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Pompidou ou Sarkozy : ce qui se joue vraiment dans le match des nostalgies à droite et au centre-droit
©UPI / AFP

La nostalgie, camarade

Christian Estrosi était au micro d'Europe 1 vendredi. Il a estimé que l'ancien chef de l'Etat était le plus à même de rassembler les LR dans le cadre de la période de crise qui touche le parti. Durant son discours de politique générale, Edouard Philippe a lui fait mention de Pompidou.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Christian Estrosi était au micro d'Europe 1 vendredi. Il a estimé que l'ancien chef de l'Etat était le plus à même de rassembler les LR dans le cadre de la période de crise qui touche le parti. Durant son discours de politique générale, Edouard Philippe a lui fait mention de Pompidou. Concrètement qu'est ce qui se joue réellement dans ce match des nostalgies à droite et au centre-droit ?

Edouard Husson : De la part de Christian Estrosi, qui a déclaré, en 2015, pour être élu président de région: « Nicolas Sarkozy est un ami, mais, contrairement à lui, je ne pense pas que nous devions tenir un discours toujours à droite. Plus on va à droite, plus on fait monter le FN » - après avoir été, durant des années, partisan d’une ligne dure à l’UMP/chez LR - cela ne manque pas de sel. Comment croire à la sincérité de ces revirements successifs?  Faut-il attendre que la stratégie centriste de LR échoue, à cause de la présence d’un centriste plus doué à l’Elysée, pour se mettre à réfléchir? Quant à Edouard Philippe, je préfère quand il se décrit comme un « Raymond Barre en longiligne ». Il s’est rallié à Macron, qu’il laisse Pompidou tranquille ! Georges Pompidou était un conservateur. Il est celui qui, s’appuyant sur le double héritage de la reconstruction gaullienne et du sursaut conservateur d’après 1968, a réussi à rassembler toutes la droite. Il a fait 44% des voix au 1er tour de la présidentielle de 1969, le meilleur score jamais obtenu par un candidat de droite. Si la droite déboussolée a besoin de retrouver ses repères, qu’elle médite sur le fait que toute la modernisation industrielle pompidolienne s’appuie sur la reconstruction par de Gaulle de la souveraineté française.  Et sur le fait que Pompidou, comme de Gaulle, pratiqua un contrôle strict de l’immigration. 

Pour les LR peut-on parler d'une nécessité de s'ancrer dans une continuité historique afin d'en tirer de la légitimité en période de trouble ?

Depuis la Révolution, la droite est majoritaire dans le pays. Elle serait en mesure de rassembler 60% des voix, si elle faisait le plein. Mais elle est, sauf exception, divisée et offre ainsi le pouvoir à la gauche sur un plateau. L’histoire de la droite depuis 1789, est l’histoire de trahisons successives. La trahison fondatrice, ce sont les émigrés et les frères du Roi qui publient, contre sa demande formelle, le manifeste de Brunswick, alors qu’il était en train de reprendre la main, au début de l’été 1792 (les messages de félicitations affluaient à l’Assemblée, félicitant le Roi de ne pas avoir cédé à l’émeute le 20 juin 1792 et « d’avoir sauvé la Constitution au péril de sa vie »). Ensuite, on peut égrener une longue liste de trahisons: du vote de la mort du Roi par le duc d’Orléans aux ralliements à Macron et à LREM aujourd’hui. C’est toujours le même schéma qui se reproduit: le refus de l’héritage, de la transmission, l’illusion de pouvoir se commettre avec les partisans de la « table rase » sans perdre son âme. Peu importe comment on identifie les familles de la droite: légitimiste, orléaniste, bonapartiste, pour parler comme René Rémond; ou bien conservatrice, entrepreneuriale, populiste, pour mettre du contenu derrière les étiquettes: dans tous les cas, chacune des familles de droite a plus souvent trouvé des prétextes pour ne pas s’allier aux autres plutôt que des raisons d’unir les forces. A de rares moments, cependant, une personnalité crée l’alchimie subtile qui convainc les électeurs de droite d’oublier les étiquettes et de se rassembler. C’est de Gaulle en 1965, c’est Pompidou en 1969, c’est Sarkozy en 2007. Le cas de Sarkozy est instructif puisqu’à peine élu il a troublé son électorat en prenant des ministres de gauche dans son gouvernement; oubliant que la droite perd toujours, dans les alliances avec la gauche. Tous les LR ralliés à Macron seront broyés.  

Cette stratégie est-elle pour autant convaincante, d'abord vis-à-vis du parti mais aussi du point de vue des électeurs ?

Les questions d’appareil viennent après. L’important est d’avoir, d’abord, une vision, progressivement transformée en programme d’action, qui puisse rassembler au maximum les électeurs de droite. Il faut bien entendu disposer d’un noyau de fidèles et d’un réseau d’élus qui permette de mailler le territoire. Il faut aussi disposer - c’est essentiel - de soutiens dans la haute fonction publique, les corps intermédiaires, la société civile. Mais l’important, c’est la capacité à rassembler toutes les catégories sociales dans un projet commun. A la fin, la droite ne pourra s’imposer que si elle gagne l’élection présidentielle. 

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