Pourquoi il n’y a peut-être pas d’Aloe Vera dans votre crème à l’Aloe… et surtout ce que vous risquez à l’appliquer tout de même<!-- --> | Atlantico.fr
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L’Aloe vera est une plante médicinale utilisée depuis des millénaires pour son suc et son gel.
L’Aloe vera est une plante médicinale utilisée depuis des millénaires pour son suc et son gel.
©Nikodem Nijaki - Wikipedia

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En dépit de ce qui est vanté sur les emballages, de nombreux produits prétendant être à base d'Aloe Vera n'en contiennent pas.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Le groupe américain Bloomberg a récemment mené une étude sur différents produits estampillés Aloe Vera sans pour autant en contenir. De telles situations de contrefaçon (ou de mauvaise extraction) existent-elles en France ? Quels risques présentent-elles ?

Stéphane Gayet : Les résultats de cette étude sont à la fois troublants et quand même un peu attendus. Précisons que l’Aloe vera est une plante médicinale utilisée depuis des millénaires pour son suc et son gel. Le gel est utilisé pour la préparation de cosmétiques et de boissons. C’est la feuille d’aloès qui contient de nombreuses substances actives agissant, pour les unes seules, pour les autres en synergie, c’est-à-dire en se potentialisant mutuellement. Cette plante devenue emblématique a fait bien sûr l’objet d’analyses scientifiques pour tenter de comprendre le mystère de ses propriétés hors du commun. Le gel, riche en polysaccharides, vitamines, enzymes, stérols et minéraux, possède véritablement des propriétés anti-inflammatoires, antiulcéreuses, immunostimulantes, antioxydantes, cicatrisantes, antitumorales et hypoglycémiantes. Il présente également un certain intérêt dans le traitement des maladies parodontales (gencives, maxillaire et mandibule).

L’acémannane, un polysaccharide de haut poids moléculaire isolé dans le gel, a révélé une importante action antivirale et anti-tumorale. Il s’agit bel et bien d’une substance naturelle très intéressante qui stimule efficacement les défenses immunitaires. Il faut préciser que tous les mécanismes d’action n’ont pas encore été élucidés. Toujours est-il que, forts de ces preuves scientifiques, plusieurs entreprises se sont lancées dans l’exploitation commerciales du gel issu des feuilles de cette plante, appelée couramment l’aloès et scientifiquement Aloe vera. Or, d’une part, la récolte et l’exploitation des feuilles d’aloès sont fort coûteuses, d’autre part, il existe un grand vide juridique face à la commercialisation de substances issues de plantes médicinales.

La Food and drug administration (FDA) des États-Unis d’Amérique n’est pas tenue de valider pas les cosmétiques avant leur commercialisation et n'a jamais infligé d'amende pour la vente de produits « à base d’aloès » et en réalité contrefaits. Cela signifie que tout repose sur la confiance que les clients accordent aux fabricants de cosmétiques. Et l’ensemble du marché des États-Unis pour les produits d'aloès, y compris les boissons et les vitamines, a augmenté de 11 pour cent au cours de la dernière année pour atteindre 146 millions de dollars. Une telle situation tente forcément les escrocs à grande échelle. Dans l’étude de Bloomberg, la moitié seulement des produits commerciaux testés seraient conformes aux dires de leur fabricant. 

Qu’en est-il en France ? La situation est proche de celle des États-Unis d’Amérique. Le statut particulier des plantes médicinales exploitées de façon non pharmaceutique pour en tirer des produits de grande consommation comme des cosmétiques ou des boissons fait que les fabricants et revendeurs sont dans l’ensemble à l’abri de sanctions, du moins tant que ne surviennent pas d’accidents. Les exigences sont bien faibles quant à la composition de tels produits commerciaux et à leur concentration en substances actives. C’est bien sûr la porte ouverte à tous les abus. Dans l’étude de Bloomberg, certains cosmétiques ne contenaient pas d’aloès, mais des substances ressemblant aux composés de cette plante, d’autres cosmétiques en contenaient un peu, mais nettement moins que la quantité annoncée. Dès lors, les substances actives de la plante originelle sont remplacées par des succédanés qui risquent d’être dangereux. On peut bien sûr s’attendre à des allergies et à une toxicité cutanée, hépatique, rénale, neurologique et immunologique (système immunitaire). Finalement, le moindre mal serait l’absence d’effet d’un produit commercial se trouvant pratiquement sans substance active.

