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Petit portrait robot de ce que serait une rentrée réussie pour l’exécutif
©YOAN VALAT / POOL / AFP

Sujets sensibles

L'exécutif et Emmanuel Macron sont pour la grande majorité en vacances, mais le président de la République comme le Premier ministre pensent déjà tous deux à la rentrée prochaine.

Philippe Moreau-Chevrolet

Philippe Moreau-Chevrolet

Philippe Moreau-Chevrolet est communicant et co-fondateur de l'agence de conseils en communication MCBG Conseil.

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Olivier Rouquan

Olivier Rouquan

Olivier Rouquan est docteur en science politique. Il est chargé de cours au Centre National de la Fonction Publique Territoriale, et à l’Institut Supérieur de Management Public et Politique.  Il a publié en 2010 Culture Territoriale chez Gualino Editeur,  Droit constitutionnel et gouvernances politiques, chez Gualino, septembre 2014, Développement durable des territoires, (Gualino) en 2016, Culture territoriale, (Gualino) 2016 et En finir avec le Président, (Editions François Bourin) en 2017.

 

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David Nguyen

David Nguyen

David Nguyen est directeur conseil en communication au Département Opinion et Stratégies d'Entreprise de l'Ifop depuis 2017. Il a été conseiller en cabinet ministériel "discours et prospective" au ministère du Travail (2016-2017) et au ministère de l'Economie (2015-2016). David Nguyen a également occupé la fonction de consultant en communication chez Global Conseil (2012-2015). Il est diplômé de Sciences-Po Paris. 
 
Twitter : David Nguyen
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Atlantico : Alors que les affaires politiques ont été nombreuses ces derniers temps (Affaire Steve, Affaire de Rugy) et que des réformes sensibles les attendent à la rentrée (PMA) comment l'exécutif pourrait-il bien préparer sa rentrée afin de ne pas réitérer la rentrée difficile de 2018 ?

David Nguyen : Tout l’enjeu de la rentrée est effectivement de préserver le petit capital politique que l’exécutif est parvenu à reconstituer après un hiver particulièrement rude. Rappelons qu’en décembre 2018, au cœur de la crise des gilets jaunes, Emmanuel Macron atteignait son plus bas niveau de popularité à 23% de satisfactions selon le baromètre IFOP-JDD. Même parmi les sympathisants LREM, jusqu’ici extrêmement loyaux, commençaient à poindre des interrogations quant aux capacités de leur champion à sortir de la crise et leur niveau d’adhésion passait de 90% à 60%. Quelques mois plus tard, après des élections européennes durant lesquelles LREM a fait mieux que sauver les meubles, le président a retrouvé un niveau de popularité similaire à celui mesuré l’été dernier, autour de 30% de bonnes opinions (dont plus de 90% parmi les LREM). Alors que la rentrée va s’ouvrir sur les explosifs dossiers de la réforme des retraites et de la PMA, ce léger retour en grâce ne sera pas de trop. Comment s’en sortir au mieux dans ce contexte? Il y a d’abord la question des affaires. Il est difficile de prévoir si les affaires Steve et de Rugy perturberont cette rentrée. Contrairement à l’affaire Benalla, le président n’est pas directement impliqué ce qui pourrait limiter leurs répercussions politiques.

Ensuite sur la réforme des retraites, il ne faut surtout pas penser que les choses se passeront comme pour les ordonnances travail ou la réforme de la SNCF, c’est à dire assez rapidement. Il s’agit cette fois très directement de l’avenir de chaque Français, ces derniers étant déjà particulièrement anxieux au sujet de leurs futures pensions. Même si les manifestations et grèves d’opposants s’avéraient peu suivies, les Français pourraient tout à fait faire « grève par procuration » comme lors de la réforme des retraites de 1995 et forcer le gouvernement à céder. Tout l’enjeu pour l’exécutif sera donc de les convaincre du bien-fondé de la réforme en insistant sur son aspect simplificateur avec la fin des régimes différenciés, cette dimension étant à ce stade plébiscitée, tout en rassurant quant à ses conséquences en matière de pouvoir d’achat. Enfin, au delà des réformes à venir, le gouvernement ne peut pas agir comme si la crise des gilets jaunes était résolue. Dans les décisions qui toucheront le quotidien des Français, dans le comportement des ministres et du président, dans les méthodes de consultation et négociation, il faudra démontrer que ces Français qui ont occupé les ronds points ne sont plus oubliés pour éviter une nouvelle explosion sociale. 

Olivier Rouquan : La préparation du budget est essentielle. Or, pour l’instant règne un certain flou sur les décisions prises pour permettre de faire des économies afin de respecter les 2,1% de déficit promis. Si le Gouvernement veut diminuer la dépense sociale, il faudra faire œuvre de pédagogie et bien expliquer pourquoi ponctionner encore davantage sur le logement, ou encore comment baisser les allocations familiales…alors que toute l’année a montré que la demande sociale ne diminue pas.

