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Port du masque : ces endroits clos où il faut tout particulièrement se méfier du coronavirus
©TOBIAS SCHWARZ / AFP

Prévention

Le Premier ministre a annoncé vouloir rendre obligatoire le port du masque dans les lieux clos « dès la semaine prochaine ». Mais quels sont les lieux où le risque de contracter la CoVid-19 est particulièrement élevé ?

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Où en sommes-nous aujourd’hui avec l’épidémie de CoVid-19 ?

Stéphane Gayet : Depuis une à deux semaines, on cherche à nous alarmer avec une reprise de l’épidémie de CoVid-19. Cela procède sans doute d’une stratégie consistant à inquiéter pour mobiliser. Car heureusement, il n’existe pas aujourd’hui véritablement de reprise de l’épidémie. Comme je l’ai déjà dit, l’indicateur qui est à la fois le plus pertinent et le plus fiable – car il est alimenté au jour le jour par les établissements de santé – est le nombre quotidien de nouveaux cas d’hospitalisation pour CoVid-19. Il est pertinent, parce qu’il s’agit forcément de personnes réellement malades de la CoVid-19 et dont l’état est suffisamment sérieux pour nécessiter une prise en charge en milieu de soins. Il représente donc une fraction du nombre de sujets nouvellement infectés par le SARS-CoV-2 (on peut admettre par hypothèse que cette fraction ne change pas significativement au cours de l’épidémie : elle est de l’ordre de 5 %). Quant au nombre total de sujets nouvellement infectés de la CoVid-19, il est impossible de le connaître : il faut bien le comprendre et l’admettre ; plus on fait de prélèvements, et plus on trouve de sujets infectés par le coronavirus ; mais il faut insister sur le fait que ce que l’on détecte dans le rhinopharynx (arrière-nez) n’est pas le virus, mais son ARN, ce qui signifie que, parmi les personnes détectées positives, certaines peuvent ne plus être malades et ne plus être contagieuses.

Le principal inconvénient de l’indicateur « Nombre quotidien de nouveaux cas d’hospitalisation pour CoVid-19 » est qu’il est différé d’environ 15 jours par rapport au nombre quotidien de nouveaux cas de contamination (je dis bien contaminations et non pas infections).

Ce schéma de l’histoire naturelle d’une infection devrait rendre les choses plus claires.

Le phénomène de base est la contamination, c’est-à-dire la circonstance au cours de laquelle une personne reçoit le virus dans sa gorge (pharynx) qui est la porte d’entrée principale. L’incubation est la phase qui sépare la contamination du début apparent de la maladie ; cette incubation est variable et dure en moyenne de 5 à 6 jours, soit 5,5 jours. L’invasion correspond à l’apparition des premiers symptômes (ce que l’on ressent) et signes (ce que l’on constate) de la maladie (mal de gorge, fatigue, sensation d’être malade, discrète toux sèche) ; elle dure environ 1 à 2 jours, soit 1,5 jour. La phase d’état est la période où l’on est pleinement malade ; c’est au cours de la phase d’état que la situation peut s’aggraver, généralement après environ 7 à 9 jours, soit 8 jours, ce qui va conduire de l’ordre de 5 % des malades à se faire hospitaliser. Si l’on additionne 5,5 jours, 1,5 jour et 8 jours, on obtient 15 jours, c’est-à-dire le délai entre la contamination et l’hospitalisation des 5 % de malades qui développent une forme grave.

C’est ainsi que l’on a effectivement observé, environ 15 jours après la fête de la musique, une légère augmentation du nombre de nouveaux cas quotidiens d’hospitalisation. Voici la courbe de ces nouveaux cas quotidiens d’hospitalisation (le sursaut lié à la fête de la musique n’y est même pas perceptible) ; elle va jusqu’au 16 juillet où il y a eu en France 119 nouveaux cas d’hospitalisation pour CoVid-19. On y voit que le pic a été atteint le 1er avril avec 4281 nouveaux cas d’hospitalisation par jour. On se souvient que le confinement obligatoire et généralisé a commencé mardi 17 mars : il est donc logique, en fonction de ce que nous venons de voir, que la courbe se soit infléchie 15 jours après, donc tout début avril, ce qui vient conforter la règle des 15 jours de délai.

