Pourquoi la baisse de 15% du nombre de permis de construire en 2013 aggrave sévèrement le sort des Français les plus pauvres<!-- --> | Atlantico.fr
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Le nombre de permis de construire accordé chaque année a baissé de 15% en 2013.
Le nombre de permis de construire accordé chaque année a baissé de 15% en 2013.
©Reuters

Merci Cécile (Duflot)

Le potentiel économique d'une ville est une chose fragile qui s'équilibre entre une politique de la ville intelligente et une population attirée et maintenue par un parc immobilier disponible et accessible. Un élément, qui, en plus de la crise, peut être lourdement remis en cause par les différentes réglementations foncières.

Jean-Claude Driant

Jean-Claude Driant

Professeur à l'Institut d'urbanisme de Paris (Université Paris-Est Créteil) dont il a été le directeur entre 2001 et 2006. Il assure actuellement la direction du Lab'Urba.

Spécialiste de l'habitat, Jean-Claude Driant consacre l'essentiel de ses recherches et enseignements à la socio-économie du logement, aux politiques nationales et locales de l’habitat, au parc locatif social et au fonctionnement des marchés immobiliers. Avant d'intégrer l'enseignement supérieur, il a travaillé pendant six ans pour un bureau d'études spécialisé, parallèlement à la préparation d'une thèse sur les conditions d'habitat dans les quartiers populaires de Lima (Pérou).
Travaillant régulièrement en coopération avec des services de l'État, des collectivités territoriales et divers acteurs du logement, il est l'auteur de nombreuses études, articles et documents pédagogiques, et a signé ou coordonné plusieurs ouvrages consacrées au logement en France et en Amérique du Sud.
Ses travaux actuels et futurs portent principalement sur les articulations entre le fonctionnement des marchés locaux du logement et la mise en œuvre des politiques territoriales impliquant l'habitat.

Il est membre de la commission nationale des comptes du logement, participe à divers travaux du Conseil national de l’information statistique et aux conseils d’administration de divers organismes du domaine du logement.

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Atlantico : Le nombre de permis de construire accordé chaque année a baissé de 15% en 2013 par rapport à l'année précédente. Comment expliquer ce chiffre ? Dans quelle mesure peut-il être imputé à des réglementations trop lourdes ?

Jean-Claude Driant : Le principal facteur qui entraine cela est économique et n'est autre que la crise et ses conséquences. En effet, la baisse du nombre de permis de construire accordé est principalement la conséquence d’une baisse de la demande. Pour résumer, il y a trois types de demandeurs de permis de construire. Premièrement, il y a les particuliers dont la demande est vraisemblablement stable avec malgré tout une légère baisse conjoncturelle. Ensuite vient la construction de logements sociaux. Enfin, arrivent les promoteurs qui eux construisent pour vendre. Leurs clients traditionnels étant les primo-accédants et les accédants avec des revenus relativement modestes, la période n’est pas vraiment favorable à leur activité. La pire chose étant pour eux de construire des logements sans pouvoir les vendre ensuite, ils préfèrent ne pas construire du tout. Ainsi, il y a un effet mécanique sur la faiblesse du nombre des logements accessibles.

De plus, il est clair que les différents réglementations mises en place au fil des années, notamment une partie récente du projet de Cécile Duflot ne sont pas vraiment incitatifs et ont pu contribuer dans une certaine mesure à ce chiffre. Par ailleurs, il est clair qu’il faut limiter les différents recours qui sont aujourd’hui possibles pour s’opposer à la construction d’un nouvel immeuble sous prétexte de perte de valeur de ceux déjà en place etc. Cela ralentit énormément les choses car cela ne correspond plus à la bonne gestion d’une politique du logement.

Cela tue-t-il le potentiel économique de certaines villes en écartant mécaniquement les plus pauvres des centres d’activités des grandes villes notamment ?

Quand on regarde ce chiffre de la baisse des permis de construire délivrés, il est nécessaire de se poser la question de sa répartition. En effet, la baisse de la construction dans les zones rurales où dans les villes ou l’on a fait pas mal de chose sous l’impact des lois Robien et Scellier n’est pas très grave. Là où il y a un véritable problème c’est dans les grandes villes. C'est là que s’opère la véritable déconnexion entre la nécessité de vivre près des centres d’activités et l’alimentation du marché immobilier par les constructeurs pour les raisons que j’expliquais précédemment. Le principal problème français est, bien entendu, à cause de la structure de notre pays, celui de l’Ile-de-France dont on peut espérer qu’il se réglera en partie avec la gouvernance du logement comprise dans le projet du grand Paris.

Quelles sont les conséquences d'une telle baisse sur le plan économique et plus précisément celui de l'emploi ?

Il est clair que la baisse de la construction a un impact extrêmement important sur l’économie des villes et sur leur vie en général. La construction ce n’est pas uniquement Bouygues, c’est surtout des petits artisans et des petits entrepreneurs qui voient leur activité baisser. Cela entraine un véritable effondrement de l’économie locale qui ensuite se répercute à tous les niveaux de la vie d’une ville, sur l’activité des commerces etc. La fédération du bâtiment réalise de très intéressants calculs à ce propos (voir ici). L’impact se retrouve aussi à l’échelle de l’économie nationale puisque la baisse de la construction entraine aussi naturellement une baisse de la collecte fiscale de l’Etat. Toutefois, précisons que l’économie française ne s’appuie pas autant sur l’immobilier que certaines économies européennes. Chez nous, il ne s'agit que d'un moteur parmi d'autres.

Quelles autres solutions pourraient permettre de relancer le marché de la construction en France ?

Il m’apparait que la principale solution se situe dans la gouvernance du logement à un niveau supérieur à la gestion communale traditionnelle qui n’est pas au niveau. Cela est particulièrement vrai dans les grands espaces urbains où les villes se chevauchent, là encore Paris arrive en tête.

Propos recueillis  par Jean-Baptiste Bonaventure

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