Pécresse / Zemmour / Le Pen : radioscopie des lignes de front de la droite à la veille de la trêve des confiseurs<!-- --> | Atlantico.fr
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Eric Zemmour devant ses partisans lors d'une visite de campagne à Husseren-les-Chateaux, le 18 décembre 2021.
Eric Zemmour devant ses partisans lors d'une visite de campagne à Husseren-les-Chateaux, le 18 décembre 2021.
©SEBASTIEN BOZON / AFP

Guerre des braves

Les rapports de force entre candidats de la droite et de l’extrême-droite ont été impactés par une certaine volatilité, ou porosité, des électorats depuis septembre. Qu’en est-il une fois la poussière retombée ?

Bruno Jeanbart

Bruno Jeanbart

Bruno Jeanbart est le Directeur Général adjoint de l'institut de sondage Opinionway. Il est l'auteur de "La Présidence anormale – Aux racines de l’élection d’Emmanuel Macron", mars 2018, éditions Cent Mille Milliards / Descartes & Cie.

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Atlantico : En juillet, Eric Zemmour était testé à 5%, début septembre il a bondi à 10 puis, début octobre, il était donné au second tour devant Marine Le Pen et le candidat LR alors non déterminé. Puis il a perdu de la vitesse, repassant derrière le RN. Le Congrès de LR a désigné Valérie Pécresse comme candidate pour la présidentielle, la faisant bondir dans les sondages, certains la voyant même gagnante au second tour. Derrière la valse des chiffres, quels ont été concrètement les mouvements de l’électorat depuis septembre ?

Bruno Jeanbart : La première chose qu'il convient de signaler c'est que derrière cette vague des chiffres, comme vous dites, on constate certaines constantes dans les résultats des intentions de vote depuis le mois de septembre. La première constante, c'est la stabilité des intentions de vote d'Emmanuel Macron, qui demeure en tête avec 24% dans notre dernière enquête OpinionWay pour les Échos, Radio Classique et CNews.  Quelle que soit l'évolution de l'offre électorale au premier tour, le score du Président ne varie pas et cette stabilité constitue une grande interrogation à l'orée de cette campagne : signifie-t-elle que la base électorale de premier tour du sortant est insubmersible, ou au contraire est-ce le signe d’une fragilité plus forte qu’il n’y parait du Président, à travers son incapacité à progresser lorsque ses adversaires ont du mal à s’imposer dans la durée.

La seconde constante, c'est la faiblesse persistante de la gauche dont aucun des candidats dans cette dernière enquête ne dépasserait 10% et qui atteint péniblement avec 7 candidats un total de 28%, ce qui au-delà de sa division montre la faiblesse de ce camp à quatre mois du scrutin.

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Mais le plus grand enseignement probablement de ces résultats depuis septembre c'est la fragilité encore inattendue de Marine Le Pen et du Rassemblement National. Marine Le Pen subit en permanence l'offre électorale dans cette campagne : lorsque Éric Zemmour apparaît au mois de septembre, elle perd 3 points et voit un candidat affaiblir son avance dans la perspective de l’accession au second tour. Lorsque Valérie Pécresse est désignée au mois de décembre, elle en perd 4 et se retrouve au coude à coude avec elle (17% pour la candidate LR, 16% pour Marine Le Pen). Pour retrouver un score de 16% pour Marine Le Pen dans une intention de vote présidentielle chez OpinionWay, il faut remonter à avril 2012 soit il y a près de 10 ans. Cela confirme une donnée que nous enregistrons depuis deux ans, vague après vague, dans notre enquête pour la Fondation pour l’innovation politique : près d’un  électeur sur deux de Le Pen en 2017 (45%) souhaitent que le Rassemblement National présente un autre candidat qu’elle pour cette présidentielle. Et ne l'oublions pas, les résultats des régionales en avril dernier furent très décevant pour le parti d'extrême droite, qui n'avait pas réussi à mobiliser ses électeurs.

