PIB, dette, revenu : ce que nous a vraiment coûté la grande crise de 2008 en 9 graphiques <!-- --> | Atlantico.fr
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Les conséquences du chômage sur le pouvoir d'achat des Français sont dramatiques.
Les conséquences du chômage sur le pouvoir d'achat des Français sont dramatiques.
©Reuters

On fait le bilan, calmement

Si d'aucuns essayent de se persuader et de persuader les Français que la crise est derrière nous, voire que la courbe du chômage va s'inverser, ses conséquences sur notre économie sont bien réelles.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Il est aujourd’hui fréquent d’entendre, ou de lire, que la crise que le pays traverse depuis 2008 est derrière nous. Bien évidemment, tel n’est pas le cas ; la France est aujourd’hui plongée dans une situation économique et sociale sans précédent dans ce qu’il convient d’appeler l’ère moderne, à savoir depuis l’après-guerre. 6 années après Lehman Brothers, il convient de se poser la question du coût de cette crise, et de son impact économique sur le pays, un bilan.

Aborder la question du bilan revient à se poser la question de ce que serait l’état économique du pays sans la survenance de cette crise. C’est-à-dire d’envisager la situation d’un pays qui aurait continué à suivre son évolution moyenne avant 2008. Une fiction basée sur la tendance de croissance que le pays a connu entre les années 1996 et 2007, c’est-à-dire depuis que la France est soumise aux contraintes issues (et respectées ou non) de l’entrée du pays dans la zone euro. L’intégralité des données utilisées ici sont issues de l’Insee et de la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques).

La croissance

Afin de se rendre compte de l’évolution de la croissance entre 1996 et 2007, l’utilisation des chiffres de la croissance nominale (c’est-à-dire sans en retrancher les chiffres d’inflation) offrent le meilleur résultat. L’aspect « brut » de ces données permet en effet de se rendre compte que la croissance française suivait une tendance parfaitement stable au rythme de 4% par an entre ces deux dates.

Croissance nominale France (bleu) comparée à sa tendance de 1996 à 2007 (noir)

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Il est ici tout à fait frappant de constater que la France progresse avec une régularité de métronome pendant les 12 premières années ici retenues. Le choc brutal qui survient au cours de l’année 2008 est un tremblement de terre qui vient bouleverser cette tendance. L’écart est majeur et a continué à se creuser année après année pour atteindre un montant de 328 milliards d’euros pour la seule année 2013. En cumulant les écarts constatés chaque année depuis 2008, le gouffre atteint 1176 milliards d’euros, soit 57% du PIB actuel de la France.

Il convient alors de s’intéresser à ce que le pays a perdu en points de croissance cumulés au cours de ces années. Ce qui revient à prendre en compte la perte cumulée de points de croissance au cours des années, par rapport à la tendance de progression que connaissait le pays jusqu’alors :

France. Variation de la croissance nominale par rapport à sa tendance 1997-2007

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Le graphique ci-dessus retrace encore une fois la stabilité de la croissance entre 1996 et 2007, au rythme de 4%, et l’importance de l’impact de la crise dès 2008. La France perd ainsi près de 16% de croissance nominale, et ces 16 points perdus vont avoir un lourd impact sur le pays.

L’emploi et le chômage

En France, le nombre d’emplois total est proche de 23 millions au cours de l’année 1996. Et ce nombre progresse d’année en années, sur un rythme plus ou moins stable de 1.25% par an. C’est ainsi qu’à la fin de l’année 2007, le pays compte 26.5 millions d’emplois. La croissance perdue au cours des années suivantes va lourdement impacter ce rythme de progression, et le pays ne va créer aucun emploi au cours de ces 6 années, et va même en détruire 200 000 (2008-2013). Le manque à gagner se comptabilise au total à 2 millions d’emplois.

Évolution du nombre d’emploi en France (bleu) comparé à sa tendance entre 1996 et 2007(noir)

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La conséquence primaire de cet arrêt de création de postes par l’économie française va être de profondément détériorer le niveau de chômage du pays. En ne prenant en compte que le taux de chômage, l’évolution ne permet pas d’être comparée au nombre d’emplois total en France. Voilà pourquoi il a été choisi de prendre en compte la progression du nombre de chômeurs (catégorie A) entre le mois de juin 2008 (qui est un plus bas) jusqu’au mois de novembre 2013, dernière donnée disponible à ce jour.

