Pourquoi le programme Mars One ressemble à une énorme arnaque<!-- --> | Atlantico.fr
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Mars one prévoit un départ en 2023
Mars one prévoit un départ en 2023
©Mars One

Faux départ

L'expédition, lancée en grande pompe par une fondation néerlandaise, est de plus en plus décriée : manque d'argent, manque de sérieux et pratiques douteuses, un candidat révèle les secrets d'une mission vouée à l'échec.

Parmi les planètes du système solaire, Mars reste l'une des plus fascinantes. Sa terre rouge, sa proximité avec la Terre et ses conditions "acceptables" en font l'inévitable prochaine étape de la conquête spatiale. D'ici 20 ou 30 ans, la Nasa projette d'y envoyer des hommes. Mais cette date, peut-être encore trop optimiste, ne suffit pas aux passionnés du futur. A une époque de haute technologie, où les entreprises privées rivalisent dans de nombreux domaines avec les laboratoires, une étrange fondation néerlandaise a décidé, en 2012, de prendre de vitesse la Nasa. Elle s'appelle Mars One et depuis quelques années, elle fascine médias et rêveurs en proposant un projet de colonie sur la planète rouge pour… 2023, soit demain. Surtout, la fondation avait eu l'idée maline de faire candidater n'importe quel adulte passionné par l'idée d'un aller sans retour vers Mars. Et cela fonctionne : plus de 200 000 personnes à travers le monde envoient leur candidature.

Dès le début de l'opération, les scientifiques doutent de la viabilité du projet. "Ils n’ont ni la notion du temps ni celle de l’argent", tranche alors François Forget, directeur de recherche au CNRS et planétologue dans le Parisien Magazine. Mars One prévoit 5 milliards d'euros de budget quand les agences spatiales comptent en centaines de milliards.



Trois ans plus tard, Mars One continue la sélection de ses candidats mais des voix s'élèvent pour pointer du doigt les pratiques de la fondation et l'absence de réelle perspective. Un docteur en physique et astrophysique, Joseph Roche, va même jeter un pavé dans la mare en révélant les méthodes de sélection très contestables de la fondation. Enseignant au prestigieux Trinity College de Dublin, l'homme n'a jamais été totalement convaincu par le projet mais, sans nul doute, l'idée l'excitait. En février dernier, il fait partie des 100 heureux élus sélectionnés pour partir. Son statut de scientifique a probablement aidé, mais l'homme révèle que les nominations fonctionnent aussi grâce à un système de points qui s'obtiennent d'une manière plus commerciale que scientifique. "La seule façon d'obtenir plus de points est d'acheter des produits franchisés ou de faire des dons d'argent", raconte Joseph Roche au site Medium. Pire, Mars One ne recule devant rien pour grappiller quelques sous à gauche et à droite, comme atteste un mail envoyé aux sélectionnés : "Si on vous propose de l'argent pour une interview, vous êtes libre d'accepter. Mais nous vous demandons de bien vouloir reverser 75% de vos profits à Mars One."


Joseph Roche

Il faut dire que la situation financière de la fondation est obscure. Pour partir, elle espérait diminuer les coûts, notamment en utilisant les fusées "low-cost" de l'entreprise américaine SpaceX et en finançant l'expédition par une téléréalité mondiale. Mais l'entreprise Endemol, géant de la production TV, a fini par se retirer des négociations tandis qu'un appel aux dons, via un site de financement participatif, n'a même pas atteint l'objectif des 400 000 dollars. Le Nobel néerlandais Gerard ’t Hooft, premier supporter du projet à ses début, a finalement conclu que l'objectif de 2023 avec un budget dérisoire était irréaliste.  

Et l'argent n'est pas le seul problème. Joseph Roche raconte comment s'est déroulée la sélection. "Au début, ils expliquaient qu'ils allaient venir faire des interviews, des tests sur plusieurs jours, quelque chose qui s'approche d'une véritable sélection pour un programme d'astronaute", raconte-t-il. D'ailleurs les critères officiels sont très stricts comme le racontait un porte-parole au début du projet : "Les astronautes doivent être intelligents, créatifs, psychologiquement sables et en bonne forme physique."

"Je n'ai jamais rencontré personne de Mars One", explique Joseph Roche. Un questionnaire simpliste, une vidéo de présentation à poster sur le site internet et un certificat médical du médecin traitant. Voilà à quoi se résume la sélection "rigoureuse" des futurs astronautes. Il faut ajouter un échange sur Skype de 10 minutes avec un responsable. Et voilà comment on passe de 200 000 à 100 candidats.



Le 19 mars dernier, Mars One et son très discret PDG, Bas Lansdorp, réagissent aux critiques des médias, passés de la fascination au scepticisme. "La mauvaise presse est largement due à l'article de Medium qui contient beaucoup de choses fausses", affirme le PDG. "Comme le fait que nos candidats puissent être sélectionnés en fonction de l'argent qu'ils donnent à Mars One. Beaucoup des sélectionnés n'ont pas versé d'argent et beaucoup de ceux qui n'ont pas été selectionnés avaient fait des donations", insiste-t-il. Concernant le budget, Bas Lansdorp affirme par ailleurs que c'est Mars One qui a annulé le contrat prévu avec Endemol et que des pourparlers sont en cours avec une autre société de production pour une série de documentaires. Officiellement, Mars One continue d'avancer. Mais officieusement, le mur se rapproche aussi vite.

La prochaine étape sera de réduire la liste des candidats à 24 pour organiser les équipes d'astronautes. Au moins, la fondation peut compter sur la volonté presque mystique des futurs équipiers. Interrogée par CNN, la britannique Alison Rigby, qui fait partie des 100 élus, explique qu'elle ira jusqu'au bout pour faire partie de la première colonie martienne, quitte à ne jamais revenir. "De toute façon, nous mourrons tous un jour. Le plus important, c'est ce que nous faisons avant." A l'allure où va Mars One, ce n'est probablement pas dans l'espace qu'elle accomplira sa vie.

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