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Pourquoi être surpris que des athlètes de haut niveau soient homos ? Ces préjugés qui continuent de conditionner notre vision de l'homosexualité
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Cliché

Jason Collins a surpris tout le monde en avouant son homosexualité il y a quelques jours. Pourquoi est-il si compliqué d'envisager qu'un joueur de basket avec un corps athlétique soit gay. Quels sont les préjugés qui persistent dans notre société ?

Pierre  Verdrager

Pierre Verdrager

Pierre Verdrager est un sociologue indépendant il possède une triple spécialité : sociologie de la culture, sociologie de l'homosexualité et épistémologie des sciences sociales. Il est l'auteur de "L'homosexualité dans tous ses états" et son dernier livre " L'enfant interdit". Il a un blog verdrager.free.fr

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Atlantico : Il y a quelques jours le joueur de basket américain Jason Collins a révélé son homosexualité. Certaines réactions évoquent de grands clichés, comme celui qui veut que si l'on est grand et sportif on ne pas être homosexuel. Quels sont les clichés qui restent encore ancrés dans notre société moderne et qui conditionnent notre vision des homosexuels ?

Pierre Verdrager : Les stéréotypes homosexuels sont nombreux : ils visent le genre (les hommes sont censés être efféminés, les femmes masculines), le comportement sexuel (hyperactif), la classe sociale (haute) ou le niveau culturel (élevé), etc. Un stéréotype est une conception fautive qui prend de manière inconsidérée la partie pour le tout. Ainsi, s’il est vrai que certains gays sont efféminés, cela n’est certes pas vrai de tous, s’il est vrai que certaines lesbiennes sont masculines, elles ne le sont pas toutes non plus. De même il a été montré que les gays (pas les lesbiennes) étaient victimes de discrimination salariale. L’hypersexualité supposée de tous les homosexuel-le-s vise avant tout à les disqualifier car toute personne, ou catégorie de personnes, ne maîtrisant pas son comportement ou ses émotions est réputée inférieure.

Comment expliquer que malgré les avancées de la reconnaissance des homosexuels dans la société (mariage pour tous), ces clichés persistent encore aujourd'hui ? 

Les stéréotypes ont la vie dure et l’on ne change pas la vision qu’ont les gens de l’homosexualité en claquant des doigts. Il n’est pas si facile de faire disparaître une idée fausse de la tête de quelqu’un dès lors qu’elle est relayée par toute une culture, à commencer par les fictions. Certaines personnes ne connaissent de l’homosexualité que ce qu’elles en ont vu dans La Cage aux folles. Certains de mes enquêtés se sont plaints de cela. Un cliché est persistant parce qu’il requiert très peu d’efforts : d’une certaine manière, c’est lui qui « pense » à votre place.

Peut-on briser ces préjugés avec le temps ? De quelle façon ? 

Heureusement oui ! Les sociologues de l’homosexualité « ordinaire », au bon sens du terme, ont leur rôle à jouer dans ce domaine en présentant des portraits réalistes de ce qu’être homosexuel-le veut dire. Ils ne sont pas les seuls à pouvoir le faire. Récemment, le cinéaste Sébastien Lifshitz a donné dans Les Invisibles un portrait remarquable d’homosexuel-le-s de tous horizons et de toutes conditions. Les enseignants, les éducateurs, les militants associatifs, les politiques, les artistes, les médias et, on le voit, les sportifs : tout le monde a son rôle à jouer pour détruire les idées fausses. Cela nécessite parfois beaucoup de courage, comme dans le cas de Jason Collins qui, en sortant du placard, a pris un risque. Les homosexuel-le-s ont intérêt à ce qu’on connaisse mieux leurs manières de vivre et d’être. Ils ont intérêt à la vérité. Certaines manifestations d’homophobie ne sont rien d’autre que l’expression d’une ignorance génératrice de peur, voire de violence, comme on l’a vu ces derniers jours avec les agressions physiques qui se sont succédé à l’encontre de gays. Mais il faut faire attention. La lutte contre les clichés ne doit pas se transformer en une guerre contre les « folles » ou les « butchs » (lesbiennes masculines), ce qui ne serait rien d’autre qu’une nouvelle forme d’homophobie qui, bien que plus pernicieuse, serait tout aussi inacceptable. Toutes les manières d’être homosexuel-le méritent le respect et toutes méritent d’être représentées : la pluralité ne saurait être un monopole hétérosexuel.

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