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Pourquoi la baisse de popularité d’Emmanuel Macron pourrait favoriser l’émergence d’un mouvement social à la rentrée
©ALAIN JOCARD / AFP

A haut risques

Les négociations avec les syndicats sur les ordonnances de la loi Travail ont repris hier en vue d'une adoption le 31 août prochain. Les syndicats et la France Insoumise sont prêts à s'opposer aussi bien à la loi qu'à la méthode employée par le gouvernement.

Hubert Landier

Hubert Landier

Hubert Landier est expert indépendant, vice-président de l’Institut international de l’audit social et professeur émérite à l’Académie du travail et de relations sociales (Moscou).

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Atlantico : Après 100 jours au pouvoir, la côte de popularité d'Emmanuel Macron s'est largement érodée auprès des Français, pour en arriver à 36% de satisfaits dans un sondage publiée le 18 août par l'IFOP. Une baisse qui serait due avant tout en raison de la défiance du programme économique du Président, le projet de Loi travail ne trouvant que 31% de satisfaits contre 51% de mécontents. Dans un tel climat, quels sont les risques de voir l’exécutif être confronté à un mouvement social suite à la présentation de la loi le 31 août prochain ? Quels pourraient être les moteurs d'un tel mouvement ?

Hubert Landier : Les raisons d'un mouvement social seraient les mêmes que celles qu'à engendré la loi El Khomri l'année dernière. Ce qui change, c'est que le gouvernement a longtemps négocié les conditions et le contenu des ordonnances alors que le précédent gouvernement a beaucoup moins négocié avec les organisations syndicales, notamment avec la CGT. C'est un point plutôt positif pour Emmanuel Macron. Un second point positif, c'est que le précédent gouvernement se heurtait à l'opposition de la CGT, de Sud et de Force Ouvrière, or Force Ouvrière s'est très peu manifesté jusqu'à présent et que le front CGT/FO n'existe plus. Le CGT et Sud se trouvent isolés. Le point négatif, c'est que la popularité d'Emmanuel Macron s'est très fortement érodée. Elle est plus faible que ce qu'elle avait été pour François Hollande à la même époque dans son mandat. Ceci ouvre à des manifestations et il risque de ne pas être soutenu par l'opinion publique. C'est la raison pour laquelle la CGT et Sud ont déjà  programmé une manifestation le 12 septembre prochain. S'agit-il d'un baroud d'honneur ? Cela va-t-il déboucher sur une période de troubles sociaux ? Ce qui est certain, c'est que cet automne va être périlleux pour Emmanuel Macron. 

Ce qui est frappant, c'est qu'il y a un décalage entre la politique d'Emmanuel Macron sur le plan économique et social et l'image qu'il donne de lui-même. Les français peuvent être déçus parce que sur la moralisation, il s'est trouvé en difficulté avec certains membres de son gouvernement. Certaines catégories de la population sont extrêmement inquiètes comme les fonctionnaires avec le blocage des salaires, les militaires avec la démission du chef d'Etat-major. Beaucoup de raisons font que les Français sont déçus. Un rebond passera par une campagne d'explications sur les mesures difficiles qu'il devra nécessairement prendre sur le plan économique. 

Emmanuel Macron a bénéficié d'une large majorité mais cette dernière ne correspond pas à une adhésion. Il a été élu compte tenu des difficultés du Parti Socialiste et des Républicains avec l'affaire Fillon. Il n'a pas nécessairement convaincu une majorité des Français malgré les mesures qu'il a proposé. On savait que sur les cent premiers jours il bénéficierait d'une bonne côte de popularité mais ce qui est étonnant, c'est qu'elle ait baissé aussi rapidement. 

La méthode employée par le gouvernement est particulièrement critiquée, notamment autour de la question du secret qui l'entoure. Faut-il y voir une stratégie pouvant permettre de faire passer la Loi tout en privant les syndicats de la capacité de s'organiser en cas de "déception". S'agit-il simplement de la "bonne" méthode pour parvenir à faire passer un projet minoritaire dans l'opinion ? 

Cette loi sur le travail va passer. La question est de savoir ce que vont faire les syndicats après. De ce côté et ils sont majoritaires dans les Etats-majors, des syndicalistes raisonnent comme autrefois, ils sont traditionnels et vont continuer de s'opposer à cette loi mais il y a aussi des syndicalistes, de toutes tendances, de FO à la CGT qui pensent autrement. La situation économique n'est plus celle des Trente Glorieuses et réfléchissent à une revalorisation du dialogue social. Ce qui sera en jeu, ce sera le comportement du patronat et le comportement des syndicats. Est-ce que le patronat saura mettre en œuvre une politique qui prennent en compte ce qu'on à dire les syndicats ? 

On observe ce qu'il se passe au niveau national et ce qui se passe sur le terrain. On voit au niveau national se manifester les vieux réflexes d'opposition qui n'ont guère changé. Sur le terrain, on assiste à des changements considérables. Des accords sont passés au sein des entreprises mais on en parle peu et les choses bougent. Il est plus facile aujourd'hui pour des syndicalistes et des dirigeants d'entreprises de discuter et d'essayer d'avancer et de trouver des solutions intelligentes. Pour évaluer la situation sociale, il ne faut seulement se focaliser sur la politique des Etats-majors mais essayer de voir ce qu'il se passe sur le terrain, entreprises par entreprises, professions par professions. Il est important d'insister sur ce décalage.

Quelles sont les "forces" capables d'entraîner une mobilisation dans le pays ? Entre une CGT en perte de vitesse suite à la perte de son statut de premier syndicat de France, et une France insoumise qui tente de mobiliser les Français sur ces questions ? 

Attention parce que la CGT a perdu son statut de premier syndicat dans le secteur privé mais reste le premier syndicat dans la fonction publique. Il est vrai cependant qu'elle est plutôt en recul. La politique confédérale est très hostile la loi travail tout comme Sud qui a perdu beaucoup d'influence. Ce n'est pas parce que Philippe Martinez va lancer un mot d'ordre que les militants vont le suivre. La mobilisation contre la loi El Khomri était très faible. Il y a eu des manifestations qui n'ont impliqué qu'une minorité de militants. Les mouvements syndicaux sont très balkhanisés car chaque syndicat se détermine en fonction de ses propres problèmes, plus qu'en fonction des orientations confédérales. 

Derrière la CGT, on retrouve la France insoumise et l'influence exercée par Jean-Luc Mélenchon qui est très importante au sein du syndicat. Auparavant, c'était les communistes qui exerçaient leur influence mais ils se sont effondrés. La France Insoumise a occupé l'espace vacant. Cela s'est traduit par l'opposition à la loi El Khomri et cela sera encore le cas à l'automne. La France Insoumise est la mieux armée pour mener la contestation. 

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