Progression en % du nombre de chômeurs en France entre juin 2008 et novembre 2013

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Le résultat est accablant, plus de 82% de progression, soit un total de 1,5 million de chômeurs au total en plus depuis juin 2008. Il est également nécessaire de montrer que le nombre de chômeurs n’a jamais été aussi important qu’au mois de novembre 2013, avec un total de près de 3,4 millions de chômeurs. Ce qui permet encore une fois d’invalider totalement toute idée d’inversion de la courbe du chômage.

Les revenus

Ici encore, l’impact de la crise est massif. Les revenus des Français progressaient également sur un rythme stable depuis 1996 et ce jusqu’en 2007 ; et ce rythme a été de 3.9% annuels. L’année 2008 va avoir raison de cette constance.

France : croissance des revenus comparée à sa tendance entre 1996 et 2007

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La réalité se décroche totalement de sa tendance précédente, et l’écart a été de 167 milliards pour la seule année 2012, pour un total cumulé de 517 milliards d’euros depuis 2008. Voici le prix payé par les Français sur l’autel de la crise au titre de leurs revenus.

Afin de dégager une part des revenus qui ne concernent pas la majorité des Français, il est possible de constater le même phénomène au titre des seuls revenus salariés, qui suivent la même progression et une perte également de grande ampleur.

France : croissance des revenus salariés comparée à sa tendance entre 1996 et 2007

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L’écart atteint ici 91 milliards pour la seule année 2012, et un total cumulé de 261 milliards de manque à gagner pour les salariés depuis 2008.

La Dette

Bien que certains continuent d’affirmer que le niveau de dette de la France est la cause de la crise, il convient simplement de constater que c’est bien l’absence de croissance qui va avoir un effet accélérateur sur le niveau de dette du pays. Comme cela peut se vérifier ci-dessous.

France. Dette sur PIB comparée à sa tendance de 1996 à 2007

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En effet, il est possible de constater une progression de la dette française entre 1996 et 2007, mais cette progression est alors principalement financée par la croissance nominale que connait le pays durant cette période, soit 4% par an. Malgré tout, il est visible à l’œil nu que les différents gouvernements vont tout de même dépenser plus que le pays ne gagne, mais ce, sur un rythme annuel modéré de 0.81% par an. Sans la crise, et en suivant cette tendance, le pays serait aujourd’hui endetté à 68% de son PIB en lieu et place des 93% actuels. C’est ainsi plus d’un quart de l’endettement total du pays qui est la conséquence directe de la crise.

Encore une fois, cette envolé de la dette Française est la conséquence directe de la perte de croissance nominale. Comme cela peut être constaté ci-dessous en comparant les progressions inverses des deux variables.

Perte de croissance nominale (bleu) et sa conséquence directe sur la progression de la dette (noir)

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Il est aisé de constater que lorsque la croissance (en bleu) progresse sur son rythme annuel de 4%, le niveau de dette est soit stable, soit il diminue. Inversement, la perte de croissance cumulée depuis 2008 va avoir un effet multiplicateur sur la progression de l’endettement de la France.

Il est d’ailleurs frappant de constater le même phénomène sur le chômage.

Perte de croissance nominale (en bleu) et progression du nombre de chômeurs. (noir)

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Alors que le nombre de chômeurs a diminué drastiquement entre 1996 et 2007, arrivant à un plus bas proche de 1,8 millions de chômeurs, la rupture de la tendance économique qui prévalait a fait exploser le niveau de chômage dès 2008.

La crise n’est pas terminée, la France est aujourd’hui dans une situation ou 1100 milliards d’euros manquent au pays, soit 57% de son PIB, ou 2 millions d’emplois viennent manquer, et ou son endettement progresse encore et toujours. Ce type de montant permet alors de comprendre les sommes gigantesques engagées par les différentes banques centrales à travers le monde afin de venir compenser les pertes des différents pays. Soit 22% du PIB pour le Royaume-Uni, plus de 20% également pour le Japon, et un total de 1 trillion de dollar pour les Etats-Unis pour la seule année 2013. Mais les dirigeants européens ne semblent pas comprendre l’ampleur du marasme qui frappe le continent depuis 2008.

Pour en savoir plus sur ce sujet, lisez le nouveau livre de Nicolas Goetzmann :Sortir l'Europe de la crise : le modèle japonais, (Atlantico éditions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.


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