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Pourquoi l'économie pourrait être la dernière chance de Trump
©Reuters

Un nouvel espoir

Les prescriptions économiques de Donald Trump allient sans complexe libéralisme et protectionnisme, entreprise individuelle et politique industrielle, baisses d’impôts et dépenses publiques… Certains y voient un mélange aussi indigeste et incohérent que le personnage. Mais c’est surtout sa seule vraie chance de battre Hillary.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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"L’Americanisation sera notre crédo, pas la globalisation". Donald Trump vient de  présenter les grandes lignes de son programme économique : réductions d’impôts, dérèglementation massive, soutien aux énergies domestiques, révision des accords de commerce internationaux. C’est une illustration du principe directeur de sa campagne : "Mettre l’Amérique en tête" ! En tête des préoccupations de son administration et en tête des pays riches. L’objectif déclaré est de "faire repartir l’économie américaine", de retrouver un rythme de croissance comparable à celui des années 1980 et 1990 (3% à 4% par an contre 1% à 2% aujourd’hui), et de regagner les emplois perdus à la mondialisation, notamment dans le secteur industriel et manufacturier. 

Comme décor Trump avait choisi Detroit, dans le Michigan. Ce n’est pas un hasard. La "Motor City", qui fut  la capitale mondiale de  l’automobile, a longtemps été le symbole de la réussite industrielle américaine. Fondée au XVIIIe siècle  par un Français, Antoine de la Mothe, sieur de Cadillac, dont le nom devint celui d’une célèbre marque, Detroit est liée à l’essor de l’industrie automobile américaine. Henry Ford y fonda son entreprise, comme Packard, Chrysler et d’autres. Elle abrita le siège social de General Motors (GM)  premier manufacturier automobile au monde. La ville connut son apogée après la Seconde Guerre mondiale, et devint dans les années soixante un haut-lieu de la musique pop américaine avec le "motown sound" et des vedettes telles que Diana Ross, Stevie Wonder,  Alice Cooper ou d’autres. Dans les années 1970 son destin a basculé. Frappée de plein fouet par  la première crise pétrolière et elle n’a cessé de décliner depuis.  Aujourd’hui Detroit est une ville sinistrée. Le revenu par tête  y est de 50% inférieur à la moyenne nationale. Le taux de pauvreté, 2,5 fois supérieur. Le chômage est deux fois plus élevé qu’ailleurs et le "sous-emploi" touche 40% de sa population urbaine. C’est aussi une des villes américaines où la criminalité est la plus forte. Bref, Donald Trump a choisi Detroit parce que la ville est pour lui  "l’exemple vivant de l’échec des politiques économiques soutenues par Hillary Clinton". Il se propose, au contraire, d’en faire "un endroit que le monde nous envie à nouveau"

Pour cela, il a présenté un programme en quatre grands axes : réforme fiscale, moratoire sur les réglementations, relance des énergies domestiques, renégociation des accords commerciaux. 

La réforme fiscale consistera en une simplification du code fiscal et une baisse de l’impôt sur le revenu. "Tandis qu’Hillary Clinton propose une augmentation d’impôts de mille trois cents milliards de dollars… je propose une réduction général de l’impôt sur le revenu… Je veux ramener les sept tranches actuellement en vigueur à  trois, de 12% , 25% et 33%. Le taux d’imposition de beaucoup de travailleurs américains sera de zéro," a-t-il annoncé.  

En matière de règlementation Donald Trump a promis un "moratoire sur toute nouvelle règlementation dès ma prise de fonction" et l’annulation de" tous les décrets exécutifs illégaux et trop contraignants." Pour lui, les règlementations brident la créativité des entrepreneurs, en même temps qu’elles alourdissent leurs charges. Elles sont un frein à l’activité économique. "Le registre des règlementations est un pavé de 80 000 pages…" a-t-il souligné. "Le président Obama a ajouté quatre cents règles supplémentaires, chacune coutant cent millions de dollars, ou plus, à l’économie américaine…"

Concernant les relations commerciales des Etats-Unis, Donald Trump a maintes fois dénoncé les dommages causés par les accords de libre-échange passés depuis vingt ans et son intention de les renégocier. Il l’a encore redit à Detroit. Pour lui, ces traités ont eu pour conséquence une explosion du déficit commercial américain et une perte d’emplois manufacturiers. "Avant NAFTA (le traité de libre-échange avec le Mexique et le Canada), l’industrie automobile dans le Michigan employait 285 000 personnes, aujourd’hui 160 000… Notre déficit commercial avec le Mexique était de zéro en 1993, contre près 60 milliards de dollars  à présent". Outre le NAFTA, c’est le "Trans Pacific Partnership" (TPP) l’accord de libre-échange entre douze pays du Pacifique, en cours de ratification, qui est visé.   

Dernier volet de son plan, le candidat républicain a évoqué une réforme énergétique pour en finir avec "la guerre que le gouvernement américain mène contre les travailleurs américains… Nous allons remettre les mineurs et les employés de la sidérurgie au travail. Nous allons libérer la production de toutes les formes d’énergie ce qui ajoutera cent milliards de dollars par an à notre PIB, et, engendrera la création de cinq cents mille emplois," a-t-il dit. Il s’agit principalement de favoriser l’exploitation du gaz de schiste, de relancer les mines de charbon dont l’activité a été suspendue pour limiter les émissions de CO2 et de favoriser la délivrance de permis d’exploration et d’extraction pétrolières aussi bien dans le domaine fédéral que dans les eaux territoriales de la côte ouest. 

