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Pétrole, Bitcoin, dollar, bourse... pourquoi tout s’emballe aujourd’hui et pourquoi il faut se méfier
©AFP

Fièvre du décembre soir

Ce n’est pas la Saturday night fever, mais elle y ressemble beaucoup dans le domaine financier mondial, à partir des Etats-Unis.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Bitcoin, forte fièvre au moins jusqu’au 18 décembre 2017 ! Le Bitcoin ouvre la fête financière actuelle, avec des hausses proprement incroyables. Il ne valait pratiquement rien en 2013, mais il faut compter 15 870 dollars pour en avoir un, le 21 décembre (dernière cotation, avant l’écriture de ce papier). Plus précisément 15 780 à la fin de la journée, qu’il avait commencée à 16 600 dollars ! Une perte de 5,1% dans une journée c’est beaucoup, mais on dira que ce n’est rien par rapport à une hausse de 1 959% depuis le début de l’année ! Heureux temps, c’était il y a douze mois, où 800 dollars « suffisaient » en effet à acheter un Bitcoin. Maintenant on dit que c’est de la folie, mais elle se poursuit. Jusqu’à quand ? Au moins jusqu’à l’entrée au bercail des marchés financiers de Chicago, le 18 décembre 2017 : le Bitcoin devrait y être dressé, sauf à s’effondrer juste avant ! C’est effectivement la question du moment : d’où vient donc cette fièvre soudaine ? D’une peur énorme, qui échapperait à (presque) tous, ou bien de la normalisation attendue des marchés financiers, que certains jouent jusqu’au bout (ou presque) ? Le taureau Bitcoin rue-t-il comme jamais, ou juste avant d’entrer au corral de dressage ? Ce sont donc ces dernières foucades qu’il faut acheter, pour s’en défaire au plus vite ?

Bourses, forte hausse jusqu’à mi-2018 ? Le Dow Jones est passé de 20 000 en janvier à 24 400 maintenant, soit plus 22%, tandis que le Standard & Poors gagne 17% et le Nasdaq 30% : pas mal. Nous sommes donc assez loin du +10% du Cac 40 ou du +13% du Dax sur la même période. Les bourses américaines montent donc encore et toujours, avec une croissance annualisée du pays à 3,3% au troisième trimestre, avec un taux de chômage à 4,1%, plus un déficit budgétaire à 3,6% du PIB en haut de cycle et en plein emploi ! Sauf que Donald Trump vaut pousser plus loin la machine en abaissant les taux d’imposition sur les entreprises à 22%, contre 35% (avec des systèmes de réduction qui, quand même, disparaitraient) et une quasi amnistie fiscale pour les 2 800 milliards de dollars « parqués » en Europe ou ailleurs : ils seraient taxés à 15% pour « revenir ». La bourse américaine jouerait donc une croissance un peu plus forte encore, mais avec quels employés et ouvriers ? En fait, elle exulte parce qu’elle se dit plutôt que tous ces milliards seront… distribués en dividendes !

Bourses : et si la fête fiscale pouvait encore durer dix ans, avec moins d’impôts encore sur les entreprises ! En effet, suite à ses promesses électorales, Donald Trump, vient de lancer un programme de réductions massives. Sur dix ans, il est censé creuser le déficit budgétaire d’un trilliard et demi de dollars supplémentaires, ce qui est évidemment de nature à réjouir la bourse à court terme (on le voit) et à soutenir le dollar. De manière structurelle, le taux d’impôt sur les entreprises américaines s’établit ainsi au-dessous des grandes économies, avec en plus des promesses de simplifications fiscales à la clef ! Moins d’impôts, et plus faciles ! Et si l’on ajoute que l’Administration américaine veut simplifier l’octroi de crédit bancaire aux entreprises et aux ménages, veut faciliter la vie aux institutions financières, on imagine alors que c’est une esplanade qui s’ouvre aux entreprises, par profits interposés. Les ménages seront quand même supposés en bénéficier un peu par certaines baisses d’impôts (à voir), par l’emploi et des hausses de salaires (à voir aussi) et surtout par la montée des valorisations boursières, ce qui est de nature à soutenir leurs retraites. Sauf Krach boursier…

Oui, dix ans ! Vision pessimiste que celle d’un krach car, s’il y a toujours plus d’emploi sans inflation, c’est bon pour les profits ! La preuve : 288 000 nouveaux emplois aux Etats-Unis en novembre, plus que prévu, soit 170 000 en moyenne sur les trois derniers mois, avec une durée du travail qui monte et atteint 34,5 heures par semaine… avec une inflation à 2% ! Ceci, alors que le salaire horaire n’augmente que de 0,2% sur le mois, en liaison avec la nature des nouveaux emplois créés : restaurants et emplois peu qualifiés dans les services de santé et le manufacturier. Le taux de chômage baisse à son minimum depuis 17 ans, mais avec un taux d’emploi de la population active à 62,7%, contre un maximum à 67,3% en janvier 2000. Les marchés boursiers se disent qu’il y a encore un peu de réserve d’emploi, pour aller vers 3,5% de croissance par exemple, grâce à la fiscalité et à la bourse. Surtout, ils se disent que ce nouveau « super plein emploi » fera plutôt monter les profits que les salaires. Les ingénieurs et les matheux de la révolution technologique ont déjà tous un emploi, donc le miracle du plein emploi non inflationniste peut continuer encore, par les emplois peu, ou pas, qualifiés !

Mais il y a un hic. Acheter un bon du trésor américain à 10 ans rapporte 2,4%, soit 0,4% en plus de l’inflation courante : est-ce une si bonne affaire ? Placer à court terme rapporte 1%, et 1,25% en fin d’année après la hausse prévue en décembre, mais c’est à court terme : on peut sortir vite ! Donc, par quelle folie placer à si long terme pour gagner si peu, alors que l’avenir paraît si brillant ? Les marchés obligataires sont-ils convaincus que la Fed empêchera l’inflation structurelle de passer au-dessus 2% ? Ou bien pensent-ils au contraire que le miracle actuel ne va pas durer, qu’une récession est proche, et donc qu’il est astucieux de se placer dans des bons à 2,4%, avant que leur rendement ne baisse de nouveau ?

Etrange fièvre financière donc, qui fait monter les bourses, parce que l’on croit à cette reprise qui va se prolonger encore et encore, quitte à devenir la plus longue de l’histoire américaine, avec toujours plus d’emploi sans hausse de salaire, et donc toujours plus de profit. Ou étrange fièvre financière qui se dit qu’il faut en profiter jusqu’au bout : profiter de ce Bitcoin fou jusqu’à ce qu’on le calme (ou qu’on l’enferme ?), et des taux longs qu’on juge trop bas aujourd’hui, avant qu’ils ne soient jugés bien hauts, si vient la récession ! Les optimistes et les pessimistes achètent tous : les premiers des actions, les seconds des obligations publiques. C’est la fièvre financière du décembre soir… aux Etats-Unis !

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