Pour les patrons d’entreprises, Emmanuel Macron aura une majorité, mais incapable d’assumer une politique de rigueur<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron assiste à une cérémonie au jardin du Luxembourg à Paris, le 10 mai 2022
Emmanuel Macron assiste à une cérémonie au jardin du Luxembourg à Paris, le 10 mai 2022
©CHRISTIAN HARTMANN / POOL / AFP

Atlantico Business

Les chefs d’entreprise estiment qu’Emmanuel Macron va réussir à obtenir une majorité très large à l’Assemblée, mais craignent que cette majorité n’ait pas été préparée à appliquer une politique de rigueur, notamment sur la nécessité de réduire les dépenses publiques

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Si, au lendemain de l’élection présidentielle, les milieux d’affaires craignaient que le président soit empêché de gouverner faute d’une majorité au Parlement, ils sont désormais à peu près rassurés de ce côté-là. Emmanuel Macron n’aura sans doute pas à supporter une cohabitation qui se serait révélée très rapidement invivable. 

En fait, avec la complicité de François Bayrou et Édouard Philippe, il va réussir à réunir une majorité absolue au Parlement. Selon les différents baromètres, cette majorité présidentielle, composée des députés Renaissance (ex en marche), du Modem et ceux qui auront été élus sous les couleurs d’Édouard Philippe, comptera au moins 310 sièges, c’est à dire autant que la majorité précédente, mais un peu plus aguerrie. Ça ne sera certes pas un raz de marée mais ça devrait permettre de gouverner. 

La force d’opposition la plus importante sera représentée par la nouvelle union populaire, écologique et sociale (aux environs de 150 sièges). 

Et à droite, les Républicains, l’UDI, les centristes et le Rassemblement national, le parti de Marine Le Pen peut espérer au maximum 40 sièges. 

En bref, l’opposition sera composée principalement de courants ou de partis politiques qui n’ont pas vocation à gouverner. Jean-Luc Mélenchon, qui avait annoncé son ambition de s’imposer comme Premier ministre, va évidemment réussir un bon score et une belle opération politique avec cette union de la gauche reconstituée. Mais cette union écologique et sociale va se révéler très vite très bancale, clivante et hétérogène. 

Sur le papier, Emmanuel Macron aura donc les coudées franches pour mener la politique qu'il entend mener sans être obligé de passer par les ordonnances ou les menaces de dissolution, comme il en aurait eu la possibilité en cas de conflit.

Pour les milieux d’affaires, cette situation est donc rassurante. Ils sont sortis d’une crise Covid plutôt dynamisés par le rattrapage nécessaire (l’année 2021 aura été exceptionnelle) et très motivés par la nécessité d’engager, rapidement, les mutations nécessaires du digital et de la transition énergétique. Les milieux d’affaires étaient confiants, compte tenu de la croissance dans la capacité de retrouver l’équilibre financier et de couvrir toutes les dettes cumulées pendant le Covid et le quoi qu‘il en coute. Bref, les perspectives étaient bonnes, d’autant que cette conjoncture donnait les moyens d’engager les réformes de structures qui avaient été mises entre parenthèses. 

Le problème, c’est qu‘à peine sortis du Covid, la guerre en Ukraine est venue casser cette reprise vigoureuse. Du coup, les chefs d’entreprise s’attendent à un ralentissement et craignent même une stagnation pour 2022. Avec en prime, une inflation qui va dérégler les compteurs et obliger les banques centrales à relever doucement mais surement les taux d’intérêt. Le paysage a donc changé. 

Cela dit, le vrai risque dans cette affaire va être pour les chefs d’entreprises, les risques sociaux et les mesures qui pourraient être prises par les gouvernements pour amortir le choc. En bref, après le « quoi qu’il en coute » lié au Covid et qui était finançable sans drame, les milieux d’affaires craignent un « quoi qu‘il en coute » lié aux effets de la guerre. Les chefs d’entreprise s’attendent donc à une double peine, parce qu’à la nécessité de financer les dettes Covid, il leur faudra aussi financer les réponses de l‘Etat à la hausse des carburants, à la hausse des produits alimentaires et au ralentissement de l’activité. 

Tout va donc dépendre du plan de charge du président de la République et de son gouvernement. En toute logique, il devrait relancer son plan de réformes structurelles sur les retraites et la réforme de l’Etat. En toute logique, si Emmanuel Macron veut restaurer la compétitivité de la maison France, il doit réduire les dépenses de fonctionnement de l’Etat et des institutions publiques et les dépenses sociales. 

En toute logique, c’est le programme que son Premier ministre devra présenter à l’Assemblée nationale. 

Cette logique appelle trois questions : 

La première sera de savoir si la majorité présidentielle (qui sera forcément élue) acceptera de mettre en musique législative cette politique de rigueur, parce que c’est bien de cela dont on va parler et la politique de rigueur ne passe pas forcément par la distribution de chèques à des segments du corps social particulièrement touchés par les difficultés. Le premier test de solidité de cette majorité sera la discussion qui suivra en juin, le discours de politique générale suivi de l’examen d’un collectif budgétaire qui devrait redresser les comptes. Tout est possible, parce que les députés élus n’ont pas été préparés à la nécessité de resserrer les cordons de la bourse. Or, les députés élus de la majorité ont eux aussi des comptes à rendre. 

La deuxième question sera de savoir quel sera le comportement de l’opposition et surtout l’impact de ce comportement sur le travail de l’Assemblée et sur l’opinion publique. Le groupe constitué par Jean-Luc Mélenchon n’aura de cesse que d’exister dans les médias et par conséquent, d’interférer dans le travail législatif sans propositions alternatives. Ils peuvent retarder ou freiner les travaux, mais ils peuvent aussi alimenter une partie de l’opinion qui s’avère hautement inflammable. 

La troisième question sera de savoir comment le Premier ministre va gérer cette situation fragile et compliquée et d’abord, quel sera le Premier ministre capable de diriger l‘orchestre où vont cohabiter à la fois des solistes connus et reconnus comme François Bayrou ou Édouard Philippe, mais également tous ceux qui vont se découvrir des ambitions présidentielles. Parce qu’il faudra bien, au cours des cinq prochaines années, que se prépare le successeur d’Emmanuel Macron.

Les milieux d’affaires sont donc très attentifs à la façon dont vont fonctionner le Parlement, le président et son Premier ministre. Ils ont besoin de stabilité, de liberté et de cohérence budgétaire. La stabilité est juridiquement garantie par les résultats des élections, la liberté est bridée par l'emprise de l'Etat et des administrations. Quant à la cohérence budgétaire, elle dépend beaucoup de la façon dont la gouvernance va gérer la situation sociale.

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