Selon Trump, ces quatre réformes "ouvriront un nouveau-chapitre" dans l’histoire économique américaine et "engendreront suffisamment de revenus pour réparer notre appareil militaire et nos infrastructures." Car l’objectif du candidat est aussi de renouveler et moderniser les infrastructures du pays, qu’il s’agisse de réseau automobile, des chemins de fer ou  des aéroports…

Les réactions de la presse américaine ont été des plus mitigées. La forme a plu. Le fond, beaucoup moins.  Les médias ont remarqué, et les observateurs républicains apprécié, que le candidat s’en tienne à son discours malgré des protestations et interruptions répétées. A dix-sept reprises des femmes dispersées dans l’assistance se sont levées et l’ont abreuvé d’insultes avant d’être évacuées. Un groupe radical féministe a d’ailleurs reconnu avoir organisé ces interruptions pour dénoncer la misogynie du candidat républicain…

Sur le fond, Trump n’a convaincu personne. Les démocrates ont dénoncé des recettes éculées "que n’auraient pas renié un Romney ou un Mc Cain". Les Républicains ont critiqué les nombreux écarts du candidat avec l’orthodoxie libérale. Si son projet de réforme fiscale et ses promesses de "dérèglementation massive" ont été loués pour leur "inspiration reaganienne", ses attaques contre le libre-échange, ont été jugées erronées et son évocation de dépenses d’infrastructures irréalistes. Surtout Trump n’a pas parlé de la dette américaine, sauf pour dénoncer son explosion sous l’administration Obama.  (la dette américaine a plus que doublé au cours des 8 années écoulées. Le président Obama a accumulé pendant ses deux seuls mandats plus de dettes que tous les autres présidents avant lui réunis). Il n’a pas non plus indiqué comment il réduirait les déficits, condition inéluctable à une diminution de cette dette… Les spécialistes de l’économie ont jugé vaines et dangereuses les volontés du candidat  de réviser les différents traités commerciaux. Pour eux les emplois perdus à la mondialisation le sont définitivement et toute tentative protectionniste risque d’entrainer une récession. Quant aux journalistes, ils se sont plaints de ce que le candidat n’ait pas précisément chiffré son programme et encore une fois repoussé tous les détails à plus tard. 

Pourtant l’allocution de Trump a suscité un énorme intérêt. Elle était très attendue.  Après les flottements vécus par la campagne Trump, une mauvaise prestation aurait pu couler définitivement sa candidature. Elle était aussi capitale. Parce que c’est bien sur le terrain économique, et presque sur ce seul terrain, que Trump peut battre Hillary Clinton. 

"It’s the economy stupid !" L’expression de James Carville lancée lors de la présidentielle de 1992 est restée célèbre aux Etats-Unis. Elle rappelle que lors d’une élection présidentielle, la santé économique du pays et les prescriptions des candidats en la matière priment sur les questions de société ou de politique étrangère. Quand le pays va bien le parti au pouvoir est reconduit, ou le président sortant réélu. Quand le pays va mal c’est  le candidat de l’opposition ou celui qui présente le meilleur programme pour soutenir la croissance et créer des emplois qui l’emporte. Ce fut le cas en 1980 avec Ronald Reagan contre Jimmy Carter, et en 1992 avec Bill Clinton contre George H.W. Bush. En 2008 le pays était en plein crash financier, ce qui facilita la victoire de Barack Obama et en 2012 l’économie n’allait pas assez mal pour que les électeurs acceptent de changer de cap en cours de route. 

En 2016 la question de l’économie sera à nouveau au centre de la campagne. Comme elle l’a été pendant les primaires. Trump compte les perdants et les déçus de la mondialisation dans ses rangs. La popularité de Bernie Sanders chez les démocrates a démontré que beaucoup dAméricains sont désormais sensibles à l’augmentation des inégalités et de plus en plus convaincus d’une "injustice économique". Le candidat capable de canaliser ces deux courants parallèles et de rassembler ces deux groupes d’électeurs sortira vainqueur en novembre. Si Trump ne parvient pas à réaliser cette fusion il sera battu. Il est à la traine d’Hillary Clinton, dans les sondages, parfois de près de dix points, 52% contre 43%. Mais sur les seules questions économiques, il fait jeu égal.  Par ailleurs parmi les "swing states", se trouvent plusieurs Etats de la "ceinture de rouille" américaine, comme la Pennsylvanie, l’Ohio ou le Michigan. Ces Etats comptent des "cols bleus", membres de la classe ouvrière et de la petite classe moyenne qui votent habituellement démocrate. S’il parvient à les faire basculer dans son camp, comme Ronald Reagan l’avait fait en 1980, alors Donald Trump aura une vraie chance de l’emporter. 

C’est d’ailleurs le véritable objectif de sa rhétorique nationaliste et anti-mondialisation. Peu importe que ses recettes soit économiquement viables. Trump sait que ce discours résonne auprès de cet électorat et son objectif est de gagner leur vote. Le reste n’est que de l’habillage. 

Donald Trump est entré dans la bataille présidentielle voici plus d’un an sur la promesse de restaurer sa grandeur à l’Amérique (Make America Great Again). C’est cette promesse qui l’a porté jusqu’à la nomination. C’est elle qui peut lui ouvrir les portes de la Maison Blanche. Aujourd’hui près de 8 Américains sur 10 estiment que le "pays va dans la mauvaise direction". Tous ne blâment pas Barack Obama dont la côte de popularité avoisine 50%. Mais tous blâment un "système", politique et économique, dont Hillary Clinton, aux affaires depuis plus de vingt ans est la personnification. C’est ce système et les politiques économiques qui l’accompagnent que Trump doit dénoncer s’il veut être élu. 

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