Pourquoi Jean-Luc Mélenchon tend un piège au gouvernement en appelant au “déferlement sur Paris” ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Pourquoi Jean-Luc Mélenchon tend un piège au gouvernement en appelant au “déferlement sur Paris” ?
©AFP

Technique de sioux

Le leader de la France insoumise a tenu un discours particulièrement virulent à l'égard du pouvoir exécutif, souhaitant que "que le peuple déferle dans la rue contre le coup d'Etat social qui s'organise contre lui".

Didier Maus

Didier Maus

Didier Maus est Président émérite de l’association française de droit constitutionnel et ancien maire de Samois-sur-Seine (2014-2020).

 

Voir la bio »

Ce dimanche 27 août, à Marseille, Jean-Luc Mélenchon a tenu un discours offensif à l'égard du pouvoir exécutif, en déclarant : "il faut que le peuple déferle dans la rue contre le coup d'Etat social qui s'organise contre lui". Est-il possible de considérer que Jean-Luc Mélenchon joue avec les limites, en sachant qu'une réponse de l’exécutif à cet appel au "déferlement" pourrait conduire à son renforcement politique

Jean-Luc Mélenchon est d’abord un homme politique et le porte-parole d’une importante partie de l’électorat. Il estime, à tort ou à raison, que son mandat politique est celui d’une opposition frontale à la politique menée par Emmanuel Macron, en particulier dans le domaine social. Il estime incarner dans l’histoire d’aujourd’hui la seule vraie force politique s’inscrivant dans la tradition contestataire, voire révolutionnaire, de la Gauche. De plus, ses qualités personnelles et un réel talent de tribun lui donnent la possibilité de trouver des formules frappantes et de jouer sur son charisme.

Il serait anormal de reprocher à un responsable politique de ne pas tenter de profiter d’une situation donnée pour faire avancer ses idées, occuper le terrain et chercher à faire progresser son capital. Dans un registre très différent, M. Macron a largement fondé son succès sur les échecs des autres responsables politiques.

La stratégie politique n’est pas une science exacte. Elle relève de l’analyse et de la décision de chaque groupe ou responsable. En appelant le peuple « à déferler sur Paris » M. Mélenchon prend un risque, celui que la réponse à cet appel ne soit pas à la hauteur de ses ambitions. Il se situe dans le prolongement logique de ses prises de position antérieures.

Jean-Luc Mélenchon déclare également "Nous sommes conscients de nos responsabilités. Nous sommes prêts à gouverner demain matin s'il le faut", ce qui laisse supposer qu'une "chute" de l’exécutif pourrait se produire, ce qui lui ouvrirait, selon la FI, les portes du pouvoir. D'un point de vue légal, quelles sont les limites à ne pas franchir ?

Le droit de manifester est un droit qui bénéficie d’une garantie constitutionnelle. Il fait partie non pas des textes eux-mêmes, mais « des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », ce qui revient au même. Manifester constitue donc une liberté fondamentale, tant que l’ordre public n’est pas en cause.

Que M. Mélenchon considère que la situation de septembre 2017 peut devenir explosive et conduire à une « chute » brutale du gouvernement relève de son appréciation. A partir du moment où il estime possible une telle perspective, il est logique qu’il anticipe l’étape suivante, c’est-à-dire celle de sa propre arrivée au pouvoir. Il prend d’ailleurs soin de ne pas préciser les modalités de ce changement, en particulier l’organisation de nouvelles élections.

Dans la posture qui est la sienne, M. Mélenchon veut incarner une alternative quasi révolutionnaire. C’est son choix.

A l'inverse, quelle est la limite politique que le gouvernement ne pourrait tolérer, afin d'éviter d'être taxé d'un laxisme qui entraînerait la "chienlit"? En quoi Jean-Luc Mélenchon ouvre-t-il un véritable piège au gouvernement avec cet appel au déferlement ?

Comme tout gouvernement, celui d’aujourd’hui a pour mission de faire respecter l’ordre public et la sécurité des personnes et des biens. En regardant l’histoire, chacun sait aussi qu’il existe un moment où le rapport de force devient très tendu et susceptible de basculer. Le rapport de force entre les pouvoirs établis et les mouvements de rue n’est pas stable. Il faut aussi tenir compte de « la guerre des images ».

M. Mélenchon sait parfaitement qu’il est politiquement minoritaire, mais que son espace politique n’est revendiqué par personne d’autre. Il cherche donc à profiter de ce monopole de la contestation sociale pour développer sa part de marché politique et mettre en difficulté la majorité présidentielle et parlementaire. Dans un mois, il sera possible d’apprécier la réussite, totale ou partielle de sa dynamique ou son relatif échec. Par symétrie on y lira aussi le premier bilan de M. Macron.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !