Pourquoi la loi de renseignement est probablement le chant du cygne de la Vème République<!-- --> | Atlantico.fr
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la loi de renseignement est probablement le chant du cygne de la Vème République.
la loi de renseignement est probablement le chant du cygne de la Vème République.
©Pixabay

Tribune

Une tribune d'Emmanuelle Gave, directrice exécutive de l'Institut des libertés.

Emmanuelle  Gave

Emmanuelle Gave

Emmanuelle Gave est titulaire d'un DEA de Droit des Affaires de PARIS II (Assas), ainsi qu'un LL.M de Duke University. Lauréate du barreau de Paris, elle prête serment en 1996. Elle est Directrice Exécutive de L'Institut des Libertés depuis janvier 2012.

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Le 5 mai dernier, les députés de l’Assemblée Nationale Française ont voté massivement pour l’adoption du texte N°2669 intitulé “Projet de loi sur le renseignement“. La liste des votants pour ceux qui voudraient en avoir le coeur net, est ici.

Une action militante assez active a été montée du coté de Médiapart ainsi certains lecteurs d’Atlantico s’interrogent-ils peut être ; après tout, les ennemis de mon ennemis ne sont ils pas mes amis ? Malheureusement, non.

Demeure le Droit, celui de Locke et Montesquieu, celui qui a pour tâche d’organiser la vie de la cité. Celui qui dispose ces principes clair sur lequel tous les clans politiques s’accordent en général dans une démocratie : la séparation tripartites des pouvoirs (Exécutif, législatif, judiciaire).

Il existe assurément des cycles dans l’Histoire  comme le faisait remarquer Nicolas Kondatrieff et à ce titre, il est fort possible effectivement que notre constitution de la V eme arrive à son chant du cygne. Mais est ce une raison pour partir en torche sur une question de séparation des pouvoirs tellement patente que personne ne songe même à s’interroger sur la présence de cet éléphant au milieu du salon ?

La constitution française dans son article 66 dispose que « l’autorité judiciaire est gardienne des libertés individuelles». Or, aucun contrôle par le pouvoir judiciaire n’est prévu dans ce texte de loi sur le renseignement. La France ne peut se prétendre une démocratie et ainsi bafouer un des principes les plus élémentaires de séparation des pouvoirs. La force de la Loi ne peut pas être dans les mains de l’exécutif.

Par ailleurs, ce projet de loi opère un véritable renversement de la présomption d’innocence et n’est pas compatible avec notre système judiciaire. Il est vital de s’inscrire dans le cadre de la continuité de notre système légal hérité de notre grande tradition humaniste du siècle des lumières et ne pas céder à la tentation sécuritaire obsessionnelle. Nous devons rester innocents jusqu’à preuve du contraire et devons être traités comme tel.

De plus, la commission de contrôle mise en place par le projet de loi n’a qu’une voie consultative et sa composition est par ailleurs plus que contestable. A tout moment, le Premier ministre qui aura tous les pouvoirs entre ses mains pourra passer outre. En cas de désaccord, la commission qui ne disposera pas d’un droit de véto pourra simplement saisir le Conseil d’Etat. Avec toutes les dérives possibles que permettrait l’interception de l’ensemble des données des citoyens français, qui arrêterait cette machine si elle venait à s’emballer ? Manuel Valls ?

Enfin, ce projet de loi sur le renseignement ne couvre pas seulement la lutte contre le terrorisme contrairement à ce que le gouvernement expose. Evidemment que nous sommes tous « contre le terrorisme » ou « contre la cruauté animale » , est ce même un débat ? Ce qui l’est en revanche, ce sont les atteintes à vos libertés constitutionnelles que vous laissez flouer grâce aux meilleures excuses du monde. Ainsi, les services de polices,  pourront recourir aux techniques pour le recueil de pas moins de sept missions de  « défense des intérêts publics », dont les domaines d’application concrets laissent largement part au subjectif et donc à l’arbitraire.

Parmi eux, la fameuse « prévention du terrorisme » mais aussi « la défense des intérêts économiques, industriels ou scientifiques majeurs en France », «  la prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions de violence collectives de nature à porter atteinte à la sécurité nationale », « la lutte contre la reconstitution ou des actions tendant au maintien de groupements dissouts», « la défense des intérêts majeurs de la politique étrangère » et « la prévention de toute forme d’ingérence étrangère » ; autant dire des pleins pouvoirs, sous couvert de défense d’intérêts économiques trop facilement qualifiables, et laissés à l’arbitraire d’enquêteurs auto saisis.

Beaucoup de français sont inquiets, comme en témoigne la liste grandissante des organismes et personnalités juridiques hostiles à ce projet de loi. Je citerai entre autres la Commission nationale de l’informatique et des libertés, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’Ordre des avocats, le bâtonnier de Paris, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, reporters sans frontières, l’Association des victimes du terrorisme et le juge antiterroriste Marc Trévidic.

Alors certes, la V eme a surement vécue, mais certains de ses principes doivent demeurer intangibles : la séparation des pouvoirs est de ceux ci.

Pour toutes ces raisons, et afin de rester démocratiquement constructifs,

L’Institut des Libertés a lancé une campagne #STOPSénat pour vous proposer d’écrire à votre sénateur qui, bientôt, va pouvoir  se prononcer sur cette loi après le rapport de la Commission Sénatoriale.

Nous avons mis en place un outil très simple qui vous permet d’écrire en un clic au sénateur de votre circonscription. Ce dernier est déterminé grâce à votre code postal et vous pouvez ensuite modifier notre lettre type (si vous le souhaitez), qui sera personnalisée et envoyée aux sénateurs avant le vote.

Nous ne sommes pas les Etats-Unis ou le lobbying peut prendre une ampleur colossale mais nous restons persuadés à L’Institut des Libertés, que tout ce qu’il faut pour qu’un régime de terreur s’instaure  c’est un manque d’engagement des hommes et de femmes de la société civile, pour paraphraser Edmund Burke.

Parce qu’on “a pas le temps”, parce “qu’on ne comprend pas”, parce que “cela à l’air trop compliqué pour moi”. Cela ne l’est pas. Votre liberté civile est simple comme un clic.

www.institutdeslibertes.org/loirenseignement

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