Je le répète, c’est cette courbe qui est vraiment pertinente, mais elle a l’inconvénient d’avoir une latence de 15 jours.

Actuellement, la situation est satisfaisante, mais on craint, avec les départs en vacances, les marchés et les matchs de football, une reprise des contaminations et donc de l’épidémie.

Quels sont les lieux où le risque de contracter la CoVid-19 est particulièrement élevé ?

Sur le plan géographique, malgré ce que l’on nous dit sur la Bretagne depuis quelques jours, il n’existe pas de grosses disparités. Voici la carte des nouveaux cas quotidiens d’hospitalisation pour CoVid-19, enregistrés le 16 juillet. C’est la répartition géographique qui correspond à la courbe nationale que nous avons vue plus haut.

Le disque de Lille correspond au département du Nord (4 nouveaux cas le 16 juillet), celui de Bordeaux au département de la Gironde (3 nouveaux cas le 16 juillet), celui de Marseille aux nouveaux cas du département des Bouches-du-Rhône (9 nouveaux cas le 16 juillet) et celui de Cayenne aux nouveaux cas du département de la Guyane (28 nouveaux cas le 16 juillet). Il n’est pas rationnel d’en déduire que les plages des Bouches-du-Rhône seraient plus à risque que celles de la Gironde : il y a beaucoup de facteurs qui ne figurent pas sur la carte (densité de population, activités, événements, arrivées d’étrangers…). Cette carte confirme qu’en Guyane, la situation est inquiétante, pour le moins non maîtrisée.

Ce qui est certain

- Il existe beaucoup de personnes paucisymptomatiques (peu de symptômes et signes) et néanmoins contagieuses ;

- Les enfants en bas âge seraient finalement très peu contagieux, car très peu infectés ;

- Le risque augmente avec la concentration humaine ;

- Le risque diminue avec l’efficacité du masque et la qualité de son port (sur le nez et la bouche, et bien ajusté) ;

- Le risque diminue avec la distance qui sépare deux personnes (il devient négligeable au-delà de 1,50 mètre) ;

- Le risque de contaminer les autres est lié au fait de parler, crier, chanter, tousser, bâiller et éternuer ; une personne sans masque qui n’ouvre pas la bouche n’est pratiquement pas contagieuse ;

- Le risque de transmission augmente quand l’air est sec (froid), et diminue quand il est humide (chaud) ;

- Le risque est plus élevé à l’intérieur des bâtiments qu’à l’extérieur ; à l’intérieur, le risque diminue avec le renouvellement de l’air des locaux (aération par les fenêtres, ventilation mécanique électrique) ;

- Le risque à l’extérieur diminue quand il y a du vent (dispersion et dilution des particules) ;

- La transmission est plus importante par voie respiratoire (micro gouttelettes) que par voie de contact indirect (mains) ;

- Se laver ou se décontaminer les mains avant de toucher ses lèvres, sa bouche ou son nez et avant de toucher quelque chose qui va aller à sa bouche (nourriture…) est une mesure utile et même indispensable.

Ce qui est probable

- Le SARS-CoV-2 est probablement émis, non seulement par des microgouttelettes ou aérosols humides (portée maximale de 1,50 mètre, sédimentation rapide), mais aussi par des particules aéroportées ou aérosols secs (portée de plusieurs mètres, sédimentation très lente), ce qui fait du port du masque la mesure primordiale de prévention ;

- L’adhésion aux mesures préventives est probablement liée dans une certaine mesure à l’âge (adolescents…), mais c’est quelque chose qui est assez peu étudié ; les adultes auraient en général un comportement plus préventif que les jeunes.

