Patrick Martin, le nouveau président du Medef, découvre qu'Emmanuel Macron est moins libéral qu'il ne le pensait<!-- --> | Atlantico.fr
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Patrick Martin est à la tête du Medef depuis le 6 juillet 2023.
Patrick Martin est à la tête du Medef depuis le 6 juillet 2023.
©Emmanuel Dunand / AFP

Atlantico Business

Le nouveau président du Medef a dû surprendre quelques-uns de ses pairs en lâchant quelques critiques à l'encontre de certaines décisions du président Emmanuel Macron. Un discours qui préfigure un dialogue certainement beaucoup moins cordial qu'il ne l'était avec son prédécesseur, Geoffroy Roux de Bézieux.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Cela s'est passé cette semaine, un matin dans Les Échos et sur BFM Business en fin d'après-midi. Le monde des affaires ne pouvait pas manquer la première sortie publique du nouveau président du Medef, Patrick Martin, parce que ses propos tranchaient singulièrement avec le politiquement correct qu'il avait pratiqué lors de sa prise de fonction aux universités d'été à Longchamp.

En bref, le président du Medef s'inquiète de l'interventionnisme grandissant du gouvernement dans pratiquement tous les domaines économiques et sociaux. Dans la lutte contre l'inflation, il pointe les demandes incessantes faites aux producteurs, distributeurs et autres intermédiaires pour qu'ils modèrent leurs marges et donc les prix, quand la première ministre ne va pas jusqu'à leur demander de vendre à perte. Pour la majorité des entreprises, cela aurait été une hérésie contre nature. La mesure extrême a été abandonnée.

Mais ce n'est pas tout, Patrick Martin qui se félicitait de la politique d'offre, dénonce désormais des coups de canif à la promesse. Cela va du retard à l'allumage concernant la suppression des  impôts de production à la majoration de taxes à la mobilité. Tout cela va évidemment alourdir le coût du travail.

Mais visiblement, le plus inquiétant se cache dans les méandres du paritarisme social. Quand le gouvernement se prépare à intervenir dans la négociation sur l'Unedic ou alors réfléchit à siphonner les excédents de l'Agirc-Arco, Patrick Martin ne parle pas de racket ou de casse du siècle. Il reste trop poli, mais il considère que de telles pratiques seraient fatales au paritarisme social en France. Un paritarisme qui en a déjà pris un coup avec la réforme des retraites.

Pour terminer, le nouveau président du Medef ne rentre pas dans le détail du dossier qui risque fort d'être le plus lourd au cours des 20 prochaines années : la programmation écologique, en d'autres termes, la décarbonation de tout le système économique, son prix exorbitant et les moyens de financement qui n'existent pas clairement.

Le milieu des chefs d'entreprise craint très fort que dans cette révolution verte, le chef de l'État suggère à son gouvernement des normes et des obligations en demandant aux entreprises de trouver les financements nécessaires. Lesquelles entreprises savent bien qu'il leur faut dégager de la productivité, sinon, on retrouvera le coût du verdissement dans les prix au consommateur et, par conséquent, dans l'inflation. On est là au départ d'une grande inconnue qui va occuper toute une génération d'entrepreneurs.

Patrick Martin essaie de ne pas polémiquer comme aiment le faire les hommes politiques, mais il est obligé de reconnaître que le président de la République s'avère beaucoup moins libéral que lors de son premier quinquennat, même si les réformes qui ont été appliquées ont produit des effets bénéfiques, notamment celle concernant la baisse des impôts d'entreprises.

Il comprend mal (ou alors il fait semblant de ne pas comprendre) pourquoi Emmanuel Macron ne poursuit pas sa politique de l'offre. Certains expliquent que la conjoncture internationale n'est pas brillante, que notre partenaire et premier client, l'Allemagne, est en récession pour cause de coupure de gaz, et que les marges budgétaires sont tellement étroites que la gouvernance est contrainte à la prudence. Sans doute ont-ils raison, mais cela n'explique pas qu'Emmanuel Macron tourne le dos au libéralisme. La France ne coche que très peu de cases qui feraient d'elle un État libéral. Un État libéral, c'est un État où il y aurait moins d'État justement. Or, l'État n'est jamais intervenu autant dans le jeu des acteurs économiques qu'aujourd'hui. Encore un effort, mais la France économique va se retrouver complètement administrée.Si encore elle était bien administrée, mais les services administratifs ne fonctionnent pas à la hauteur de ce qu'ils coûtent. Tant d'impôts, de taxes et de cotisations sociales pour un résultat aussi médiocre dans l'éducation nationale, la santé, la gestion de l'ordre public, la justice, les collectivités locales... Tant d'impôts et continuer d'emprunter autant (3000 milliards de dettes)... Tant d'argent et en avoir si peu pour investir dans l'avenir.

Un État libéral, c'est aussi un État qui protège et travaille avec des contrepouvoirs. Or la France, qui avait la chance d'avoir un système social fondé sur le paritarisme, est en train de le perdre. Tout se passe comme si l'État gourmand voulait évincer les partenaires sociaux, y compris les plus responsables comme la CFDT, pour tout récupérer.

Enfin, un État libéral, c'est un État qui dépense moins en fonctionnement et plus en investissement. Un État libéral, c'est un État qui fait confiance au privé et aux vertus de la concurrence pour générer du progrès et de la prospérité économique. La France, start-up nation avec ses technologies et ses innovations, avait besoin d'un environnement dynamique. Les milieux d'affaires ont pensé qu'ils pouvaient l'espérer, y compris pendant le Covid où les entreprises ont été mobilisées avec intelligence et où le "combien ça coûte" a été géré comme un investissement, ce qui a permis de protéger tous les actifs et de rebondir.

Mais force est de constater que depuis la guerre en Ukraine, la gouvernance française a été fragilisée, donc elle se rétracte sur elle-même. Plus d'État, plus d'interventionnisme, plus de dépenses publiques, plus d’endettement...

Patrick Martin, à l'écoute de ses adhérents, reconnaît que l'activité se tient plutôt bien, mais il a aussi constaté que l'avenir n'est pas assuré et que l'horizon n'est pas clair. Il ne rentre pas pour autant dans le jeu et la polémique politique. Ce n'est ni son métier, ni son envie.

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