Une grande partie de la société reste, comme l’a indiqué le mouvement des gilets jaunes mais aussi le Grand débat, passionnée par la question de l’égalité. Il ne faut donc pas rééditer l’erreur du premier budget. Or, rétrospectivement et en dépit des milliards lâchés depuis dans l’improvisation, certains pourront toujours remarquer que chercher à gagner 3,4 Mds en 2019 en réformant les allocations chômage après avoir lâché au bas mot 5 Mds (ISF sans compter le PFU) aux plus aisés en 2018, n’est pas conforme à l’idée commune que l’on se fait de la justice sociale.

Philippe Moreau Chevrolet : La meilleure manière pour l'exécutif d'aborder la rentrée serait de reprendre la main. Traditionnellement, l'été est une période où les côtes de popularité du président et du premier ministre sont stables. En revanche, le gouvernement est affaibli sur deux pieds : l'Intérieur, la Sécurité, où le rôle de Christophe Castaner ; ainsi que sur l'environnement dont le ministre a démissionné, explosé en vol.

Il faut donc que le gouvernement reprenne la main sur ces deux cas, par un remaniement par exemple, en confirmant le maintien d'Edouard Philippe au poste de premier ministre, ce qui permettrait d'ôter le doute sur sa candidature à Paris, en nommant un vrai ministre de l'environnement capable d'endosser ces responsabilités et, en urgence, nommer un ministre de l'Intérieur qui ne soit pas contesté, qui ait les épaules et la reconnaissance de la police et une confiance du public.

Sur le point social, le gouvernement a encore beaucoup à faire : il s'est beaucoup marqué à droite pendant l'été avec l'affaire Steve notamment. Le terrain à la rentrée sera plus dur qu'auparavant, davantage dans la confrontation.

Alors que l'affaire Steve semble rassembler les colères de beaucoup et représenter une certaine opportunité pour la gauche qui s'en empare, ne doit-on ici aussi, pas craindre un moment difficile à venir pour Emmanuel Macron et son gouvernement ? Comment préparer le terrain pour parer à une rentrée sociale explosive ?

David Nguyen : L’IFOP vient de mesurer pour le JDD le 3 août 2019, la cote de popularité des forces de l’ordre qui reste particulièrement élevée malgré la mort de Steve et les épisodes violents qui ont accompagné la mobilisation des gilets jaunes. Ainsi la police inspire spontanément de la « confiance » à 50% des Français interrogés et de la « sympathie »  à une autre part importante (21%), soit un total de 71% d’opinions positives. 68% des interviewés jugent par ailleurs la police « efficace », soit une hausse de 18 points depuis 2012. On voit donc qu’il n’y a pas de défiance généralisée à l’encontre des forces de l’ordre, au contraire. Cela ne veut pas dire néanmoins qu’une minorité active de la population n’entre pas parallèlement dans un rapport très conflictuel avec la police et constitue une très forte opposition : ainsi 21% des sympathisants de la France insoumise disent ressentir de « l’hostilité » à l’encontre de la police contre 6% des Français en moyenne. 

Olivier Rouquan : La question soulevée par l’affaire « Steve » est celle plus large et posée de plus en plus aigüe au fil des mois sous ce quinquennat, du maintien de l’ordre. Le Gouvernement en place, pour des raisons multiples, dont certaines lui sont imputables, cumule plusieurs mois de tensions critiques inédites qui remettent en cause la gestion normale de certains espaces publics - notamment en cas de manifestation.

Confronté à une radicalisation qui ne concerne pas que les gilets jaunes, le pouvoir veut indiquer sa fermeté, mais ce faisant, il finit par cristalliser une opposition de plus en plus tenace sur le thème des « violences policières », dont il ne voulait entendre parler… Plus le ministre de l’Intérieur veut « protéger » les forces de l’ordre et éviter toute remise en question, plus certaines personnes bien éloignées de toute sympathie vis-à-vis des casseurs ou des gilets jaunes, se demandent si l’état de droit est respecté… Bref, le point d’équilibre n’est pas trouvé.

L’enjeu est grave, car si cela perdure, la notion même de pacte républicain s’en trouvera affectée, et l’autorité des institutions aussi. Si se greffe sur ces neuf mois de désordre relatif, une rentrée sociale turbulente, le Gouvernement sera en situation périlleuse, d’autant que la gestion des forces de l’ordre est tendue.

Philippe Moreau Chevrolet : L'affaire Steve est un catalyseur alors qu'il a touché spécialement la gauche. C'est une affaire qui a été très mal gérée au niveau de la communication. Comme l'affaire de Rugy, c'est un moment assez douloureux pour le gouvernement. Le gouvernement a mal géré ce problème et trop tard, avec assez peu d'empathie. On a laissé le terrain local s'emparer de l'affaire : aujourd'hui, il y a même une demande de dépaysement du procès qui est fait par les magistrats locaux, ce qui est assez rare. Nantes est un terrain de contestation : on a pu s'en rendre compte avec Notre-Dame-des-champs. Tout cela créé un environnement qui fait que pour la rentrée, le front social serait difficile pour le gouvernement. L'affaire Steve va laisser des traces parce que c'est typiquement une affaire sur laquelle il n'y a pas grand-chose à défendre du côté du gouvernement et pour laquelle il aurait fallu réagir très vite. Le gouvernement n'a pas présenté d'excuses suffisamment tôt, la pseudo-enquête qui a été faite n'a trompé personne (c'est même devenu un objet de plaisanterie).

