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Pénalisation de la prostitution : et les bordels, bordel !
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Éditorial

La proposition de loi socialiste visant à sanctionner les clients de prostituées sera votée le 4 décembre à l’Assemblée nationale en première lecture.

Yves Derai

Yves Derai

Yves Derai est éditorialiste à Atlantico. Chaque semaine, il écarte les lourds rideaux de velours des palais de la République pour nous en révéler les secrets.

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Après le mariage pour tous, la pénalisation pour tous des clients de prostituées. 1500 euros d’amende lorsqu’on est pris en flagrant délit, c’est ce que prévoit le texte qui sera examiné demain par les députés. Les mauvaises langues diront que dans l’espoir de masquer son impuissance à relancer l’économie et réduire le chômage, le pouvoir actuel occupe l’espace médiatique et politique avec des débats de société détonants, agissant sur des ressorts qui ne déçoivent jamais ceux qui les actionnent : la morale, la religion, le sexe. Quoiqu’il en soit, nous y sommes puisque la loi sera votée - a priori, à une large majorité - le 4 décembre à l’Assemblée en première lecture.

L’idée des thuriféraires de la pénalisation des clients est la suivante : en menaçant de punir ces horribles consommateurs de chair humaine, on va raréfier la demande, donc réduire l’offre et ainsi faire reculer la prostitution dans notre pays. Et, de facto, la violence contre les femmes. Un syllogisme rabâché sur toutes les antennes ces derniers jours. Depuis les années 20/30 et la prohibition des boissons alcoolisées au Etats-Unis, on sait qu’il ne suffit pas d’interdire pour anéantir. L’exemple de la Suède, seul pays à avoir décidé de sanctionner les acheteurs de sexe, brandi comme LE modèle, n’est guère concluant. Si la prostitution de rue y a diminué de 50%, la prostitution cachée, dans les hôtels, les appartements, via Internet, y a progressé, et le proxénétisme, loin d’avoir disparu, s’est trouvé renforcé par cette mesure selon un rapport de la police suédoise !

Je n’entrerai pas ici dans le débat qui oppose ceux qui pensent qu’un homme et une femme ont le droit de se prostituer au nom de la liberté de chacun à disposer de son corps à celles (il s’agit plutôt de militantes féministes) qui estiment que faire commerce de son corps relève de l’aliénation, voire d’une forme d’esclavage. Beaucoup de choses sont dites par les unes et les autres et, au fond, je comprends que sur cette question, l’on puisse être sensible aux arguments des "prostitutionnistes" comme des "abolitionnistes". Mais il me paraît, de toute façon, irréaliste de croire qu’une loi abolira la prostitution comme on a aboli la peine de mort. Il y aura toujours des femmes et des hommes qui voudront vendre leurs charmes et d’autres pour se les offrir. Ce qui est certain, en revanche, c’est que la pénalisation entrainera la dissimulation de cette activité, la consolidation des gangs qui l’exploitent et la fragilisation de celles et ceux qui la pratiquent (santé, sécurité, rémunération, etc). 

La création d’entreprises encadrées par la puissance publique, dans des lieux surveillés, soumises à des règles strictes, où des prostituées volontaires pratiqueraient "le plus vieux métier du monde" est une voie qui mériterait d’être explorée. Dans certains pays où ces maisons pas si closes ont été autorisées ou tolérées, comme la Suisse et la Belgique, la situation des prostituées s’est améliorée. Certes, tout n’est pas parfait. Certains tenanciers de ces bordels légaux abusent de leur personnel. Mais ils risquent gros car les femmes qui travaillent dans ces établissements payent leurs impôts et leurs cotisations sociales, ont un statut et des droits. En outre, il n’est pas interdit d’espérer que la France, forte de ces expériences à demi réussies, saurait mieux faire dans ce domaine que nos voisins européens.

Quand on se bat pour des principes, il en est un qu’il vaut mieux ne pas oublier : le principe de réalité.

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