Politique étrangère américaine : la bonne surprise d’un Joe Biden aux inspirations moins attendues que prévues<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Politique étrangère américaine : la bonne surprise d’un Joe Biden aux inspirations moins attendues que prévues
Politique étrangère américaine : la bonne surprise d’un Joe Biden aux inspirations moins attendues que prévues
©MANDEL NGAN / AFP

Comparaison

Selon la rédaction du Washington Post, des similitudes existent entre la politique étrangère de Joe Biden et celle de Harry Truman et de Ronald Reagan. D’un point de vue géostratégique, les Etats-Unis semblent avoir amorcé un tournant dans leur politique étrangère.

André Kaspi

André Kaspi

André Kaspi, est agrégé d'histoire, spécialiste de l'histoire des États-Unis. Il a été professeur d'histoire de l'Amérique du Nord à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et directeur du Centre de recherches d'histoire nord-américaine (CRHNA). Il a présidé notamment le comité pour l'histoire du CNRS.

 

Voir la bio »

Atlantico : Un article du Washington Post dresse des parallèles entre la politique étrangère de Joe Biden et deux de ses prédécesseurs Truman et Reagan. Cette comparaison est-elle pertinente ?

André Kaspi : C’est un jeu auquel les commentateurs aiment se livrer régulièrement. Si l’on prend le plan à 1.900 milliards de dollars de Joe Biden et l’usage de l’expression des cent premiers jours, vous pensez immédiatement à Roosevelt. Mais Biden n’est pas Roosevelt, les conditions ne sont pas les mêmes. On peut également comparer l’attitude de Biden à Reagan car il a lui aussi lancé un plan économique mais a également souhaité le réarmement face à l’Union soviétique, cette dernière n’existe plus. On peut encore le comparer à Johnson parce qu’il cherche à développer sa politique sociale en particulier par l’extension de l’Obamacare. Mais leurs conditions de travail ne sont pas les mêmes. La comparaison avec Truman est intéressante mais limitée. L’Union Soviétique n’existe plus, il n’y a plus de Molotov en face et le grand problème des Etats-Unis n’est plus la Russie mais la Chine. Or, pour Truman la Chine était une puissance très secondaire en partie sous dépendance en 1945. Donc la comparaison des situations n’est pas possible. Il est plus intéressant de comparer Biden et Trump, ils ont exercé dans des situations très comparables. Et, s’agissant de la Chine, Biden suit les traces de Trump beaucoup plus que celles d’Obama. Concernant la Russie, c’est différent. Joe Biden est beaucoup plus dur que son prédécesseur. Sur l’Europe, il y a des points communs. Pour les Américains, l’Europe ne compte guère. Mais Biden a plus d’égard envers les Européens, comme le montre en particulier son retour dans l’accord de Paris. Celui-ci témoigne de sa volonté d’intégrer la défense de l’environnement aux objectifs de sa politique internationale.

À Lire Aussi

Politique étrangère : le bilan de Barack Obama pourrait bien plomber Joe Biden

Comment qualifier le style de la politique étrangère de Joe Biden ?

Joe Biden, comme tous les présidents des Etats-Unis dispose d’une relative liberté de manœuvre sur sa politique internationale. Pour la politique intérieure il doit tenir comptes des forces qui s’exercent à différents niveaux. La politique étrangère ne passionne pas la population, à l’exception de l’opposition à la Chine – pour des raisons plus économiques que stratégiques -. Joe Biden poursuit le tournant amorcé par Obama et accéléré par Trump qui considère que la Chine est l’adversaire des Etats-Unis mais aussi son compétiteur. Il y a à la fois des côtés pacifiques et d’autres qui le sont moins. La rivalité consiste à savoir qui va dominer le Pacifique. Le QUAD est un groupement de quatre pays pouvant faire contrepoids à la Chine : les Etats-Unis, l’Inde, le Japon et l’Australie. D’un point de vue géostratégique, c’est extrêmement important. Cela signifie que les Etats-Unis ont amorcé le tournant de leur politique étrangère. Le centre de leurs intérêts n’est plus l’Europe mais la zone Pacifique où il se heurtent à la volonté chinoise qui veut étendre son influence et sa puissance. Il y a des points chauds comme Taiwan, Hong-Kong, la mer de Chine du sud, etc. Les Américains ont raison de réunir autour d’eux d’autres grandes puissances de la région. Il y a une nouvelle guerre froide qui existe dans cette partie du monde.

Peut-on voir, dans le QUAD, un équivalent du containment de Truman ?

Le QUAD est, dans un certain sens, une forme de containment. C’est une manière d’arrêter l’expansion chinoise. Est-ce que ça l’arrêtera, je ne sais pas. L’Union soviétique avait une volonté expansionniste du point de vue doctrinal. Elle n’avait pas les moyens d’imposer sa présence économique. La Chine, elle, possède une arme économique et commerciale très puissante et qui se renforce. La Chine exporte ses marchandises, importe les nôtres et nous tient sur un certain nombre de secteurs. Grâce à notre dépendance, elle peut exercer son influence politique. L’influence chinoise se manifeste mondialement. Quand on compare Biden à Truman, il faut aussi comparer les forces auxquelles ils s’opposent. Et la Chine n’est pas l’Union soviétique. Lorsque Biden qualifie Poutine de tueur, c’est d’abord parce qu’on accuse la Russie d’ingérence dans les élections, la situation de Navalny lui donne aussi des arguments. Et l’Europe est divisée, il suffit de regarder la question du Nord Stream. Donc les comparaisons sont limitées.

À Lire Aussi

Etats-Unis : la politique étrangère de Joe Biden se dévoile progressivement

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !