Paris : Poubelles, Trottinettes et Idéologie<!-- --> | Atlantico.fr
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A Paris, les éboueurs font grève depuis une dizaine de jours.
A Paris, les éboueurs font grève depuis une dizaine de jours.
©ALAIN JOCARD / AFP

Réforme des retraites

La Ville de Paris comprend, voire soutient, la grève des éboueurs de la municipalité.

Sylvain Kahn

Sylvain Kahn

Professeur agrégé à Sciences Po, où il enseigne les questions européennes et l’espace mondial. Sylvain Kahn est professeur agrégé au sein du département d’histoire à Sciences Po. Depuis 2001, il enseigne les questions européennes. Docteur en géographie et diplômé de géopolitique, agrégé d'histoire, normalien et chercheur au centre d’histoire de Sciences Po, il a publié aux PUF Histoire de l’Europe depuis 1945 ; Le pays des Européens avec Jacques Lévy chez Odile Jacob ; Géopolitique de l’union européenne et Dictionnaire critique de l’Union européenne, chez A. Colin ; et Les universités sont-elles solubles dans la mondialisation ? chez Hachette. Il est le responsable et le co-auteur du mooc Géopolitique de l’Europe, diffusé en ligne en français et en anglais sur les plates-formes Coursera et Fun. Chercheur au centre d’histoire de Sciences Po, ses travaux portent principalement sur deux sujets : la place et le rôle de l’Etat-nation dans la construction européenne ; la caractérisation de la territorialité de l’Union européenne.

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En tant qu'employeur et parlant au nom de ses administrés, la Ville de Paris pourrait afficher une neutralité. Cette position politique est donc de facto un élément de politique publique de la municipalité. Elle n'est pas cohérente avec le projet d'extinction des flottes de trottinettes en libre service qui occupe, via l'affichage municipal et les déclarations publiques, l'espace politique parisien du moment. 

Si on comprend bien, la Ville propose en même temps : la réduction maximale de l'espace dédié à la circulation motorisée (depuis plusieurs années) ; le projet d'interdiction des trottinettes et par voie de conséquence d'extinction des flottes de vélos électriques des entreprises de trottinettes (depuis le début de cette année) ; et le soutien à la grève du ramassage des ordures (depuis une semaine) . Avec ce "en même temps" ci, la Ville donne le sentiment non de faire de la politique (l'art du possible ; le mieux est l'ennemi du bien), mais de faire de l'idéologie (le bien est l'ennemi du mieux, la représentation du bien fait écran au réel et au fonctionnement concret de la société).

En effet, dans la mesure où le nouveau concessionnaire de la seconde génération de Vélib n'est toujours pas parvenu à répondre à la demande (ni en qualité, ni en quantité - or, cela fait cinq ans, voire six, n'est ce pas ?), les flottes en libre service sont un complément nécessaire au programme parisien de promotion des mobilités alternatives. 

En supprimant les trottinettes et, très probablement, les vélos proposés par les entreprises de trottinettes en libre service, la Ville va faire muter Vélib de service médiocre et insuffisant en Vélib service déficient, débordé et inapte. 

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Si la Mairie prend l'option de soutenir la grève de ses propres services de ramassage des ordures au nom de la qualité du service via la qualité du travail qui produit ce service, elle devrait reconnaître que les trottinettes et les vélos en flotte libre service rendent un service de qualité et utile à l'objectif d’intérêt général - mobilité douce et alternative ; lutte contre le CO2. Et que les problèmes générés par cette mobilité peuvent faire l'objet de solutions autres que l'extinction pure et simple. 

Rendre la vie très compliquée à la circulation motorisée génère des difficultés, mais c'est un choix fort. Rendre la vie très compliquée en même temps à la circulation motorisée ET à la circulation non motorisée et douce, c'est un choix contradictoire, fonctionnellement et électoralement. Où est la cohérence et la lisibilité de l'association de ces deux choix politiques ?  Leur point commun, le seul, hélas je n'en vois pas d'autre, est : l'interdiction, la punition, la limitation, la contrainte. 

Ce double choix sur les mobilités serait soutenable et non contradictoire si l'offre de Vélib était irréprochable en qualité et en quantité ; si la circulation des bus n'était pas extrêmement lente ; si les métros et les RER n'étaient pas bondés à toute heure ; si, en attendant que ceci se fluidifie, les VTC et les taxis n'étaient pas extrêmement lents en circulant. Dans ces conditions, priver les Parisiennes et Parisiens d’une offre fonctionnelle de mobilités alternatives témoigne que l’idéologie prévaut sur la politique à la Ville de Paris.

Le double choix de l’interdiction des trottinettes et du soutien à la grève des éboueurs témoigne lui d’un pilotage de l’action municipale par la satisfaction ponctuelle d’intérêts particuliers et catégoriels.

Le tout décrédibilise la volonté de la Mairie de Paris à mettre en œuvre un projet de société d’intérêt général. Anne Hidalgo et sa coalition doivent pourtant leur talentueuse réélection de 2021 à la capacité qui fut la leur d’incarner un tel projet.

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