Pourquoi la baisse de 4 points du QI moyen des Français entre 1999 et 2009 devrait nous faire changer d’urgence nos habitudes de consommation<!-- --> | Atlantico.fr
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On constate une augmentation des maladies neuro-développementales et une baisse du QI.
On constate une augmentation des maladies neuro-développementales et une baisse du QI.
©Pixabay

Ecologie humaine

Après les abeilles, on découvre que les hommes sont aussi victimes des perturbateurs endocriniens présents notamment dans les pesticides.

Barbara Demeneix

Barbara Demeneix

Barbara Demeneix est biologiste, directrice du département Régulations, développement et diversité moléculaire au MNHN de Paris.

Elle est également l'auteure du livre Le Cerveau Endommagé, éd. Odile Jacob, 2016

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Atlantico: La moyenne du QI français a chuté de près de quatre points entre 1999 et 2009. Et votre recherche pointe du doigt les perturbateurs endocriniens. Pourquoi et comment les perturbateurs endocriniens font-ils baisser notre Q.I.?

Barbara Demeneix : L’un des principaux facteurs de cette baisse de QI est l'exposition dès la vie fœtale à une pollution chimique diffuse et notamment à des mélanges de perturbateurs endocriniens. Certains de ces perturbateurs endocriniens interfèrent avec le fonctionnement de la glande thyroïde. Ils agissent sur les voies endocriniennes qui sont essentielles pour le développement du cerveau. Or, les hormones thyroïdiennes sont connues pour moduler l’expression des gènes pilotant la formation de structures cérébrales complexes comme l’hippocampe ou le cortex cérébelleux.

L’atteinte peut se révéler particulièrement grave lorsque ce cocktail de perturbateurs endocriniens touche un enfant in utero (une femme enceinte au cours des premiers mois de sa grossesse) ou un enfant en bas âge.

Y a-t-il d'autres facteurs environnementaux qui font baisser notre Q.I ? 

Il y avait le plomb. Mais heureusement, on ne trouve plus de plomb dans l'essence aujourd'hui en France, en Europe et aux Etats-Unis. Certains pays l'utilisent encore dans l'essence ou dans les peintures, mais d'une façon générale, l’utilisation du plomb est en diminution. Depuis le retrait de l’essence plombée, la plombémie moyenne est descendue autour de 15 microgrammes par litre chez les enfants américains.

Malgré tout, on constate une augmentation des maladies neuro-développementales et une baisse du QI. Ma conclusion est la suivante: les perturbations viennent d'autres facteurs que le plomb. On peut également citer la combustion du charbon qui produit du mercure, par ailleurs produit par l'activité minière de l'or. Le mercure peut inhiber l’action des enzymes qui potentialisent l’action de ces mêmes hormones… Il agit aussi comme perturbateur endocrinien.

Cette baisse généralisée des Q.I est-elle inquiétante ? Si oui pourquoi ? 

Bien sûr.. Une baisse de quelques points de Q.I. pourrait avoir des conséquences substantielles sur la réussite scolaire et le potentiel professionnel des enfants atteints.

Et cela est d'autant plus grave que les expositions aux métaux lourds et aux substances chimiques de synthèse ne diminuent pas. Au contraire, elles augmentent. C’est un réel problème de santé publique. Les épidémiologistes remarquent depuis longtemps que les gens qui ont un quotient intellectuel élevé vivent plus longtemps : notre santé dépend de la manière dont nos tissus se sont développés au cours de notre vie intra-utérine. Les facultés cognitives pourraient ainsi être révélatrices de l’exposition à ces agents chimiques in utero et au cours de la petite enfance: avoir été peu exposé au début de notre vie à ces perturbateurs endocriniens impliquerait un quotient intellectuel plus élevé. Par ailleurs, cette exposition précoce augmenterait notre susceptibilité aux maladies non transmissibles, comme les maladies cardio-vasculaires ou le cancer. Et cela pose également un problème en termes de dépenses publiques. Les enfants peuvent avoir besoin de plus en plus de soins institutionnalisés. Il faudra aider ces enfants à mieux s'insérer dans la société. Chaque point de QI perdu a un coût énorme pour la société.

On peut imaginer qu'il soit possible d'entrainer les gens à mieux utiliser leurs réserves cognitives, même si leur quotient intellectuel est plus bas. Mais il faut quand même que le cerveau à la base soit suffisamment bien construit. Si les fondations ne sont pas bonnes, on ne pourra rien faire.

Est-il possible d'enrayer la baisse de nos Q.I. ? Si oui, comment ? 

Pour les populations futures, il faut absolument légiférer sur les pesticides et les polluants en général. Pour les populations futures, il faut absolument mieux légiférer sur les pesticides et les polluants en général. En attendant, les populations qui peuvent se le permettre, surtout les femmes enceintes, devraient manger des produits biologiques, utiliser moins de cosmétiques avec du parabène.  

On peut réduire son exposition aux perturbateurs endocriniens mais on ne peut, malheureusement, pas les éradiquer de notre quotidien. En effet, les perturbateurs endocriniens se trouvent avant tout dans l'air. Dans la ville, nous sommes exposés. A la campagne, les pesticides nous envahissent également.

Nous avons démontré que la proximité avec des zones utilisant des pesticides entraine un risque plus élevé de développer des troubles neurologiques à la naissance. – A l'échelle européenne, la législation interdisant les pesticides a encore été repoussée. Et cela malgré la forte volonté de Ségolène Royale en France, de la Suède, du Danemark. Pour convaincre les politiques au niveau européen, il faudrait s'engager auprès d’associations telles que WWF, Greenpeace, et écouter les scientifiques qui tirent la sonnette d’alarme depuis longtemps.

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