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Pourquoi la progressivité de l’impôt sur le revenu est un mythe
©Flickr / stefdem

Bonnes feuilles

Progressivité de l’impôt sur le revenu, ISF, impôt sur les successions, fiscalité des entreprises, taxation du capital, financement de la protection sociale : sur toutes ces questions qui font plus que jamais débat, Pascal Salin livre une vision audacieuse pour en finir avec les "réformettes" électoralistes et les "mesurettes" qui prennent aux uns pour donner aux autres. Extrait (2/2) de "La Tyrannie fiscale", (Editions Odile Jacob).

Pascal Salin

Pascal Salin

Pascal Salin est Professeur émérite à l'Université Paris - Dauphine. Il est docteur et agrégé de sciences économiques, licencié de sociologie et lauréat de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris.

Ses ouvrages les plus récents sont  La tyrannie fiscale (2014), Concurrence et liberté des échanges (2014), Competition, Coordination and Diversity – From the Firm to Economic Integration (Edward Elgar, 2015).

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L’idée d’« égalisation des sacrifices » et par conséquent le principe de progressivité, dont elle constitue un fondement idéologique essentiel, relève d’une vision mécaniciste de la société : tout comportement humain serait quantifiable, d’une manière peut- être imparfaite, mais toujours susceptible d’être améliorée. On pourrait donc, sinon mesurer exactement, tout du moins évaluer et apprécier l’utilité des biens et du revenu pour différents contribuables et les « sacrifices » que représente l’impôt pour eux.

Il faut revenir sur cette erreur car elle recèle en fait deux fautes majeures de raisonnement :

- La première consiste à imaginer l’utilité comme un état physique mesurable, appartenant au domaine matériel, alors qu’elle appartient, comme jugement de valeur, au domaine des idées, à la conscience. Cette confusion des genres est typique d’un certain scientisme, introduit dans la théorie économique par les mathématiques et qui n’a rien de plus pressé que de traiter l’homme comme une machine, d’éliminer l’esprit humain du champ de l’étude.

- Cette vision repose sur une seconde faute, impardonnable, qui consiste à prétendre réaliser, même « imparfaitement », des « comparaisons d’utilité », alors que la plupart de ceux qui raisonnent ainsi savent (sans toujours comprendre vraiment pourquoi) que ces comparaisons sont impossibles. On fait donc comme si ce qui est impossible était possible !

Le raisonnement en termes de comparaison des utilités individuelles rejoint d’ailleurs un discours habituel qui consiste à distinguer des biens de « première nécessité », des biens de « confort », des biens de « luxe » ou même des biens « superflus » ; à décider de ce qu’est la « consommation incompressible » ou à disserter sur le « coût de l’enfant » pour une famille. Ceux qui utilisent ce langage imposent leurs jugements de valeur à leurs concitoyens. Ce langage est exactement celui qui convient pour décrire une communauté animale, par exemple pour évaluer la ration minimale nécessaire à l’ouvrière dans une ruche ou à la croissance de la jeune abeille ; ou encore pour mesurer le coût d’un prisonnier : il lui faut un espace minimal, une certaine ration de nourriture.

De telles conceptions ne devraient pas être appliquées à une communauté d’hommes libres, et c’est pourquoi l’existence même de l’impôt progressif peut être interprétée comme un signe de totalitarisme. Loin de la pseudoscience, la théorie économique qui explique pourquoi il est impossible de comparer les satisfactions individuelles fournit le moyen de comprendre les sociétés d’hommes libres et de ne pas entraver leur fonctionnement.

Science de l’action humaine, elle s’intéresse aux choix effectués par les individus sans prétendre se substituer à eux.
Comme les jugements de valeur, phénomènes mentaux, sont incommunicables, rien ne permet de comparer la perte subie par un individu à qui on prend 10 à celle que subit un autre individu à qui on prend 1000. Et on peut se demander pourquoi les gouvernements et les parlements seraient dotés de lumières particulières leur permettant d’apprécier l’« égalité de sacrifice » entre les individus.

Si l’« égalité de sacrifice » pouvait s’évaluer précisément, comment se fait- il qu’on ne trouve pas les mêmes schémas de progressivité dans tous les pays ? De fait, la progressivité de l’impôt sur le revenu diffère de pays à pays. Cette différenciation est d’autant plus frappante qu’elle contraste avec l’uniformisation internationale des prix des biens vendus sur le marché libre : le prix d’un bien est à peu près le même partout dans le monde, alors qu’il résulte des choix de millions d’individus différents.

La variabilité de la progressivité selon les pays témoigne de son caractère arbitraire. On aboutit donc à cet étonnant paradoxe : un impôt qui conduit à confisquer à certains individus une part très importante de leurs ressources n’est justifié par rien. Il est purement arbitraire.

Extrait de "La Tyrannie fiscale", Pascal Salin, (Editions Odile Jacob), 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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