Pourquoi ce sont les Français qui vont payer la facture de la guerre que le gouvernement a déclaré aux opticiens<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
Pourquoi ce sont les Français qui vont payer la facture de la guerre que le gouvernement a déclaré aux opticiens
©REUTERS/Ints Kalnins

C'est louche

Le gouvernement envisage de plafonner les remboursements optiques par les complémentaires santé afin d'inciter à une baisse des prix. Rien n'est moins sûr.

Mathieu  Escot

Mathieu Escot

Mathieu Escot est économiste. Il est Chargé de mission santé pour la fédération d'associations de consommateurs UFC-Que Choisir.

Voir la bio »

Atlantico : Le gouvernement envisage de plafonner les remboursements optiques par les complémentaires santé afin d'inciter à une baisse des prix. Or, les opticiens expliquent que cette baise des remboursements conduira à une augmentation du reste à charge. Pour s'équiper moins cher, quelles solutions reste-t-il aux Français si ce n'est Internet ? Au final, les "dindons de la farce" des remboursements de frais optiques seront-ils toujours les consommateurs ?

Mathieu Escot : La question du remboursement part de la question de la dépense.Très clairement, il y a une spécificité française : c'est le prix des lunettes. UFC -Que choisir avait évalué le prix moyen d'une paire de lunettes à 470 euros en 2013. Et le budget lunettes des Français est supérieur de 50% à la moyenne des grands pays européens (Allemagne, Angleterre, Espagne, Italie). En somme, nous avons les lunettes les plus chères d'Europe. Ce qui crée bien évidemment des problèmes d'accès aux soins. L'optique étant la deuxième cause de renoncement aux soins, derrière le dentaire. Internet est une des solutions, mais elle ne convient pas à tout le monde. Mais c'est une alternative crédible avec des sites sérieux qui assurent une bonne qualité sur les montures et sur les verres pour des prix très nettement inférieurs. Mais acheter ses lunettes sur Internet c'est se passer des conseils des opticiens. Pour l'instant, c'est un marché microscopique en France : moins d'1% des ventes de lunettes. Une baisse était déjà annoncée au moment du vote du projet de loi consommation en début d'année. Tout d'abord avec la vente en ligne qui a deux avantages : le premier c'est le prix, moins 50% en moyenne, et pour les personnes qui vont en magasin, c'est assez pratique pour comparer les prix. Ce qui devrait permettre de faire baisser les prix.  

Benoit Hamon a déclaré : "Notre objectif est de faire baisser de 20 à 30% le prix des lunettes, soit environ un milliard d’euros de pouvoir d’achat qui pourra être restitué aux Français". Cet objectif est-il atteignable ?

Baisser les prix de 20% nous ramènerait à la moyenne européenne. Oui c'est atteignable, mais pas uniquement avec la vente en ligne. C'est une bonne mesure, mais cela ne fera pas baisser les prix de 20%. A l'UFC que choisir nous préconisons le développement de ce qu'on appelle les réseaux de soins. C’est-à-dire les accords que passent les complémentaires santé avec les opticiens : les complémentaires santé oriente préférentiellement leurs assurés dans les boutiques des opticiens pour qu'ils baissent leur prix. Car une des raisons de ces prix excessifs c'est la présence de nombreux (trop) de magasins d'optique en France. Ce qui fait que chaque magasins ne vend aujourd'hui que deux paires de lunettes par jour. D'où les prix extrêmement cher avec le loyer, le personnel, l'entretien, et tous les frais fixes. Le but est donc que l'opticien ait plus de clients pour rentabiliser ses frais fixes.

Dans le collimateur du gouvernement cette fois-ci : le plafond de remboursement des contrats dits "responsables". De quoi s'agit-il ? Comment cela se traduit concrètement pour les consommateurs ?

Ces contrats existent depuis 2004. C'est un cahier des charges défini par l'État pour les complémentaires santé : si le produit proposé par la mutuelle ou l'assureur respecte ce cahier des charges, il bénéficie d'une fiscalité plus faible. Concrètement un contrat responsable est taxé à 7%, et le contrat non responsable est taxé à 14%. L'idée c'est donc d'inciter les complémentaires santé à respecter un certain nombre d'obligations de prises en charge, soit d'interdiction de prises en charge. Par exemple, le contrat non responsable ne doit pas rembourser l'euro de franchise sur les consultations (l'assurance maladie rembourse 1 euro de moins par consultation chez le médecin pour responsabiliser les patients). En revanche, elle a l'obligation de vous rembourser certaines prises en charge (montant de la consultation non remboursé par la Sécu). En 2014, ce cahier des charges sera refondu, avec de nouvelles contraintes, parmi elles, le plafonnement des remboursements. L’État va dire : si vous voulez payer moins d'impôts, il va falloir ne pas trop rembourser les lunettes. Le seuil fixé diminuerait progressivement entre 2015 et 2018. Pourquoi cela va-t-il faire diminuer les prix ? On s'est rendu compte qu'une des raisons des prix élevés ce sont les écarts entre les populations très bien remboursées (20 à 30% des Français) et les moins remboursées par leurs complémentaires santé. Les opticiens ont en fait calqué leurs prix sur les clients les mieux lotis. Ils seront obligés de s'adapter à cette nouvelle donne et vont devoir baisser leurs prix.

La Fnof, le Synope et l’UDO, syndicats représentatifs des opticiens français affichent leur colère et leur scepticisme : "Le projet envisagé fixe des plafonds de remboursement en optique dégressifs dans le temps sans garantir une baisse des cotisations des complémentaires santé. Ce système conduira à une augmentation des frais de santé et aggravera la fracture sociale". Qu'en est-il ?

Nous serons extrêmement vigilants parce que nous ne sommes pas sûrs de la baisse des prix des complémentaires. Il faut que cette mesure permette de percer ce cercle vicieux des remboursements. C’est-à-dire que les complémentaires augmentent leurs marges, au lieu de baisser leurs prix. Nous attendons une parfaite transparence sur les niveaux de marges et de frais de gestion des complémentaires santé. Pour que l'argent économiser ne parte pas dans leurs poches mais du consommateur. En revanche, l'opticien achète une paire de lunettes à son fournisseur 170 euros en moyenne. Ce qui veut dire qu'il fait 275 euros (TVA à réduire) de marge brut. Donc nous dire qu'il n'y a pas de possibilités de baisser les prix, c'est une plaisanterie. Ils seront obligés de réduire leurs marges.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !