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Des hommes brandissent des pancartes avec les portraits de Engels, Lénine et Staline lors d'une marche dans les rues de Mexico.
Des hommes brandissent des pancartes avec les portraits de Engels, Lénine et Staline lors d'une marche dans les rues de Mexico.
©ALFREDO ESTRELLA / AFP

Faces cachées

L’historien François Kersaudy dénonce dans un livre salutaire les "Dix faces cachées du communisme" (publié aux éditions Perrin).

Jacobo Machover

Jacobo Machover

Jacobo Machover est un écrivain cubain exilé en France. Il a publié en 2019 aux éditions Buchet Castel Mon oncle David. D'Auschwitz à Cuba, une famille dans les tourments de l'Histoire. Il est également l'auteur de : La face cachée du Che (Armand Colin), Castro est mort ! Cuba libre !? (Éditions François Bourin) et Cuba de Batista à Castro - Une contre histoire (éditions Buchet - Chastel).

 

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Le communisme a été et continue à être un tissu de mensonges. C’est ce que démontre, à travers des exemples significatifs, l’historien François Kersaudy dans ce livre salutaire, Dix faces cachées du communisme (éditions Perrin).

Ses dénonciations débutent par « l’or espagnol » volé par Staline et ses agents, souvent déguisés en combattants solidaires de la République, lors de la guerre civile. Elles font état également des assassinats de militants du POUM trotskisant, d’anarchistes, ainsi que de curés et de « nationaux » massacrés à Paracuellos, donnant ainsi à voir que la « dernière cause de l’humanité » contre le franquisme, le nazisme et le fascisme, alliés dans la barbarie, avait également un côté sinistre, bien connu mais trop souvent tu.

Kersaudy, cet historien que l’on voit souvent à la télévision imiter ses modèles, le général de Gaulle ou Winston Churchill, se révèle ici comme un implacable critique de cette idéologie et de ses applications pratiques.

Parmi ces textes, il y en a un, le plus développé de l’ouvrage, qui me touche particulièrement. C’est celui intitulé « Qui es-tu, Che Guevara ? », qui s’appuie largement sur mon ouvrage, La face cachée du Che, dont la première édition est parue en 2007. Il contribue à  démonter le mythe du « guerrillero heroico », soulignant les innombrables écrits, déclarations et exécutions publiquement revendiquées par le Che. A propos du culte que certains lui vouent encore, malgré toutes les révélations se trouvant sur la place publique, il en déduit que la bêtise n’a pas de limites :

« Et pourtant, rien de tout cela ne semble faire réfléchir : l’indignation épargne généralement l’auteur des pires méfaits, pour se reporter sur celui qui les révèle. Les « progressistes » du monde entier continueront donc à donner des leçons de morale sous le portrait d’un des aventuriers les plus fanatiques et les plus meurtriers du XXe siècle. C’est ainsi que la légende se perpétuera. Il est regrettable que le Seigneur, qui a limité l’intelligence de l’homme, n’ait pas jugé bon de limiter aussi sa bêtise… »

L’historien ne montre aucune indulgence vis-à-vis des innombrables « compagnons de route » des systèmes communistes, dans toutes leurs variantes, léniniste, titiste, maoïste, castriste et, bien sûr, stalinienne. L’ « Ossète », ainsi que le désignait le poète juif russe Ossip Mandelstam, mort au Goulag, est la personnification du mal, détourné par soutiens inconditionnels d’antan comme l’incarnation de l’idéal à atteindre. Son livre est sarcastiquement dédié « à la mémoire de Joseph Vissarionovitch Djougachvili, alias Staline, sans les méfaits duquel cet ouvrage n’aurait jamais été écrit –ce qui, tout compte fait, eût été infiniment préférable ». Mais, puisqu’il a bien existé, il entend bien revenir encore une fois sur le tyran qui a commis ses crimes, ceux que Nikita Khrouchtchev avait dénoncés lors du XXe congrès du Parti communiste de l’Union Soviétique en 1956, avant d’en commettre lui-même d’autres, comme l’intervention de ses chars à Budapest et de devoir s’arrêter à temps, face à la détermination de John F. Kennedy lors de la crise des missiles nucléaires à Cuba en 1962. L’un des chapitres les plus innovants de cet essai parfaitement iconoclaste est d’ailleurs celui consacré à cette crise, qu’il analyse à la fois du côté américain, ce qui est amplement connu, et du côté soviétique, ce qui l’est beaucoup moins. Pour cela, il s’appuie amplement sur les mémoires de Khrouchtchev lui-même, qui n‘ont été que tardivement et partiellement divulguées en Occident, grâce à l’obstination de son fils Sergo.

