Petites réflexions sur ce qui pourrait aider (militairement) l’Ukraine sans déclencher une guerre entre l’OTAN et la Russie <!-- --> | Atlantico.fr
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Des militaires ukrainiens dans la région de Lougansk, en Ukraine, le 24 février 2022.
Des militaires ukrainiens dans la région de Lougansk, en Ukraine, le 24 février 2022.
©AFP

Offensive militaire

De nombreux pays occidentaux ont annoncé l'envoi d'une aide militaire et d'une aide humanitaire vis-à-vis de l'Ukraine face à l'offensive russe. Quel est le moyen le plus efficace d’aider les Ukrainiens tout en évitant un embrasement du conflit et une contagion avec les pays de l’OTAN ?

Jérôme Pellistrandi

Jérôme Pellistrandi

Le Général Jérôme Pellistrandi est Rédacteur en chef de la Revue Défense nationale.

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Atlantico : Tout dabord, pouvez-vous nous expliquer les lignes à ne pas franchir sous peine dune entrée en conflit avec la Russie ?

Jérôme Pellistrandi : Rappelons que lUkraine est un État souverain. Il est légitime que cet État puisse demander de laide à des pays partenaires comme les membres de lOTAN et de lUnion européenne. Cest un point essentiel sur lequel la Russie ne peut pas intervenir : tout État est libre de se défendre avec les moyens dont il dispose.

Concernant les lignes rouges à ne pas franchir, lOTAN considère quelle nest pas en co-belligérance avec la Russie. Cette dernière est lagresseur dun État souverain, mais il est hors de question pour lOTAN dentrer en conflit avec la Russie. Il faut quil y ait des règles très claires sur le terrain et il ne doit y avoir aucun soldat membre dun pays de lOTAN sur le territoire ukrainien. Cest une chose extrêmement importante. La présence dun militaire de lalliance pourrait être considérée par la Russie comme une belligérance. Les livraisons darmement ou d’équipement doivent continuer à être faites à la frontière, du côté polonais, et doivent être transportées par du personnel ukrainien. Il nest pas question quun véhicule de lOTAN, même civil, franchisse la frontière.

On retrouve la même problématique à propos de lespace aérien. La zone qui va des États Baltes jusqu’à la Roumanie est protégé par les avions de lOTAN mais les aéronefs ne peuvent pas aller plus à lEst. 

On a beaucoup entendu parler de lidée de linstauration dune no-fly zone. Est-ce que cela fait partie des choses que lon ne peut pas se permettre de faire ?

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Une no-fly zone est un espace dans lequel on interdit à tout aéronef de rentrer. Si on institue une no-fly zone au-dessus de lUkraine, cela voudrait dire que des avions de lOTAN contrôlent cet espace aérien. Ils se trouveraient alors confrontés à des avions russes. Et si ils tirent, cest un acte de belligérance.

Si un avion russe pénètre dans lespace aérien polonais ou roumain, il peut faire lobjet dune mission de contrôle et on lui demanderait de quitter lespace aérien. Sil ne le fait pas de son propre gré, on pourrait faire un tir de semonce. Sil ne répond pas, on peut alors lengager. Les règles sont strictes à ce propos.

Quel est alors le moyen le plus efficace daider militairement les Ukrainiens ?

Cest ce que nous faisons depuis le début de la guerre : livrer des équipements défensifs et de protection. Cela leur permet de rééquilibrer le rapport de force et de mieux combattre les unités russes. Les armements livrés peuvent être des lance-roquettes anti-char ou des missiles anti-aériens qui nont pas vocation à frapper le territoire russe. Il sagit dune logique défensive. 

Quest-ce qui est le plus facile à maîtriser en termes darme étrangère pour les Ukrainiens ?

Avant le début du conflit, les Ukrainiens avaient des drones Bayraktar qui demandent un minimum de formation et d'entraînement. Si les drones sont abattus, il est possible de les remplacer. Ils valent entre 1 et 2 millions de dollars. Le plus efficace reste tout de même larmement individuel comme les missiles anti-char qui sont très simples demploi et très efficaces. Ces armements permettent de rétablir un rapport de force équitable sur le terrain et dobtenir un succès tactique pour les Ukrainiens. Soulignons que le rapport de force dans cette guerre reste en faveur des Russes. 

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Y a-t-il des choses qui seraient inutiles à livrer au vu de la situation actuelle ?

La question se pose à propos des avions de combat. Piloter un avion demande des années dapprentissage. Livrer des chars de combat occidentaux na aussi aucun intérêt étant donné le temps de formation et d'entraînement que cela nécessite. Les armements livrés sont adaptés aux besoins et correspondent à ce qui est demandé par les Ukrainiens. 

Les Ukrainiens semblent particulièrement performants sur le terrain de lanti-aérien, devrions-nous mieux les aider sur ce plan ?

Les livraisons de missiles sol-air par des membres de lOTAN à lUkraine montrent déjà leurs résultats. Les Russes nont pas la maîtrise totale de lespace aérien ukrainien. Le territoire ukrainien est plus vaste que celui de la France, par sa superficie il est difficilement contrôlable et il nécessite de nombreux avions en vol. Les Russes ont connu de nombreuses pertes daéronefs et ils sont assez prudents dans leur utilisation. 

LOTAN ne veut pas entrer dans une escalade. Si lUkraine avait dun seul coup de nombreux avions de combat, il pourrait y avoir la tentation de frapper à lintérieur de la Russie. Lobjectif est de faire baisser la tension et dobtenir une solution négociée. Il ne faut pas ajouter « de la guerre à la guerre », elle est suffisamment atteinte. L’équilibre est délicat et il faut quil évolue en fonction de la situation sur le terrain. 

En terme stratégique, devons-nous renforcer lUkraine sur ses points forts ou ses points faibles si nous voulons laider ?

Il faut la renforcer là où cest le plus efficace. Le harcèlement mené contre les colonnes de char a porté ses fruits. Lobjectif nest pas davoir un vainqueur par K.O car au milieu se trouve des populations civiles. Il faut arriver le plus vite possible à une solution négociée où chacune des parties doit faire des concessions, mais de la manière la plus équilibrée possible. Les prétentions de Poutine de rayer lUkraine de la carte n’étaient pas tolérables, il y a déjà une première évolution car les Russes ne parlent plus de changement de régime. Il faut qu’à la table des négociations, lUkraine ait suffisamment d’éléments positifs sans que la Russie ne se sente humiliée. Il faut éviter une escalade qui soit dramatique pour tout le monde.

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