Pesticides dans des carottes bio : halte aux idées reçues, les pesticides sont partout, mais l'important est leur dosage<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Pesticides dans des carottes bio : halte aux idées reçues, les pesticides sont partout, mais l'important est leur dosage
©Reuters

Voie sans issue

Des traces de pesticides ont été retrouvées dans des carottes vendues en commerce bio. Les produits phytosanitaires sont partout est il est très difficile de les éviter. Et ce, même quand leur utilisation a été proscrite depuis une quinzaine d'années.

Atlantico : Une étude réalisée par France 3 et publiée cette semaine met en évidence le fait que des traces de pesticides ont été retrouvées dans des carottes d'une chaîne de supermarchés bio. Comment peut-on expliquer que les échantillons prélevés et vendus en commerces bio contiennent des traces de phytosanitaires ? Quelles sont les solutions à apporter au problème ?

Antoine Jeandey : Le reportage reste approximatif par rapport au cas particulier, il eut fallu interviewer le fournisseur pour en savoir davantage sur les causes éventuelles du problème, je préfère donc répondre de manière plus générale. Un préalable, il est totalement faux de considérer que les cultures bio sont sans pesticides. Ce ne sont pas les mêmes pesticides qui sont agréés pour le bio que pour le conventionnel, mais il y a des pesticides dans le bio. Pour être précis, le bio utilise volontiers le cuivre comme pesticide, lequel cuivre peut tout autant se révéler dangereux pour la santé... Dans tous les cas, conventionnel comme bio, tout est dans le dosage. Particulièrement chez nous en France, où il existe de multiples contrôles (et c’est heureux), les prélèvements annoncent des taux de résidus des millions de fois plus petits que le commencement d’une dose inquiétante pour la santé. Le bio n’est pas à l’abri, des résidus de cuivre ont ainsi été trouvés dans la grande majorité des vins bio, mais là aussi dans des proportions très largement inférieures à un risque pour la santé.

Pour revenir au cas particulier, les pesticides détectés dans les carottes bio ne sont pas ceux utilisés pour le bio, donc vous demandez d’où peut venir la contamination... (Au passage, on note qu’elle existe, mais que les journalistes de France 3 qui ont réalisé l’enquête annoncent aussi qu’elle est minime et sans danger). Plusieurs possibilités viennent à l’esprit. 1. Le fournisseur est converti au bio depuis relativement peu de temps (les surfaces françaises en bio augmentent chaque année) et c’est son terrain qui possède encore des traces des pesticides utilisés avant la conversion. On trouve ainsi régulièrement encore des traces d’atrazine, de plus en plus diluées mais détectables, alors que ce produit est interdit depuis 2003 et que malgré les contrôles personne n’a jamais été condamné pour en avoir utilisé au-delà. Donc même si le fournisseur est bio dans sa démarche, la terre sur laquelle il cultive peut contenir encore des traces d’un historique, y compris lointain. Encore une fois, on parle bien de traces détectables, mais en aucun cas dangereuses pour la santé. 2. La contamination viendrait d’une dissémination... Cela reste possible, mais c’est très peu probable. Car aujourd’hui tous les agriculteurs (bien sûr il peut toujours y avoir une exception quelque part, l’être humain n’est pas infaillible) sont largement prévenus et convaincus des dangers, et donc ils adaptent leurs pratiques en fonction : les épandages de produits phytosanitaires ne sont font qu’avec une météo sans vent, peu de temps avant qu’une pluie ne tombe de manière à les rendre plus efficace et donc pour en utiliser moins. 3. Il faudrait aller voir sur place le fournisseur pour comprendre s’il n’existe pas une autre cause. Par exemple, si il utilise du matériel en commun avec d’autres agriculteurs en conventionnel et que les bidons dont il a eu besoin pour ses propres produits ont été mal lavés, cela pourrait aussi expliquer les infimes traces détectées. Mais là encore, il s’agirait d’une erreur humaine très peu probable, que je n’ai personnellement jamais observée, car au contraire, sur le terrain, j’ai toujours rencontré des agriculteurs responsables prenant bien garde à l’utilisation de leurs phytos. Pour les solutions, je pense qu’il faut tout simplement rappeler encore et toujours les conseils du bon usage des produits, afin de réduire encore la probabilité déjà très faible d’une erreur humaine.

L’actualité fournit régulièrement des exemples d’aliments où l’on trouve des résidus de pesticides. Est-ce inquiétant ? A partir de quel dosage peut-on considérer qu’il existe un risque pour la santé ?

Aujourd’hui, des pesticides, on en trouve partout, il suffit de chercher ! En revanche, ce qui est important, c’est effectivement le dosage. On parle en l’occurrence de millionièmes de grammes, c’est parce que nos possibilités de mesures sont devenues technologiquement particulièrement performantes que l’on parvient à les détecter. Et pourquoi en trouve-t-on si souvent ? Tout simplement parce qu’on les recherche. Nombre d’associations écologistes vivent de subventions et ont tout intérêt à entretenir un sentiment de peur dans la population en refaisant régulièrement une analyse sur un produit ou un autre : c’est leur gagne-pain, qui vient directement du contribuable. Pour les lecteurs de WikiAgri, nous avions publié un numéro spécifique sur ce sujet : « environnement, halte aux idées reçues ». Je vous invite à le lire. Evidemment que les pesticides sont des produits dangereux, mais c’est justement pour cela, parce qu’il a existé une époque où ils en ont été les premières victimes en tant qu’utilisateurs, que les agriculteurs savent aujourd’hui adopter le bon comportement dans leurs apports.

Est-il possible de faire en sorte de mieux cloisonner les cultures bios pour les préserver des pesticides ? 

Le problème vient-il de là ? Si nous avons de plus en plus de conversions en bio, c’est aussi à cause de la crise agricole : le bio paye plus. Ou plus exactement, « payait plus », car le gouvernement vient de décider d’arrêter de payer les conversions, après une ardoise laissée par son prédécesseur. Nombre d’agriculteurs ne sachant plus comment à nouveau gagner un salaire avec leur activité se sont convertis en bio. Sur le nombre, comment ne pas envisager qu’il y ait des erreurs ? Tous n’y sont pas venus par vocation, mais déjà pour sauver leur peau... Autre point, « se préserver » des pesticides, cela parait étrange. Il s’agit de la protection, de la santé des plantes. Exactement comme les médicaments pour l’humain : c’est mieux sans, mais c’est parfois obligatoire, et grâce à eux des résultats louables sont obtenus. Qu’ensuite, chaque molécule utilisée soit régulièrement examinée, qu’il y ait des débats au niveau européen (comme actuellement avec le glyphosate) pour apprécier l’exactitude de la dangerosité du produit, c’est heureux. De la même façon que certains médicaments se sont révélés finalement davantage nuisibles que bénéfiques. Mais qui a pensé à interdire tous les médicaments à cause du seul Médiator ? Alors attention aux généralisations, à aucun moment les utilisateurs que sont les agriculteurs n’ont eu la vocation de devenir les empoisonneurs qu’on les accuse d’être bien souvent.

Par conséquent, le bio devra vivre, encore longtemps, avec une agriculture conventionnelle à ses côtés. « Cloisonner », selon votre question, cela parait impossible dans le contexte actuel, sans compter qu’on ne sait pas si ce serait efficace, puisque la cause réelle n’est pas établie. En revanche, rechercher ces causes réelles des incidents (donc en allant au-delà du reportage de France 3) pour pouvoir ensuite les minimiser et prévenir, oui, c’est possible, c’est une question de moyens, donc de volonté politique.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !