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Pourquoi le financement de la suppression de la taxe d’habitation par le déficit est loin d’être le premier reproche que l’on puisse faire au gouvernement sur sa mesure politique phare
©Thibault Camus / POOL / AFP

Usine à gaz

Selon les informations du Figaro, la suppression de la taxe d'habitation devrait être financée par les déficits. L'exécutif accouche ainsi d'une usine à gaz supplémentaire qui va encore venir accroître la dépendance des collectivités locales vis-à-vis de l’Etat.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Selon les informations relayées par le Figaro, la suppression de la taxe d'habitation devrait finalement être financée par les déficits, pour un montant d'environ 6.5 milliards d'euros. Au delà de la question du déficit, les problèmes posées par une telle réforme ne sont-ils pas plutôt à chercher du côté de la décision elle-même de la suppression de la taxe d'habitation, notamment pour des questions de liens entre contribuables et territoires, d'une plus grande dépendance des collectivités locales à l'Etat, ou encore d'une décision de révision de la base cadastrale qui aurait pu faire sens ? 

Philippe Crevel : La suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des contribuables constituait une des promesses phares du candidat Emmanuel Macron. Sa mise en œuvre aboutit tout à la fois à une usine à gaz, un jeu de bonneteau et ressemble au dessin animé des Shadocks. Elle est surtout une série B à multiples rebondissements. 1er épisode, le gouvernement prévoit en trois fois de supprimer la taxe d’habitation pour 80 % de la population ; épisode 2, le Conseil constitutionnel approuve l’article mais l’assortit d’une condition, l’élaboration d’une réforme des finances locales afin de lutter contre les ruptures d’égalité tant entre redevables qu’entre collectivités. Episode 3, le Gouvernement propose d’exonérer tous les contribuables au titre de leur résidence principale. Episode 4, il faut trouver des solutions pour compenser le manque à gagner pour les collectivités tout en affirmant qu’aucun nouvel impôt serait créé. Episode 5, le concours Lépine de la meilleure solution fiscale est lancé. TVA, CSG, IR, droits de mutation, tout y passe. Episode 6, le dernier en date, du moins pour le moment, le Gouvernement aurait prévu de transférer la taxe foncière des départements et intercommunalités vers les communes. Les premiers recevraient un morceau de TVA qui ne sera pas compensée par l’Etat ce qui entraîne obligatoirement une augmentation du déficit sauf à réaliser des économies par ailleurs.

Cette mécanique ne fera qu’augmenter la dépendance des collectivités locales vis-à-vis de l’Etat. Or, le Conseil constitutionnel avait dans le cadre de son examen de la Loi de finances pour 2018 demander à ce que l’indépendance des collectivités locales soit respectée. La réforme en cours ne fait qu’accroître leur étatisation.

La solution choisie évite d’ouvrir le dossier des impôts locaux aux assiettes obsolètes. Il eut mieux valu réformer la taxe d’habitation. Mais, toute réforme au niveau des impôts locaux crée des gagnants et des perdants. En faisant remonter le problème au niveau national, le Gouvernement évite l’impopularité qui en aurait résulté.

Encore une fois, si la question du déficit semble particulièrement attirer l'attention, la problématique n'est-elle pas celle de l'incapacité de mettre en place une réelle politique de réforme de l'Etat ? 

Fonction publique et finances publiques, le Gouvernement préfère s’abstenir d’engager des réformes structurelles. Certes, il a devant lui le chantier des retraites qui est explosif. De ce fait, il entend temporiser sur les autres fronts.

Le déficit reste la variable d’ajustement. A défaut de choisir, les pouvoirs publics optent pour l’accroissement des dépenses et des dettes. Il y a une fuite en avant qui ne date pas d’aujourd’hui, ni d’hier. L’incapacité à réduire les effectifs de la fonction publique, de dégager de véritables économies est la preuve que le Gouvernement mise tout sur la croissance. En 2017, elle a permis de passer en-dessous de la barre des 3 % mais qu’en sera-t-il en 2018 et 2019. De nombreux experts alertent sur des petits matins budgétaires difficiles surtout si le ralentissement économique se confirme.

Quelles sont les autres décisions prises par le gouvernement qui pourraient venir illustrer cette difficulté à prendre en compte la nécessité d'une telle réforme de l'Etat ? 

Le Gouvernement aime les demi-mesures. Il supprime l’ISF mais il crée l’IFI. Il met en place la retenue à la source pour l’IR mais ne réforme pas cet impôt. Il réforme le droit du travail tout en renforçant les accords de branche. Il annonce une réforme des retraites tout en jouant la montre. Sur l’organisation de l’Etat, la réduction des effectifs, le gouvernement se perd en circonvolution.

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