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Polémique sur le jour de carence des fonctionnaires : les pièges inattendus d’un débat très français
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Attention danger

Pour les fonctionnaires, un jour de carence pour maladie avait été créé le 1er janvier 2012. Il est supprimé depuis le 1er janvier 2014. Les agents de la fonction publique sont indemnisés pour tout arrêt de travail débutant à compter de cette date.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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François Baroin, président de l’association des maires de France, vient de demander au gouvernement de rétablir le jour de carence dans la fonction publique. Ce système, qui consiste à supprimer un jour de paie en cas d’absence pour maladie, avait été instauré par Nicolas Sarkozy, et supprimé par la gauche dès son arrivée. Il avait pourtant démontré son efficacité. L’AMF le rappelle: il a permis 165 millions d’euros d’économies durant sa courte phase de mise en application. Encore ne s’agit-il ici que d’économies apparentes: le chiffre n’intègre pas les gains de productivité procurés par cette plus grande assiduité au travail.

En revendiquant le rétablissement de cette mesure éphémère, François Baroin remet au coeur du débat public la question de la réforme de la fonction publique et celle de l’égalité de traitement entre salariés du privé et salariés du public. La réforme de la fonction publique passe par des mesures simples

La question du jour de carence est assez rapidement devenue emblématique de l’obsolescence de notre fonction publique. Malgré de nombreux plans de modernisation, qui se succèdent année après année, auxquels personne ne comprend jamais rien (à commencer par les fonctionnaires eux-mêmes!), et qui sont généralement une somme de mesurettes obscures, la réforme de l’Etat, comme on dit, n’avance pas d’un pouce.

Peut-être serait-elle un peu plus lisible si l’Etat commençait par adopter des mesures simples pour la mettre en oeuvre. Supprimer un jour de salaire en cas d’arrêt maladie appartient à cette panoplie de dispositions frappées au coin du bon sens, et qui envoient un message clair aux fonctionnaires comme aux administrés: celui d’un nécessaire effort en faveur du « client », qui a droit à un service en échange des impôts qu’il paie.

En posant ce principe, le gouvernement montrerait le cap: on siffle la fin de la récréation et de ces arrêts de complaisance qui suscitent l’hilarité générale. Qui n’a pas entendu un fonctionnaire déclarer au moins une fois dans sa vie qu’il n’avait pas épuisé ses « jours d’enfant malade », qui permettent un maintien de salaire en cas de maladie du tout petit (ou du moins petit)? Ce luxe-là fait vivre l’illusion que la nation est au service des fonctionnaires, quand c’est l’inverse qui est vrai. Remettre l’égalité entre public et privé au coeur de la nation

Rétablir le jour de carence dans la fonction publique serait un beau signal d’égalité entre salariés du privée et fonctionnaires. Le code du travail pénalise en effet plus lourdement l’absentéisme du salarié que le code de la fonction publique. Cette rigueur du code du travail correspond à une espèce de franchise d’assurance en cas d’accident: elle vise à dissuader les arrêts de complaisance et responsabilise donc le salarié.

Pourquoi le service public n’inclut-il pas la même franchise salariale en cas d’arrêt maladie? L’habitude est prise, dans le service public, de ménager la susceptibilité du fonctionnaire et de considérer que son « bien-être » est roi. Dans le cas du jour de carence, certains hauts fonctionnaires ont fait usage de mauvaise foi en invoquant des contrats de prévoyance et de mensualisation qui, dans le secteur privé permettent de compenser le jour de carence: ce mécanisme revient à supprimer les effets du jour de carence.

Dans ce raisonnement, le salarié du privé est donc mieux traité que le fonctionnaire en cas d’application du jour de carence, puisque l’un bénéficie d’un système de prévoyance auquel l’autre n’aurait pas accès. L’argument est évidemment de mauvaise foi: si certains salariés voient leur jour de carence rembourser par un assureur, c’est parce qu’ils paient pour cela, souvent conjointement avec leur employeur. Au passage, rien n’empêche les administrations d’adopter un système identique, notamment au titre des « risques statutaires ». Mais, dans ce cas, l’administration est responsabilisée et doit payer une prime spéciale pour assurer ses fonctionnaires contre le jour de carence.

C’est une belle façon d’obliger le service public à manager ses ouailles: une expression à laquelle tant de hauts fonctionnaires sont allergiques!

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