Paradis fiscaux ou le championnat du monde des faux-cul <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Paradis fiscaux ou le championnat du monde des faux-cul
©

Hypocrisie

La révélation de l'existence d’un vaste système de sociétés off-shore sème la consternation dans l'opinion mondiale... et il y a de quoi !

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

La révélation de l'existence d’un vaste système de sociétés off-shore installées dans les paradis fiscaux a semé la consternation dans l'opinion publique internationale. Toutes les grandes démocraties sont touchées et le premier effet d’un tel scandale va être de renforcer les courants populistes qui se nourrissent du comportement immoral des élites. Donald Trump va encore gagner des voix.

Le « tous pourris » grimpe à la bourse politique depuis 24 heures et cela n'est pas étonnant.

Mais le plus grave dans cette affaire, paradoxalement, n'est pas d'apprendre que certains « people » dissimulent de l'argent dans des paradis fiscaux, car cela, on s’en doutait un peu … le plus grave n'est même pas d'apprendre qu’il existe des paradis fiscaux.

Non, le plus grave, c’est que les grandes démocraties soient incapables d'éradiquer le mal. Le plus grave c’est qu’elles connaissent le phénomène … Le plus grave, enfin c’est sans doute que les grandes démocraties du monde protègent ce système, sans le reconnaître et sans l’assumer parce que cela leur rend service. 

Depuis que le monde est mondé, il y a toujours eu sur la planète, des lieux plus ensoleillés que d’autres, des endroits où il fait mieux vivre qu’ailleurs. Il y a toujours eu des îles, ou des plages, fréquentées par les gens riches et biens portants. C’est bizarre !

Depuis que le monde est mondé, les gouvernements ont pourchassé certains points de fixation des inégalités, mais en ont laissé prospérer d’autres. 

Aujourd’hui, alors que quelques paradis fiscaux, un peu trop voyants, ont été obligés de baisser leur rideau et de fermer leurs comptoirs, le monde moderne a multiplié les sociétés off-shore en les domiciliant dans les quelques autres paradis fiscaux qui restent sur la terre.

Le premier intérêt c’est qu’une société peut être délocalisée, alors que le paradis fiscal est attaché à un territoire. 

Donc, si à un moment donné, cela chauffe un peu trop à Monaco (comme actuellement), la société off-shore fait ses valises et s’en va aux Seychelles ou à Panama. 

La société off-shore est une société comme les autres sauf qu‘elle habite en dehors du territoire de ses fondateurs. En d’autre terme, il s’agit d’une société créée dans un pays où le bénéficiaire économique final ne réside pas, mais où il pourra la diriger de là où il se trouvera à l'avenir. 

En général, la société est installée juridiquement dans un pays où la fiscalité est la plus light possible. 

Rien de tout cela n'est illégal. 

Là où les choses sont un peu plus embrumées, c’est que ces sociétés off-shore dissimulent d’autres sociétés dont l'activité est plus inavouable. Par exemple du blanchiment d’argent sale, ou mal gagné, ou encore très mal déclaré. 

Quand une banque soupçonne une société de ne pas avoir une activité très honnête, elle peut faire une déclaration de soupçon à Tracfin, l’institution internationale chargée de traquer l'argent sale … mais si cet argent passe d’une société à une autre, dans un pays étranger plus laxiste, la tracabilité se perd. 

Tout le monde peut créer une société off-shore. Les bénéficiaires doivent faire une déclaration concernant l'activité, ce qu’ils font très volontiers puisque le propre de la société off-shore, c’est de dissimuler la réalité en toute légalité. 

Parce que pour créer une off-shore, encore faut il y avoir quelques intérêts. Or les seuls qui ont intérêt à le faire sont ceux qui veulent dissimuler le produit d’une activité un peu tangente. 

Nous sommes, ici même, en pleine hypocrisie. Les grandes démocraties autorisent les sociétés off-shore tout en sachant qu’elles servent de couvertures ; elles les autorisent à condition donc que le bénéficiaire ne se fasse par prendre ; et en général, il ne se fait pas prendre, puisqu'il paie des avocats pour organiser l'opération. 

Les pays qui ont intérêt à officiellement installer une société off-shore sont connus de tous ceux qui en ont besoin. Il existe même des guides et des sites qui classent les pays, comme on classe les hôtels et les restaurants sur Trip Advisor

Un Français ne pourra pas créer sa société en France, mais en Italie, au Luxembourg, aux Seychelles, à Maurice, ou au Panama. Un Italien, en revanche, peut venir en France. 

Ceci dit, les sociétés off-shore poussent aujourd'hui sur des territoires où le système juridique et fiscal est particulièrement opaque.

Si on rassemble toutes les pièces du puzzle, on s’aperçoit qu’on est au cœur d’un championnat du monde de l'hypocrisie. Résumons.

  • Les sociétés off-shore ne sont pas illégales.
  • Certaines des activités qu’elles abritent, sont, elles, en revanche, hors-la-loi.
  • La société off-shore permet d'occulter ce qui se passe à l’intérieur.  Par conséquent, la société off-shore a été créé pour gérer légalement et fiscalement des activités qui ne le sont pas. C’est très fort. 
  • Ajoutons à ce collier de perles que chaque grande démocratie a fait une liste de paradis fiscaux sur lesquelles ses ressortissants ne peuvent pas atterrir. Un Français n’a aucun intérêt à partir à Monaco par exemple. Mais les ressortissants d'un pays peuvent aller dans un paradis du voisin. Un Allemand aura, lui, intérêt à venir à Monaco. Au passage, notons que la France, en interdissant Monaco aux Français, encourage l'argent des autres à venir sur le Rocher. Que cet argent soit sale ou pas. 

On est donc dans un système complètement pervers. Les solutions pour lutter contre de telles dissimulations ou malversations sont connues de tous.

D’une part, rien n’empêcherait un pays de mettre en place des sanctions particulièrement sévères. La France offre des franchises aux repentis et cela a fonctionné par le passé. L'Amérique elle est franchement punitive, puisque le ressortissant américain qui reconnaîtrait posséder des comptes non-déclarés à l'étranger risquent de se voir retirer son passeport américain. La sanction est rédhibitoire. La majorité des Américains qui pratiquaient le tourisme fiscal en Suisse ou ailleurs sont revenus et se sont mis en règle. 

D’autre part, il faudrait bien évidemment une concertation internationale pour fermer les paradis fiscaux. Tout le monde est d’accord sur le papier. En pratique, les états, et même les plus sévères, sont assez réfractaires à une fermeture totale. 

Pourquoi ?  Parce qu’une fois de plus, ça leur rend service. L’Amérique, qui est d’une extrême sévérité à l’encontre des citoyens américains, est d’un laxisme coupable à l’égard des pays voisins qui accueillent l’argent du monde entier sans demander de certificats d’authenticité. Le Panama est aujourd’hui le roi mondial des paradis fiscaux et des structures off-shore. L’Amérique tolère cette situation parce qu'elle lui permet d’asseoir son contrôle sur cette petite bande de terre étroite qui permet de passer d’un océan à l’autre. Et surtout, l’Amérique peut consolider en dollar l’argent drainé sur le territoire. Exactement comme la France peut consolider et contrôler l'argent sale qui vient se laver à Monaco. Ce monde est quand même bien fait !!! 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !