Plus de fraudeurs ou plus de contrôles : comment interpréter la hausse du nombre de redressements de l'Urssaf ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La lutte contre la fraude est devenue une priorité de la part de tous les gouvernements.
La lutte contre la fraude est devenue une priorité de la part de tous les gouvernements.
©Reuters

La main dans le sac

Le travail au noir a augmenté de 20% entre 2011 et 2012, pour représenter 22% des 1,4 milliard d'euros de redressements de l’année 2012 (soit 260 millions d'euros). La fraude sociale a-t-elle augmenté, ou les méthodes de détection ont-elles été améliorées ?

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Le travail au noir constaté a augmenté de 20% entre 2011 et 2012, pour représenter 22% des 1,4 milliards d'euros de redressements de l’année 2012 (soit 260 millions d'euros). Comment expliquer cette hausse ? Y a-t-il eu davantage de cas ou a-t-on cherché à en détecter plus ? Et si le phénomène de fraude a réellement progressé, comment l'expliquer ?

Philippe Crevel : La lutte contre la fraude est devenue une priorité de la part de tous les gouvernements et cela aboutit naturellement à une augmentation des redressements. Certes, en période de crise, la tentation de frauder peut augmenter d’autant plus que le niveau élevé des charges peut constituer une incitation pour certains. Le travail au noir doit représenter autour de 10 % du PIB. Il est certain qu’une remise en cause du statut d’auto-entrepreneur ou de celui des emplois à domicile pourrait générer une fraude plus importante.

Les Urssaf comme les administrations fiscales ont depuis une dizaine d’années mis l’accent sur le travail dissimulé. Le rendement des contrôles a été amélioré avec la mise en place des redressements forfaitaires. Il suffit d’un constat de délit de travail dissimulé pour obliger l’entreprise d’acquitter de manière forfaitaire des cotisations calculées sur la base d’un SMIC et pour une durée de 6 mois. De même, depuis trois ans, les exonérations de charges sociales dont peuvent bénéficier les entreprises font l’objet d’une suppression en cas de travail dissimulé. Pour 2013, un nouveau plan anti-fraude a été présenté afin de mieux surveiller la sous-traitance, notamment.

Les moyens de détection ont-ils été revus, améliorés ?

Depuis plusieurs années, les administrations en charge de prélever les impôts et les cotisations sociales améliorent leurs outils de contrôle afin de traquer les fraudes éventuelles. Avec la création d’un fichier unique bancaire et le recoupement des informations obtenues par les différentes administrations (les services en charge des impôts, les Urssaf, les CAF…), il devient plus difficile de passer à travers les mailles. Jusqu’à maintenant, l’administration avait les données mais n’avait pas les moyens pour les exploiter ; désormais avec le développement d’un certain nombre de logiciels, cela devient possible. Il n’est donc pas étonnant que les redressements mis en recouvrement soient passés de 33 à 260 millions d’euros de 2003 à 2012.  

Les redressements ont-ils porté sur des fraudes de faible ampleur effectuées par des entrepreneurs en quête d’économies, ou au contraire sur des fraudes de grande ampleur ?

L’administration sociale chasse essentiellement le travail au noir qui concerne plutôt les petites structures. En ce qui concerne la chasse aux gratifications, avantages en nature qui ne sont pas déclarés toutes les entreprises peuvent être impactées mais il est certain que les volumes sont plus importants dans les grandes.

Est-il possible d'éliminer l'intégralité des fraudes sociales effectuées par les entreprises ? Certaines sont-elles à privilégier, à traiter en premier lieu ?

La tentation de la fraude sociale ou fiscale est intrinsèque au système et à l’homme. Il est possible de la diminuer, de la réprimer et de faire preuve de dissuasion. L’éliminer intégralement est du domaine de l’illusion. Bien évidemment qu’au nom de l’équité, le travail au noir doit être réprimé car il fausse la concurrence et prive les administrations fiscales et sociales de ressources.

A l’heure où l’Etat cherche désespérément à remplir ses caisses, quelle est sa motivation première : mettre un terme à des pratiques frauduleuses ou engranger un maximum de recettes ?

Evidemment, en période de crise, en période de déficit et au moment où la masse salariale stagne, la chasse aux fraudeurs est une priorité. Elle permet en premier lieu d’accroître le montant des recettes mais elle a aussi un objectif dissuasif pour éviter le développement de la fraude. En outre, en pointant les comportements déviants, les administrations tentent de faire oublier que le niveau des impôts augmente pour tout le monde. Il y a évidemment un peu de communication dans l’agitation actuelle autour de la fraude.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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