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Petit éloge de la vérité : manifeste pour un humanisme chrétien
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Bonnes feuilles

La vérité n'a pas bonne presse aujourd'hui, c'est le moins qu'on puisse dire, dans un monde où le relativisme domine. Tout en se livrant à une critique aiguisée d'un air du temps où se mêlent errance, culte de la volonté, esclavage du marché et de la toute-puissance, Vincent Morch invite à refonder un véritable humanisme d'inspiration chrétienne. Extrait de "Petit éloge de la vérité - Manifeste pour un humanisme chrétien", de Vincent Morch, publié aux éditions Salvator (1/2).

Vincent  Morch

Vincent Morch

Vincent Morch est philosophe et travaille dans l’édition après avoir enseigné en Afrique. Il a publié Exit. Exclus et marginaux en Grèce et à Rome aux éditions des Belles-Lettres.

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La vérité n’est plus, de nos jours, en odeur de sainteté.

Lorsque Michel Onfray, dans le chapitre de l’Antimanuel de philosophie qu’il lui consacre, écrit à la fin de son paragraphe introductif : « Avec la vérité, on peut produire des effets considérables, pour le meilleur et pour le pire1 », on devine que c’est surtout sur le pire qu’il focalisera son propos. « Il existe une violence de la vérité crue et nue1 », ajoute-t-il, prenant comme exemple les effets délétères qu’aurait la décision de dire à toute personne rencontrée au cours d’une journée la vérité sur son compte : « On aura eu l’impression, en vous côtoyant, de croiser un rustre, un grossier personnage, sans tact, sans élégance, un individu au mauvais caractère, à la langue de vipère, sans manières, ignorant la politesse élémentaire et le savoir-vivre de base2. » Il n’a pas de mal à montrer que le refus absolu de mentir, défendu en particulier par Emmanuel Kant3, peut avoir des conséquences « catastrophiques et induire pire que le mensonge4 ». En conséquence, il est préférable de juger, au cas par cas, si l’on doit ou non la vérité à ses interlocuteurs : « D’où la nécessité de distinguer le mensonge pour nuire, impur, celui qui vise une tromperie destinée à se soumettre l’autre, à le circonscrire, à l’éviter, à le mépriser, et le mensonge pour servir, pur, appelé par certains le mensonge pieux, celui qu’on commet par exemple pour épargner de la peine et de la douleur à une personne aimée1. » S’il apparaît raisonnable de préférer avec Michel Onfray cette élémentaire prudence à la rigidité kantienne, il n’en demeure pas moins que, même dans le cas d’un mensonge « pur », la personne qui en aura été la cible ressentira rarement de la gratitude. Mentir constitue toujours le symptôme d’un manque de confiance, et c’est pourquoi cet acte se révèle si blessant, si dévastateur dans les relations. Qui ne ressentirait par exemple de la déception en apprenant, des mois après les faits, que son ami le plus proche a traversé une période de dépression mais qu’il a décidé de la lui sceller, au motif qu’il ne voulait pas lui faire indirectement subir cette épreuve ?

Dangereuse socialement, problématique éthiquement, la vérité pourrait bien de surcroît ne s’avérer qu’un fantasme. Le constat évident de la diversité des normes morales, juridiques et religieuses, en fonction du lieu et des époques, n’amène-t-il pas à considérer comme insensée l’idée même d’une vérité une et universelle ? S’appuyant notamment sur un célèbre passage des Pensées de Pascal1, Michel Onfray affirme : « La vérité est singulière et non universelle, relative et non absolue, particulière et non générale, datée et non hors de l’histoire et du temps. Est vrai ce qu’une époque énonce comme tel jusqu’à preuve du contraire2. » Sentant toutefois le danger d’une telle affirmation, il précise qu’il existe « quelques vérités incontestables (en physique, en biologie, en chimie, en histoire : des faits, des dates, des formules) [qui] ne souffrent pas la discussion car une expérience sans cesse possible à répéter atteste leur validité et les certifie en tous lieux et en tous temps3 ». En effet, affirmer que « nulle vérité n’existe »,ce serait « donner des arguments au nihilisme, au révisionnisme, au négationnisme qui mettent en doute l’existence véritables de faits historiques avérés (ainsi du projet nazi partiellement réalisé de détruire le peuple juif) afin de poursuivre un dessein politique dangereux »1. Il n’en demeure pas moins que le dernier mot revient au « perspectivisme », qu’on peut « faire évoluer une vérité du moment, laquelle devient alors une erreur avant afÞ nement et proposition d’une nouvelle vérité », car « la vie est mouvement, seule la mort est immobilité et pétrification, du vrai comme du reste »2. La vérité dépendrait donc du point de vue de chacun mais il existerait des vérités qui feraient exception à cette loi générale : les vérités scientifiques, issues de la méthode expérimentale, et la description d’un certain nombre de faits historiques.

Extrait de "Petit éloge de la vérité - Manifeste pour un humanisme chrétien", de Vincent Morch, publié aux éditions Salvator (2015). Pour acheter ce livre,cliquez ici.

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