Comment analyser la volatilité, ou en tout cas la mobilité, de l’électorat de droite sur la période ?  Ces fluctuations témoignent-elles d’une certaine continuité de l’électorat, du centre droit à la droite de la droite, et une porosité entre les lignes ?

Cette volatilité, c'est donc d'abord le signe de la faiblesse du Rassemblement national et de Marine Le Pen. L’électorat de droite dans son ensemble ne croit pas à sa victoire face à Emmanuel Macron et dès lors s'installe l’idée que pour battre le Président sortant, il faudrait trouver une alternative à cette candidature. C'est avant tout dans cette optique qu'il faut analyser la montée de Zemmour en septembre puis celle de Valérie Pécresse en décembre. Pour autant la porosité est loin d'être totale entre ces différents électorats et on ne voit pas pour le moment de transfert massif des électeurs Le Pen vers Valérie Pécresse comme candidate capable de provoquer l'alternance à Emmanuel Macron. Si sur des thématiques comme l'insécurité et l'immigration il n'y a guère de différence de perception entre les électorats de droite traditionnelle et celui d'extrême droite,  certains clivages, notamment sur le rapport à l’Union Européenne, restent fort. Aujourd'hui Valérie Pécresse reste très faible dans ses intentions de vote auprès de l'électorat populaire, dont elle aura besoin en partie pour consolider sa position et pouvoir concurrencer Marine Le Pen sur la durée dans cette campagne. Dans un second tour entre la candidate LR et Emmanuel Macron, pour le moment, plus de 60% des électeurs de Marine Le Pen refusent de choisir entre les deux finalistes, preuve que la fracture demeure réelle.  Toute la question est de savoir si dans cet électorat l'envie de revenir au pouvoir 10 ans après la défaite de Nicolas Sarkozy sera suffisamment forte pour faire de la défaite d'Emmanuel Macron le moteur principal du choix les 10 et 24 avril prochain.

La « trêve des confiseurs » va débuter et les choses vont se stabiliser, quels sont les rapports de force actuels à droite ? Cela laisse-t-il présager du futur ? 

Aujourd'hui très clairement la droite radicale pèse 30% quand la droite LR ne pèse que 17%. L’avantage est donc nettement en faveur de la première mais ce camp est divisé par 2 fortes candidatures, ce qui n'était jamais arrivé jusqu'à présent en dépit des candidatures dissidente comme celle de Bruno Mégret en 2002. Cette situation plus la dynamique enregistrée par Valérie Pécresse à l'issue du congrès LR et de sa désignation rebat clairement les cartes et rend plus que jamais incertaine l'identité du duel final le 24 avril. Tout cela ne l'oublions pas se situe dans un contexte de crise pandémique qui rajoute à l'incertitude politique une incertitude sanitaire, notamment sur le taux de participation à cette élection, comme nous l’avons vu depuis 2020. Or celui-ci est très important pour Marine Le Pen car compte tenu de la sociologie de son électorat, elle souffrira toujours plus que la candidates et LR d'une faible mobilisation. Ne négligeons pas cependant la capacité de rebond de la candidate du Rassemblement national qui a l'expérience d'avoir déjà mené deux fois une campagne présidentielle quand ce sera une première pour Valérie Pécresse. Pour cette dernière, il est très important qu'à l'issue des fêtes de fin d'année, début janvier, elle entame la campagne dans la même situation qu'aujourd'hui, à savoir dans une position susceptible de la voir se qualifier au 2nd tour. Si telle est le cas, tout devient possible pour elle. Quant à Éric Zemmour sa situation semble plus compliquée : il a passé son momentum sans faire la différence et voit désormais l’attention se porter davantage sur ses concurrents. Il souffre à la fois de la résistance de Marine Le Pen mais aussi de l'émergence de Valérie Pécresse qui ne fait plus de lui la seule alternative à la candidate du Rassemblement National.

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