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Pays émergents :  la crise qui émerge... et les dangers qui l’accompagne
©FRED DUFOUR / AFP

OCDE

Après la Turquie et l'Argentine, cela est au tour de l'Indonésie, de l'Afrique du Sud, et de la Chine d'être confrontée à une crise qui est en cours de propagation. Une nouvelle menace qui plane sur une économie française déjà en cours de ralentissement.

Philippe Waechter

Philippe Waechter

Philippe Waechter est directeur des études économiques chez Natixis Asset Management.

Ses thèmes de prédilection sont l'analyse du cycle économique, le comportement des banques centrales, l'emploi, et le marché des changes et des flux internationaux de capitaux.

Il est l'auteur de "Subprime, la faillite mondiale ? Cette crise financière qui va changer votre vie(Editions Alphée, 2008).

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Atlantico : Après la Turquie ou l'Argentine, ce sont désormais des pays comme l’Indonésie, la Chine ou l'Afrique du Sud qui semblent affectés par ce nouvel épisode d'une "crise des pays émergents" qui prend forme. Quels sont les facteurs actuellement à l'œuvre qui permettent la propagation actuelle de cette crise ? 

Philippe Waechter : La fragilité des pays émergents démarre à la mi-avril 2018 avec le changement des anticipations sur la politique monétaire US. Désormais, pour éviter de trop importants déséquilibres provoqués par la politique budgétaire expansionniste de la Maison Blanche, la Fed est obligée d'être plus restrictive. La combinaison de politiques monétaire et budgétaire expansionnistes aux USA est compatible avec une économie en récession, pas avec une économie au-delà du plein emploi. C'est pour cela que la Fed doit être plus restrictive et plus active que sous l'ère Yellen.

La conséquence est l'attente de taux courts plus élevés aux USA et un dollar plus fort. Cela se traduit par une baisse des autres monnaies. Pour la zone euro ce n'est pas gênant et même plutôt positif pour la compétitivité prix. Pour les émergents la dépréciation de leur monnaie s'accompagne de sorties de capitaux. Jusqu'alors la configuration était très favorable aux marchés de la dette émergente. Les taux US étant bas et stables, les investisseurs pouvaient investir dans la dette émergente et encaisser l'écart de rendement avec le taux américain.

Avec la remontée des taux court US cette stratégie n'est plus aussi rentable. Historiquement, l'attente d'un durcissement de la politique monétaire US se traduit toujours par un rapatriement de capitaux des émergents vers les US. L'épisode actuel n'échappe pas à cette régularité. Cela accentue la hausse du dollar et réduit la liquidité des pays émergents. Cette situation est contraignante car l'absence de liquidité provoque une hausse de taux d'intérêt. Le niveau de ces derniers n'est plus du tout une source de rendement supplémentaire mais reflète un risque fort que les investisseurs ne veulent plus prendre.

Pour les pays ayant un déficit fort de leur compte courant et un endettement élevé en dollar, la situation est vite devenue intenable. La Turquie, l'Argentine ou encore l'Afrique du sud et quelques autres se sont donc retrouvées au centre d'un véritable cyclone mais chacun pour des raisons différentes. Il n'y a pas eu franchement de contagion mais avant tout un changement de l'équilibre global qui a obligé à reconsidérer la situation de chaque pays émergent.

Quels sont les risques de voir le phénomène prendre de l'ampleur ? La trajectoire en cours peut-elle être corrigée avant une forte dégradation de la conjoncture mondiale ? 

Pour l'instant l'activité reste plutôt robuste et cela limite les risques de propagation. Les pays d'Asie notamment tiennent le choc et c'est un signal fort. En revanche pour les pays qui connaissent un fort endettement en dollar les indicateurs d'activité (enquêtesauprès des chefs d'entreprise du type Markit) s'effondrent. C'est le cas de la Turquie ou de l'Afrique du sud (il n'y a pas ces enquêtes en Argentine).  Cela va provoquer des ajustements macroéconomiques forts et pénaliser la dynamique de chacun de ces pays. Le risque est de modifier en profondeur les anticipations et les comportements.

Par ailleurs et jusqu'à présent les pays développés vont plutôt bien et sont pour l'ensemble de ces pays une source de stabilité. C'est aussi le rôle de la Chine qui continue d'avoir une croissance solide. Il ne faudrait pas qu'un choc négatif sur l'activité affecte ces pays. Ce serait dramatique pour les émergents pour qui les pays développés sont des marchés d'exportation très importants. Leur activité alors ralentirait vivement alors que les conditions financières seraient dégradées. Ce serait un risque de récession fort et une spirale négative de l'activité.

Quels sont les risques de voir cette crise en formation venir toucher un marché européen et français déjà confronté à un ralentissement économique en comparaison de l'année 2017 ? L'anxiété est-elle de retour sur le continent européen comme semble le montrer les derniers indices PMI qui indiquent un tassement de la confiance des entreprises pour les prochains mois ? 

Ces situations ne sont pas défavorables aux pays développés. Les capitaux s'y réfugient et la concurrence s'y fait moins forte en cas de crise dans les émergents. En moyenne de 1998 à 2000, la croissance de la zone Euro a été de 3.2% et celle de la France de 3.7%. Pourtant la crise en Asie battait son plein. Il faut bien séparer le risque spécifique à la dynamique européenne et sa croissance potentielle qui s'est réduite et un éventuel effet de contagion qui ne s'est pas révélé très fort par le passé.

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