En tenant compte de tous ces éléments, on peut en déduire que la plage de Biarritz est nettement moins dangereuse qu’une discothèque à Marseille ou environs. Ainsi, chacun gère le risque de contamination en fonction de ses connaissances, de sa perception du risque et de son tempérament.

Pourquoi les lieux comme les toilettes de restaurant ou les toilettes publiques sont-ils des zones de risque peu élevé ?

Comme je l’ai dit, le risque est essentiellement lié à la concentration humaine, à la proximité entre les personnes. On a beaucoup exagéré le risque lié à une contamination par contact indirect (mains qui touchent l’environnement).

Les toilettes incarnent dans l’esprit commun le sale, le nauséabond, le septique, le dangereux. C’est vrai en cas d’épidémie de choléra ou de fièvre typhoïde. Mais avec un virus respiratoire comme le coronavirus SARS-CoV-2, c’est vraiment beaucoup moins vrai.

Les toilettes sont toujours ventilées par une installation de VMC (ventilation mécanique contrôlée), et de toute façon, le risque de transmission indirecte par l’air est sans doute fort réduit. Le contact avec la lunette (siège) des w.-c. comporte un risque pouvant être considéré comme négligeable.

Le seul risque bien réel est l’équipement d’essuyage des mains : il faut, soit des feuilles de cellulose à usage unique, soit des essuie-mains en tissu à utilisateur unique (et donc un panier à linge sale), soit un sèche-main électrique, mais en aucun cas un essuie-main en tissu à utilisateurs multiples (risque élevé).

Comment peut-on se prémunir efficacement contre le virus à l'heure de nombreux départ en vacances ?

Parmi les mesures préventives individuelles (souvent appelées « mesures barrières »), il existe une hiérarchie.

La mesure préventive primordiale est le port d’un masque efficace (attention à sa qualité : les masques dits « barrière grand public » à usage multiple que l’on achète en pharmacie sont en principe de qualité ad hoc ; il existe également des sites marchands sur Internet qui proposent des masques de bonne qualité ; c’est pratiquement un investissement santé sur lequel il ne faut pas chercher à économiser) ; le masque doit couvrir le nez et la bouche et être bien ajusté.

La mesure préventive qui vient en deuxième position est la distance de sécurité (souvent appelée distanciation physique ou parfois sociale) ; elle est d’un mètre cinquante et non pas d’un mètre ; mais en pratique, chacune et chacun en ont fait l’expérience : elle est très difficile, voire impossible à respecter en toute circonstance.

La mesure préventive qui vient en troisième position est la décontamination des mains ; il ne s’agit pas de se les décontaminer régulièrement, ni très souvent, mais au bon moment. Au bon moment, c’est avant de toucher ses lèvres, sa bouche, son nez ou ses yeux ; c’est avant de toucher quelque chose qui va aller à ses lèvres ou à sa bouche (bonbon, chewing-gum, arachide, pop-corn, biscuit, pastille, caramel, nourriture, cigarette, cure-dent, etc.) et avant de toucher ou de préparer de la nourriture ; quand on pense avoir contaminé ses mains (contact suspect), il est sage de les décontaminer au plus vite. Cette décontamination s’effectue, soit par lavage à l’eau et au savon (ce qui élimine les virus), soit par friction avec un produit hydroalcoolique ou simplement de l’alcool (ce qui inactive les virus) ; dans un cas comme dans l’autre, ce geste ne doit pas durer moins de 20 secondes (ce qui en pratique paraît un peu long…).

Ces trois mesures sont les mesures clefs : elles ne sont pas très difficiles à respecter ; il faut absolument les intégrer à nos habitudes. En vacances, on aurait tendance à se laisser aller, se relâcher, et cela peut devenir vraiment dangereux. Il faut parvenir à rester vigilant et observant, mais sans tomber dans l’obsession.

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