyses tout à fait passionnantes dans un contexte de politisation sans précédent des chiffres du chômage.

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