Quels sont généralement les produits utilisés pour remplacer l'Aloe Vera ? Par ailleurs, l'Aloe Vera en tant que telle est-elle aussi saine qu'on le dit souvent ?

Étant donné ce que nous avons vu en matière de réglementation, à savoir un important vide juridique, les fabricants malhonnêtes ont cherché à remplacer les constituants de la feuille d’aloès par des substances ayant des propriétés physiques (aspect, consistance, viscosité) proches. Les deux molécules souvent trouvées lors des tests sont la maltodextrine, un sucre peu cher qui imite assez bien le gel d’aloès, et la triéthanolamine, un émulsifiant. La maltodextrine est un produit extrêmement utilisé dans l’agroalimentaire et dont la qualité de fabrication peut parfois laisser à désirer.

On peut supposer que dès l’instant où un fabricant peu scrupuleux a décidé de remplacer tout ou partie des composants naturels de l’aloès par des produits chimiques industriels, il ne se tourne pas vers ceux ayant une qualité irréprochable. Il en résulte un risque important d’impuretés liées au processus de fabrication, pouvant elles-mêmes être toxiques. Surtout, ce sucre a été incriminé dans la survenue de cancers de l’estomac. Quant à la triéthanolamine, les essais de toxicité chronique réalisés par voie orale chez le rat et le cobaye ont mis en évidence une toxicité à la fois rénale et hépatique. De plus, par inhalation, une inflammation du larynx et une augmentation du poids des reins sont observées ; lors d’une administration par voie cutanée, des lésions inflammatoires sont les principaux effets rapportés aux doses moyennes ; avec de plus fortes doses, on constate une augmentation du poids du foie et des reins. Et puis il y a tous les additifs possibles utilisés en cosmétologie et en agroalimentaire avec des qualités de fabrication incertaines et bien sûr une probable toxicité potentielle.

Pour en revenir à l’Aloe vera authentique, à côté des vertus des composants de cette plante dûment prouvées, il faut préciser que la qualité de la plante varie selon le lieu de récolte. Les fabricants doivent donc sélectionner avec soin leurs fournisseurs de feuilles d’aloès. Cette plante originaire d’Afrique est surtout cultivée sur le continent américain. Or, de nombreux facteurs interviennent dans sa qualité médicinale : la variété, la qualité du sol, la composition physico-chimique de l’eau, l’hygrométrie et la pluviométrie de la région, sans compter les procédés d’amendement du sol. On peut affirmer en effet que tous les aloès ne se valent pas. Là encore, c’est une question de confiance accordée à tel ou tel fabricant de cosmétique ou de boisson. Car le consommateur n’a bien sûr pas les moyens de contrôler quoi que ce soit.

Face aux dangers induits évoqués précédemment, quelles peuvent être les alternatives ? Comment se protéger – ou se régénérer – efficacement ?

Dans l’étude conduite par Bloomberg, il y avait environ la moitié des produits qui étaient frelatés. Il y en a donc tout de même environ la moitié qui est conforme aux dires du fabricant. Ces contrefaçons et autres escroqueries ne doivent pas occulter les propriétés hors du commun du gel d’aloès. Plusieurs thèses de pharmacie ont été consacrées à Aloe vera et aux propriétés de ses différents composants. Les produits de composition mensongère et de médiocre qualité ne doivent pas dégoûter les consommateurs de tous les produits à base d’aloès. Il ne s’agit pas d’une plante « miraculeuse », mais d’une véritable plante médicinale aux vertus prouvées scientifiquement. Celles et ceux qui tiennent à se soigner avec du gel d’aloès doivent accepter de payer au prix fort et on l’espère juste les cosmétiques à base de feuille de cette plante.

Mais l’aloès n’est pas une plante unique et irremplaçable. En pharmacie ou en parapharmacie, on peut trouver de très bons produits sérieux qui permettent, soit par application cutanée, soit par ingestion, de contribuer à protéger sa peau des agressions physiques et chimiques ainsi que du vieillissement d’une façon plus générale, et à protéger son corps et combattre les méfaits de la pollution, qu’elle soit alimentaire, hydrique ou aérienne. Ces produits peuvent ou non contenir de l’aloès, cette plante n’est tout de même pas irremplaçable. Ou alors ce n’est plus une plante médicinale, c’est un mythe.

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