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Pourquoi la culture de l’instantané pèse sur le déroulement des réformes
©Reuters

Edito

La dictature de l’immédiateté conduit à temporiser et gomme en partie la nécessité du changement.

Michel Garibal

Michel Garibal

Michel Garibal , journaliste, a fait une grande partie de sa carrière à la radio, sur France Inter, et dans la presse écrite, aux Échos et au Figaro Magazine.

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Etonnant revirement du climat économique en France depuis un an. A l’époque, il n’était question que de déclin, de décadence, de retard par rapport à nos grands partenaires, d’incapacité de lutter contre une sorte de désespérance amorcée avec le début de la crise financière de 2008 qui conduisait les jeunes et brillants sujets à s’expatrier pour échapper au sentiment général d’échec. Aujourd’hui, tout a changé : l’arrivée à l’Elysée d’Emmanuel Macron s’est accompagnée d’une sorte de tremblement de terre dans les esprits. Il est bien connu que la jeunesse a toujours tendance à embellir l’environnement grâce à un enthousiasme qui allège le poids des difficultés à vaincre. Surfant de plus sur une conjonction des planètes qui a amélioré la conjoncture économique et favorisé la croissance, les Français se voient asséner une pléthore de bonnes nouvelles : le produit intérieur brut a progressé l’an dernier d’au moins deux pour cent, alors qu’on avait tablé il y a douze mois sur 1,5% au mieux, ce qui engendre des recettes budgétaires supplémentaires et facilite l’objectif de réduire à trois pour cent le déficit public. La création d’emplois a fait un bond au quatrième trimestre de l’an dernier, ramenant le taux de chômage au-dessous de neuf pour cent de la population active. Le commerce extérieur se révèle lui aussi un peu moins catastrophique que les projections de début d’année ne  l’avaient laissé prévoir. Parallèlement, on apprend que la France se remet à créer plus d’usines qu’elle n’en détruit et que, malgré l’immense saignée de la dernière décennie, il existe présentement 580 établissements de ce type de plus qu’en 2008, tandis que le potentiel en activité tourne à 85% de ses capacités, c’est-à-dire pratiquement à plein régime. Enfin, l’étranger découvre une nouvelle France, qui est de retour sur la scène internationale et ne tarit pas d’éloges sur son nouveau Président, qualifié d’homme de l’année en Europe.

Tous ces bulletins de victoire donnent le tournis aux Français, qui ont le sentiment qu’on leur décrit un monde enchanté, aux antipodes de celui dans lequel ils vivaient depuis des années. Avec une réaction immédiate : celle de connaitre le bénéfice qu’ils en retirent pour eux-mêmes. Sur ce plan, c’est plutôt la déception :  la hausse de la CSG, en particulier pour les retraités, ainsi qu’un certain nombre de taxes nouvelles semblent indiquer une érosion de leur pouvoir d’achat. Certes, le gouvernement a prévenu qu’un rééquilibrage serait effectué en fin d’année ; mais tout délai est considéré comme un échec, car toute annonce nouvelle implique dans l’esprit de nos compatriotes un résultat immédiat, alors que le temps est une donnée indispensable pour toute transformation de la société. Cette dictature de l’immédiateté a un autre inconvénient : elle conduit à temporiser, elle gomme en partie la nécessité du changement, en raison d’une dérive intellectuelle qui consiste à considérer que la seule diminution d’un déficit en France par rapport aux prévisions est le signe d’une bonne gestion, alors qu’elle est seulement le résultat d’une amélioration de la conjoncture et qu’il faudrait avant tout se préoccuper de réaliser de véritables excédents comme c’est le cas de l’Allemagne, pour rétablir les comptes du pays. Car aussitôt resurgit la théorie de la cagnotte immortalisée par lle gouvernement de Lionel Jospin, qui consiste à distribuer aussitôt ce qui résulte d’un déficit moins élevé que prévu, alors que les comptes restent pourtant au rouge. Et naturellement, ce comportement a une autre conséquence, encore plus grave : celle de perpétuer l’idée qu’on peut encore maintenir les choses en l’état et que les réformes peuvent attendre. C’est en tous cas l’inquiétude des marchés financiers, qui ne participent pas pour l’instant à l’euphorie générale et manifestent une certaine prudence.

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