Père de la nation : la dernière stratégie de François Hollande peut-elle faire oublier le front de l’économie aux Français ? <!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande a réagi au crash du vol AH5017 d'Air Algérie.
François Hollande a réagi au crash du vol AH5017 d'Air Algérie.
©Reuters

Petit père du peuple

Dans un contexte où les Français attendent des résultats aux problèmes de déficits publics et de chômage, le chef de l’État réoriente toute son attention vers le crash du vol Air Algérie... Une posture de père de la Nation que François Hollande maitrise, mais qui ne fait que reporter à plus tard les vrais enjeux du pays.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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François-Xavier Bourmaud

François-Xavier Bourmaud

François-Xavier Bourmaud est reporter et journaliste politique au Figaro. Il suit notamment l'action de l'Elysée, de Matignon, et de la majorité présidentielle, et est l'auteur de PS : La bataille des egos et de Emmanuel Macron, le banquier qui voulait être roi aux éditions de l'Archipel.

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Atlantico : Le crash survenu le 24 juillet et dans lequel ont péri 54 ressortissants français a suscité une très forte mobilisation du Président de la République. Après avoir annulé ses déplacements, François Hollande a mobilisé toute son énergie, ainsi que celles de six de ses ministres pour gérer la situation. Le Président pourra-t-il utiliser cet évènement pour incarner le "père de la Nation" aux yeux des Français ?

François-Xavier Bourmaud : En tout cas il essaye. C’est un registre sur lequel il est très bon. Il est toujours difficile de le critiquer sur ce sujet car il aborde l’unité nationale et provoque donc une émotion collective. En revanche, la question de savoir si cela peut se traduire en popularité est une question dont la réponse n'est pas du tout évidente. Les français sont en vacances, et ils n’ont pas nécessairement envie de s’intéresser de trop près à des drames comme celui-là. A mon avis, le seul bénéfice sur lequel il peut vraiment compter, c’est d'éviter les critiques sur un non-positionnement. Tout ce qui touche aux commémorations est généralement favorable à un président. Lors de la commémoration du 70ème anniversaire du débarquement en Normandie, François Hollande a su tirer avantage de la situation, et le fait d’avoir été présent aux côtés de Barack Obama et de Vladimir Poutine lui a sans doute permis cette bonne impression.

On lui reproche souvent de ne pas s’habiller du costume de président, mais sur ces thèmes là il y arrive. Le fait d’envoyer nos troupes au Mali rappelle à ceux qui doutaient de sa position qu’il est bien le chef des Armées, ce qui est une des prérogatives du président.

Jérôme Fourquet : Premièrement, on peut penser que la mobilisation et la forte implication de l’exécutif sur ce dossier n’a pas eu comme motivation unique et opportuniste de retrouver une côte de popularité. Quand les autorités françaises ont appris qu’un avion ne donnait plus de signe de vie sur les radars, plusieurs heures se sont écoulées avant qu’on puisse statuer sur les scénarii les plus probables, et notamment sur la piste de l’attentat. La réaction n' pas tardée, mais elle a été mesurée.

On peut également comprendre que les six ministres et le Président aient pris le sujet à bras le corps, puisque François Hollande est l’initiateur de l’action militaire contre les djihadistes de la région. Maintenant, et dans un second temps, la communication doit jouer son rôle, et évidemment la position consensuelle du "père de la nation" peut être endossée dans ce type de situation. D’autres présidents de la république y ont eu recours pas le passé, mais il faut rester lucide sur le fait que si ces gestes peuvent être appréciés, on attend effectivement de la part du Président de la République et de ses proches collaborateurs qu’ils se comportent en homme d’état. Maintenant, et comme pour l’envoi de troupes au Mali où on avait pu accuser le Président de vouloir s’habiller de l’habit du chef des armées, le gain en termes de popularité ne sera pas forcément significatif. Quand François Hollande avait endossé la stature du Président de tous les français en montrant le pays comme la "puissance invitante" lors du 70ème anniversaire du débarquement de Normandie, la situation lui avait plutôt réussie. Mais quand on regarde le baromètre, le gain a encore une fois été faible. D’autant que très rapidement, les affaires courantes et le réel, comme la croissance qui n’est pas là ou le chômage qui demeure élevé malgré toutes les promesses qui ont été faîtes vont revenir assez vite.

Alors que l’accident, aussi tragique soit-il, ne concerne qu’une minorité de français, quelles sont ses chances de gagner effectivement en popularité, voire en stature ? Que peut-il y perdre ?

François-Xavier Bourmaud : Je poserai plutôt la question dans l’autre sens : Qu’a-t-il à perdre à ne pas prendre le sujet au sérieux ? S’il avait laissé ses ministres s’en occuper, on lui aurait très certainement reproché. Toute proportion gardée, on a pu voir lors de la canicule de 2003 par exemple que l’exécutif était passé à côté d’une crise majeure. Etant sur-présent, François Hollande évite ce risque là. D’ailleurs sa position n’offre pas beaucoup d’angle d’attaque, même du côté de l’opposition elle ne fait quasiment pas réagir.

Cette stratégie pourrait-elle augmenter la fracture des français sur les vrais sujets qui les concernent ?

François-Xavier Bourmaud : Pour le coup, cela ne dépend plus tant de François Hollande que de Manuel Valls. Depuis la nomination de ce dernier, le président joue la carte de la Vème république : il donne les grandes lignes de la politique qui doit être menée, ce qu’applique le Premier ministre. De toute manière, les français lui reprochent depuis le début de son quinquennat de ne pas être suffisamment présent sur le plan économique. D’ailleurs, dans un sondage récent (voir ici), on a pu voir que Manuel Valls commence à perdre en popularité, comme si on assistait à un rééquilibrage.

Jérôme Fourquet : Le rythme important de l’actualité l’obligera de toute manière à changer de discours dans les prochains jours. Il y a sans doute des moments où le dossier remontera en haut de la pile, avec l’analyse du contenu des boîtes noires par exemple. Mais la communication gouvernementale devra se caller sur les Unes des médias et l'obligera donc à changer de registre.

Quels sont les vrais sujets qui concernent les français ?

Jérôme Fourquet : Les français sont polarisés autour des questions socio-économique. Même avec l'été, les déficits publics qui ne sont pas tenus restent en suspens dans l'esprit des français. Il faut ajouter à cela les négociations ardues qui sont attendues avec nos partenaires européens concernant les délais supplémentaire de réduction des déficits. Le réel dont je parlais tout à l'heure, c’est également les violences impressionnantes dans les rues de la capitale à cause de l’importation du conflit Israélo-palestinien.

Mais de là à dire que les français verront un moyen de se détourner des vrais problèmes des français est une autre question. Bien évidemment, il sera rattrapé par la réalité économique du pays comme le chômage et la croissance en berne. Mais le gouvernement n’a pas pour autant délaissé les autres affaires. Je pense notamment au conflit Israélo-palestinien, où on a vu que Laurent Fabius s’était déplacé en Egypte pour l’occasion par exemple. Et sur "l’importation" de ce conflit dans notre pays, Manuel Valls et Cazeneuve ont aussi été en première ligne avec les interdictions de manifestation.

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