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Perturbateurs endocriniens : pourquoi manger une pomme quand vous prenez la pilule contraceptive peut vous mettre en danger de mort
©Allociné

Cocktail toxique

Une nouvelle recherche scientifique vient de prouver que les perturbateurs endocriniens peuvent être extrêmement dangereux pour la santé, et ce malgré leur présence en faible quantité sur un produit. Réunies sur un même objet, deux substances chimiques peuvent voir leurs effets multipliés par 10, 50 ou 100 fois par rapport à leurs seules actions individuelles. Une découverte qui remet en cause les seuils de toxicité en vigueur.

William  Bourguet

William Bourguet

William Bourguet est chercheur Inserm au Centre de biochimie structurale de Montpellier.

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Atlantico : Qu'est-ce qu'un perturbateur endocrinien ?

William Bourguet : Les perturbateurs endocriniens sont des molécules qui vont interagir avec le système hormonal humain et le perturber. C'est en effet un système biologique fragile, finement régulé dans le temps et dans l'espace.

On a découvert l'existence de ces perturbateurs endocriniens il y a une vingtaine d'années. Leur augmentation est liée au développement industriel des sociétés.

Où trouve-t-on principalement des perturbateurs endocriniens ?

On trouve des perturbateurs endocriniens un petit peu partout, au niveau de l'alimentation, du contact avec des contenants alimentaires (que ce soit de l'alimentation solide ou liquide), de l'utilisation de produits ménagers ou encore du contact avec des pesticides.

En quoi les perturbateurs endocriniens sont-ils dangereux pour la santé ?

Ils sont dangereux pour la santé parce qu'ils vont dérégler notre système endocrinien, qui est extrêmement important pour nombre de fonctions physiologiques, en attaquant nos récepteurs hormonaux.

Il existe 48 récepteurs hormonaux chez l'être humain, et ils ont tous des fonctions physiologiques toutes très importantes dans la vie de tous les jours. On aura donc des pathologies différentes en fonction du récepteur qui est ciblé par le perturbateur endocrinien.

Le récepteur des estrogènes est par exemple impliqué dans le développement du cancer du sein. Le récepteur PPARγ , qui lui est impliqué dans tout ce qui est métabolisme, va éventuellement sensibiliser l'organisme à l'accumulation de graisse. C'est pourquoi on pense que les épidémies d'obésité observées en ce moment dans nos pays industrialisés sont peut-être en partie dues à des facteurs environnementaux. Les perturbateurs endocriniens peuvent aussi être responsables de problème de reproduction, de problèmes psychomoteurs, etc...

Les perturbateurs endocriniens sont notamment très dangereux durant la période embryonnaire, quand tout l'organisme se met en place, jusqu'au jeune enfant. Les adultes sont moins susceptibles de contracter des maladies à cause des perturbateurs endocriniens, sauf si on est dans des expositions professionnelles longues à des produits toxiques, comme c'est le cas pour les agriculteurs ou les viticulteurs, par exemple.

Réunies, deux substances chimiques peuvent voir leurs effets multipliés par 10, 50 ou 100 fois par rapport à leurs seules actions individuelles, selon une nouvelle étude du Centre de biochimie structurale et de l'Institut de recherche en cancérologie de Montpellier. Faut-il remettre en cause les seuils de toxicité en vigueur ?

Les industriels s'arrangent pour que les résidus toxiques de leurs produits soient émis en faible quantité. Pour un adulte, le fait de manger une pomme avec un petit peu de pesticides dessus ne sera pas très grave pour la santé, sauf si les pesticides sont associés à une autre molécule avec la même pomme, ce qui est possible si la personne en question est une femme qui prend la pilule contraceptive par exemple. Certaines combinaisons de molécules comme celle-ci peuvent accroître de manière spectaculaire la toxicité des produits.

Pour l'expérience, on a pris 40 molécules présentes dans l'environnement, avec une diversité chimique large (médicaments, composés qui sont dans des plastiques…), puis on les a mélangées et on s'est rendu compte que certaines combinaisons de molécules étaient très activent sur un récepteur d’hormone, et surtout beaucoup plus que chacun des composés pris individuellement.

Cette étude remet donc en cause le seuil de toxicité des produits. C'est vrai qu'au cours de l'expérience, on n'a trouvé que deux molécules sur quarante qui sont en synergie, donc toxiques, mais si on considère qu'on a 150 000 molécules industrielles utilisées par les hommes actuellement, ça permet beaucoup de combinaisons synergiques potentiellement dangereuses pour la santé. Le problème de la règlementation va donc se poser, ainsi que la façon dont on teste les composés.

Face à l'ampleur de la tâche pour tester les mélanges de milliers de produits chimiques, comment s'y prendre pour limiter l'impact des perturbateurs endocriniens sur la santé ?

On peut lutter contre les perturbateurs endocriniens à deux niveaux.

D'abord, au niveau personnel, en essayant de consommer des produits qui sont le moins traités possibles, en évitant les contenants plastiques et en utilisant des produits qui sont les plus simples possibles. Quand on prend des lotions pour bébé par exemple, autant prendre un produit sans parfum. Ce sont des choses inutiles qui rajoutent encore à la complexité du produit et éventuellement des interactions possiblement toxiques entre les différentes molécules. 

Après, au niveau gouvernemental, il faudrait accroître les financements des programmes de recherche sur l’identification des perturbateurs endocriniens, leur dangerosité et leurs mécanismes d’action. Pour le moment, sur les 150 000 molécules qui nous entourent, seules 15% ont été identifiées et éventuellement interdites pour certaines. 

Et la recherche ne s'arrête pas là. Une fois qu'une molécule est repérée comme dangereuse, il faut développer des produits de substitution afin de la retirer de la consommation. On peut aussi envisager de modifier physiquement la molécule, pour dissocier ses propriétés industrielles et ses propriétés hormonales indésirables.

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