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Pâques confiné : pourquoi l’absence des célébrations liturgiques pascales n’est pas une simple anecdote pour les catholiques
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

A la maison

Le confinement, qui interdit les rassemblements, empêchera les chrétiens de célébrer Pâques comme ils le font traditionnellement, même si les prêtres exploitent désormais les outils numériques garder le lien avec leurs fidèles.

Denis Sureau

Denis Sureau

Denis Sureau est éditeur (Transmettre, Chrétiens dans la Cité) et théologien. Il vient de publier Frère Laurent de la Résurrection, le cordonnier de Dieu (Artège).

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Atlantico : Privés de paroissiens, les prêtres ont du s’adapter en proposant pour certains des visioconférences afin de continuer à vivre la messe pour les fidèles. Les chrétiens pratiquants vont revivre Pâques comme les premiers disciples l’ont vécu. Ce retour au sens premier peut-il modifier leur engagement et leur pratique du culte ?

Denis Sureau : Selon une enquête du cabinet Camino Conseil, 94 % des catholiques (pratiquants) déclarent bien vivre le confinement, et 63 % d’entre eux ne s’estiment pas isolés. Les deux tiers déclarent lire la Bible, 51 % d’autres publications spirituelles. C’est d’une certaine façon un retour à l’Église des catacombes. Je pense aussi aux catholiques japonais privés de sacrements (baptême excepté) pendant 240 ans, ou à l’Église du silence, dans les pays communistes. Mais les prêtres ont su exploiter les ressources du numérique en multipliant les messes en direct et en différé. Il y en a pour tous les goûts, en français comme en latin, sur la toile et à la télévision. Et les compteurs d’audience ont explosé ! Cela a pu inciter les chrétiens confinés à assister à davantage d’offices que d’habitude, notamment en semaine. J’espère que le long « jeûne eucharistique » imposé réveille en eux la faim de la communion au corps du Christ. Il y a eu depuis un siècle une banalisation progressive de la communion ; celle-ci est devenue un acte dominical imposé, au détriment du respect dû au Christ présent dans l’hostie consacrée. La privation actuelle offre l’occasion de redécouvrir toute son importance.

Pouvez-nous expliquer la symbolique de la communion lors des fêtes de Pâques ? Et pourquoi ce confinement rend-il si complexe cette célébration ?

L’Église demande que les fidèles communient au moins une fois par an, à Pâques, car les fêtes pascales sont au centre de toute la liturgie chrétienne. Le Christ ressuscité nous offre de participer à sa propre vie divine. La messe, ce n’est pas seulement le souvenir de la Cène, le dernier repas du Christ, c’est l’actualisation de l’unique sacrifice du Corps et du Sang du Christ, mort sur la croix pour sauver les hommes, et ressuscité. Toute eucharistie est un banquet pascal, qui prend tout son sens le dimanche de Pâques. Le confinement empêche non la célébration, mais la communion sacramentelle du peuple chrétien, et c’est pour lui une souffrance. Ne pas communier, disait le Curé d’Ars, c’est comme mourir de soif près d’une source.

La période d’isolement liée au confinement peut-elle entraîner un retour plus intense sur le religieux ?

La quarantaine, les chrétiens connaissent : c’est le carême ! La coïncidence entre le repli sanitaire et la retraite annuelle de quarante jours était une occasion à saisir pour redécouvrir la prière. Selon l’enquête Camino Conseil, 62 % des catholiques prient davantage en famille, 41 % font des temps d’adoration à la maison. De nombreuses familles chrétiennes expérimentent ainsi leur réalité d’« Église domestique » ou d’ecclesiola, d’Église en miniature. Ces expressions remontent aux premiers temps de l’Église, lorsque les chrétiens persécutés se réunissaient dans des maisons, à défaut d’églises. Pour les personnes seules, le confinement imposé peut inciter à prendre du recul par rapport à son travail, à sa vie, au sens qu’on y trouve. Un prêtre m’a dit qu’il constatait souvent le retour à la foi de jeunes retraités : après une vie professionnelle intense, ils se retrouvent comme en face du vide, privés de relations sociales, se posent des questions sur le sens de leur existence et reviennent à la pratique religieuse. Le confinement pourrait avoir un effet équivalent.

À l’origine, les rituels du Jeudi saint comme le chemin de croix, le feu et le lavement des pieds sont un moment fraternel pour le culte catholique. Comment, hors crise sanitaire, ces rituels étaient-ils vécus ? Quelles alternatives propose cette année l’Église ?

Même une messe célébrée par un prêtre sans fidèles est un acte communautaire, un acte d’Église : l’Église fait l’eucharistie et l’eucharistie fait l’Église, disait Henri de Lubac. L’Église est la famille de Dieu. Il est important qu’une famille puisse partager des moments de convivialité et d’échanges ; mais un coup de téléphone peut resserrer les liens parfois plus fortement qu’un repas. Il en va de même pour l’Église : la liturgie avec ses rites est au cœur de sa mission ; mais elle n’est pas qu’une simple association humaine, elle est une communion, et les liens qui unissent ses membres sont d’abord spirituels. Je viens de publier un livre sur Frère Laurent de la Résurrection, le cordonnier de Dieu (Artège), un simple frère carme qui écrivait au dix-septième siècle : « Il n’est pas nécessaire d’être toujours à l’Église pour être avec Dieu, nous pouvons faire de notre cœur un oratoire dans lequel nous nous retirions de temps en temps pour nous y entretenir avec lui doucement, humblement, et amoureusement. » Une pensée qui me semble fort opportune !

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