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Pour les Français, la justice est (déjà) trop clémente
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Désolé Christiane

D'après un sondage CSA publié hier sur Le Figaro pour l'Institut pour la Justice, les Français qu'ils soient de gauche comme de droite défendent des opinions en marge de celles de Christiane Taubira, l'actuelle garde des Sceaux.

Xavier Bebin

Xavier Bebin

Xavier Bebin est secrétaire-général de l'Institut pour la Justice, juriste et criminologue. Il est l'auteur de Quand la Justice crée l'insécurité (Fayard)


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Atlantico : D'après un sondage CSA publié ce jeudi sur Le Figaro, pour l'Institut pour la Justice, le taux d’incarcération en France est l’un des plus faibles d’Europe (103 incarcérés pour 100 000 habitants). Un chiffre qui ne devrait pas augmenter si l’on en croit la ligne de conduite de la garde des Sceaux, Christiane Taubira. Aussi, on constate que plus de 9 Français sur 10 souhaitent l'obligation pour tout condamné de purger au minimum les trois quarts de sa peine de prison (85 % à gauche, 94 % à droite). La justice est-elle aujourd'hui trop clémente ?

Xavier Bebin : Le problème majeur de la Justice est qu'elle n'est pas crédible. Faute de places de prison en nombre suffisant, plus de 20 000 peines restent inexécutées chaque année. Avec, à la clé, un sentiment d'impunité qui favorise la récidive.

Plus globalement, la prison ferme ne concerne qu'un délinquant sur dix arrêté par la police : on est donc loin d'un soi-disant "tout carcéral" ! Les autres sont condamnées, pour l'essentiel, à des "rappels à la loi", à des "sursis" ou à des amendes parfois symboliques qui ne sont pas des sanctions crédibles.

Un exemple entre mille. J'apprends aujourd'hui que deux Bulgares ont été condamnés pour avoir revendu 430 tonnes de ferraille, pour 93 000 euros. La sanction ? 750 euros d'amende. Où est la crédibilité ?

95 % estiment même que les peines prononcées par les tribunaux devraient davantage tenir compte du dommage subi par la victime (93 % à gauche, 99 % à droite). Est-ce une réalité ? A-t-on désormais plus d'empathie pour les délinquants et les criminels que pour les victimes ?

Oui, certains juges tendent à avoir cette déformation professionnelle. Ils se protègent de la souffrance de la victime pour ne pas être influencées par un potentiel sentiment de "vengeance". Mais ce sont les mêmes qui accueillent la souffrance, réelle ou alléguée du délinquant, qu'ils estiment nécessaire pour le juger correctement et individualiser sa peine.

Le résultat, c'est par exemple cette décision incroyable du tribunal correctionnel de Nanterre qui a jugé une affaire dans laquelle un agresseur sexuel se trouvait habiter le même immeuble que sa victime. Pour ne pas nuire à la réinsertion de l'agresseur, des magistrats avaient refusé de l'obliger à déménager. C'était à la victime de le faire…

Les Français sont favorables au maintien voire au renforcement des peines plancher (77% et  72% chez les sympathisants de gauche) que Christiane Taubira souhaite supprimer. La machine judiciaire peut-elle se permettre une individualisation, poussée à son paroxysme, des peines ?

L'individualisation est nécessaire, mais le problème est que dans l'esprit de certains magistrats, l'individualisation signifie uniquement une "atténuation de la peine". Alors qu'elle signifie aussi que la peine doit être aggravée pour les profils dangereux et multirécidivistes.

Dans un monde idéal, on ne devrait pas avoir besoin de peines plancher. Chacun devrait avoir conscience qu'il existe un petit noyau dur de délinquants suractifs - 5 % des délinquants causent plus de 50 % des crimes et délits - et que la société est mieux protégée quand ces individus sont derrière les barreaux.

Malheureusement, des magistrats sont opposés au principe même de la "neutralisation", même temporaire. En Seine-Saint-Denis, par exemple, le taux d'application des peines plancher fermes aux récidivistes n'a été que de 2 %...

Parmi les propositions de réforme de la Justice : abroger la rétention de sûreté. Peut-on dire aujourd'hui que les politiques de réinsertion fonctionnent dans les faits ? 

Il faut améliorer la réinsertion mais il ne faut pas tout attendre de la réinsertion. Prenez les délinquants sexuels : les traitements visant à réduire leur récidive ne fonctionnent que dans 1 cas sur 4. Telle est la conclusion de l'Académie de médecine.

C'est la raison pour laquelle des dispositifs comme la rétention de sûreté sont indispensables pour des criminels dangereux et multirécidivistes. Pour eux, toute remise en liberté équivaut à une mise en danger de la vie d'autrui. Il est dommage que des motifs purement idéologiques puissent à ce point interférer avec la mission première d'un Etat : protéger ses citoyens.

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