Il y a néanmoins une volonté du gouvernement de désamorcer la crise, mais qui vient un peu tard. Cela risque plutôt de réveiller la gauche, le front contestataire des étudiants et tout un pan qui avait été plus ou moins éteint par les Gilets jaunes. Le problème des Gilets jaunes c'est qu'ils étaient inclassables politiquement : l'extrême-gauche n'a pas réussi à surfer sur ce mouvement comme elle voulait le faire. Au contraire, Mélenchon et LFI sont entrés dans une crise à ce moment-là, précisément parce qu'ils n'arrivaient pas à tirer leur force de ce mouvement. L'affaire Steve risque de remettre en scène la gauche et l'extrême-gauche avec une vraie force et une vraie légitimité.

Outre les affaires et les réformes sensibles, la rentrée 2019 sera également marqué par l'échéance des élections municipales, là aussi un enjeu cruciale pour l'exécutif. Comment gérer la question en amont ?

David Nguyen : Les municipales sont effectivement un scrutin majeur pour LREM. C’est celui de l’ancrage local. Contrairement aux élections européennes qui étaient très connectées aux enjeux nationaux et ont quasiment pris la forme d’un référendum pour ou contre Emmanuel Macron, il s’agit désormais de s’adapter à 36000 situations locales différentes pour espérer avoir le plus d’élus et maires possibles. Toute la question pour LREM est de savoir s’il faut présenter des candidats partout même en cas de défaite très probable ou s’il faut s’allier au cas par cas avec des candidats de droite ou de gauche « Macron compatibles ». Dans le premier cas, cela permet de défendre ses couleurs avec clarté au niveau national et d’affirmer LREM comme une force locale autonome mais de prendre le risque de nombreuses défaites. Dans l’autre, les résultats seront peut être plus satisfaisants au soir du scrutin municipal mais avec la nécessité de composer pendant 6 ans avec des alliés très divers et qui pourraient vouloir reprendre leur indépendance une fois l’élection passée. A ce jour, ces questions stratégiques ne semblent pas totalement tranchées.

Olivier Rouquan : La préparation des municipales a commencé pour le pouvoir actuel dès le grand débat. En effet, le président et le Gouvernement ont trouvé le moyen de se rapprocher des maires, eux qui n’ont pas d’ancrage politique dans les territoires, compte tenu de la formation accélérée de la REM dans le seul cadre de la présidentielle. Ensuite, la sortie de la phase critique de la crise des Gilets jaunes et l’inauguration d’une seconde phase du quinquennat qui devait être marquée par plus de concertation, devrait occasionner un moyen de mieux prendre en compte les attentes des élus locaux – statut de l’élu.

Par ailleurs, les négociations ont commencé depuis plusieurs mois avec des élus de droite, déçus par les résultats des Républicains aux européennes ; et certains maires sortant estampillés droite classique, se sont déjà rapprochés du pouvoir en place – la triangulation conduite par Edouard Philippe a l’air de fonctionner. En ce qui concerne la gauche, ce sera peut-être plus compliqué ; mais l’état du PS et des relations entre ce dernier et les écologistes pourront bénéficier  ici ou là, à la REM - à condition que le renouvellement proposé par ce parti soit jugé crédible localement. Car l’autre difficulté est en effet de laisser s’exprimer les territoires au sein de ce mouvement, dont certains sympathisants sont déjà lassés, du fait du peu d’écoute et de créativité qui s’y déploient… La proximité n’est pas qu’un slogan de campagne mais une pratique de l’ancien monde tant stigmatisé, qui requiert un savoir faire.

Philippe Moreau Chevrolet : Le problème central de la majorité pour l'instant sur les municipales, c'est Paris. Paris c'est à la fois l'image de la majorité qui se joue mais c'est aussi celle du premier ministre, parce que sa candidature est toujours en pointillés. On voit bien que Benjamin Griveaux n'arrive pas pour l'instant à imposer sa candidature : on parle toujours de celle d'Edouard Philippe, qui est toujours en suspens. Cela donnerait finalement l'image d'une division de la majorité, d'une incapacité à tenir les troupes du gouvernement, d'un désaveu de Cédric Villani.

Pour le reste de la campagne, En Marche servira certainement de force d'attraction à beaucoup d'élus locaux de droite qui ont été très perturbés par les européennes. Eux vont certainement tirer des leçons du scrutin et se rapprocher d'En Marche pour beaucoup. On peut, du côté de LREM, espérer avoir des pôles locaux forts (du côté de la Normandie par exemple). L'objectif de Macron c'est donc que les trente premières municipalités passent sous les couleurs d'En Marche, dont Paris évidemment, et d'avoir le plus possible de communautés de communes, espèces de super-département aujourd'hui. La bataille des communautés de communes est tout aussi importante, voire prioritaire, sur celle des communes.

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