Kersaudy s’insurge contre le rejet, qui s’est produit surtout en France, du Livre noir du communisme, publié en 1996 sous la direction de Stéphane Courtois. Le prétexte en était que celui-ci dressait dans son introduction, en quelques lignes, un parallèle entre communisme et nazisme. Et alors ?, demande en substance l’historien, qui dresse un inventaire des attaques, allant des héritiers directs, ceux du PCF, aux trotskistes, ce qui est un peu plus surprenant, et même celles de certains des contributeurs de l’ouvrage, tels Nicolas Werth et Jean-Louis Margolin qui, apparemment, ont pris peur des éventuelles sanctions de leur hiérarchie, les autorités universitaires. L’une des conclusions du livre est qu’il faut déstaliniser ou décommuniser aussi la France, où l’influence passée reste terriblement présente, à travers de multiples facettes.

Kersaudy se place sous l’égide de ses héros, ces démocrates qu’ont été Churchill et De Gaulle, minimisant toutefois les sympathies que celui-ci a pu manifester envers les pays situés au-delà du « rideau de fer » du fait de leur anti-américanisme mais qui, dans les moments décisifs, par exemple lors de la crise des missiles de 1962, a choisi sans hésitation son camp, celui de la liberté.

Cet essai recourt à deux théoriciens du communisme. Le premier, Jean-François Revel, qui nous manque tellement, affirmait : « Le communisme cache sa nature derrière son utopie (…) Le totalitarisme le plus efficace, donc, le seul présentable, le plus durable, fut celui qui accomplit non pas le Mal au nom du Mal, mais le Mal au nom du Bien. » Ce qui reviendrait à dire, d’une manière atrocement simplifiée, que les idées sont bonnes mais que c’est leur application qui a été défaillante, ce que font encore ceux qui se réclament du trotskisme ou du castro-guevarisme, sans vouloir constater que le ver était dans le fruit. Plus surprenant, il s’appuie également sur un homme qui fut un des fondateurs de la Ligue communiste révolutionnaire, ancêtre du Nouveau parti anticapitaliste d’Olivier Besancenot, avant de devenir l’un des principaux conseillers du Parti socialiste puis de revenir sur ses propres théories passées, lui qui était né dans un camp soviétique : Henri Weber. Au soir de sa vie, celui-ci concluait, fort lucidement : « Le logiciel marxiste-léniniste (…) a levé d’immenses espoirs et provoqué d’immenses désastres au siècle dernier (…) La raison de cette dérive totalitaire n’est pas à rechercher dans les circonstances, elle est inscrite dans le projet lui-même. »  

François Kersaudy fait œuvre également non seulement d‘historien mais également d’analyste du temps présent. Le dernier chapitre de son livre est consacré à « Poutine, le dernier avatar du communisme ». Ce n’est peut-être pas le dernier, mais enfin… Et il retrace le parcours de l’ancien petit malfrat, comme Staline, et de ses quelques « idées » calquées sur les exploits de ce dernier : la glorification de la « Grande Guerre patriotique » et le détournement délibéré des valeurs, comme lorsqu’il proclame la nécessité de la « dénazification » de l’Ukraine. Les braves résistants ukrainiens, eux, s’évertuent à présent à « décommuniser » leur pays, renversant les statues du passé soviétique ou retirant de leurs monuments emblématiques les faucilles et les marteaux, symboles de l’oppression et des massacres, tel l’Holodomor, la famine planifiée des années 1930,  dont ils ont fait l’objet jusqu’à l’implosion de l’URSS. Cependant, certains d’entre eux ont trop tendance à comparer « Putler » à Hitler et beaucoup moins à Staline. Mais c’est le moment pour eux de rétablir la vérité dans ce qu’elle a de plus tragique, face à la barbarie toujours renouvelée des agresseurs russes, Poutine et consorts.

Les « dix faces cachées du communisme » de Kersaudy ne sont pas exhaustives. Il faudra revenir sur la Chine maoïste, celle du « laogaï » et de la révolution culturelle de Mao, qui ont éveillé autant d’aveuglements coupables que l’Union Soviétique, sur le Vietnam de Ho-chi-minh, le Cambodge des Khmers rouges, la Corée du nord de la dynastie des Kim, le Laos, l’Ethiopie, l’Angola et plein d’autres terres de sang dont le « grand frère » soviétique a été le protecteur. Et, bien sûr, sur Cuba, qui continue à éveiller tant de ridicules illusions. Le communisme est moribond, mais il faut l’enterrer le plus rapidement possible. Ce livre y participe. J’en suis reconnaissant à son auteur.

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