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Panique à bord des cabinets ministériels : y-a-t-il encore des cerveaux (et des bras) pour gouverner la France d'ici 2017 ?
©Reuters

Vague de départs

Alors que sous Nicolas Sarkozy, à la même période, le nombre de départs de cabinets ministériels et de l'Elysée s'élevait à 28, il caracole aujourd'hui à 57 sous François Hollande. Ces départs sont d'autant plus inquiétants qu'ils confortent la catastrophique mainmise de l'administration sur le politique.

Jean-Marc Boyer

Jean-Marc Boyer

Jean-Marc Boyer est diplômé de Polytechnique et de l’Ecole Nationale de la Statistique et de l’Administration Economique (ENSAE). Il a commencé sa carrière en tant que commissaire contrôleur des assurances puis a occupé différentes fonctions à l’Inspection Générale des Finances (IGF), à la Commission de Contrôle des Assurances et à la direction du Trésor. Il est cofondateur de GLM et de la Gazette de l’Assurance.

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Atlantico : D'après les informations du Monde, le nombre de départs de cabinets ministériels et de l'Élysée a doublé en comparaison à la même période sous Nicolas Sarkozy. Ces départs touchent environ 10% des effectifs. Que traduisent-ils de l'activité à venir du quinquennat ? Ce déficit de personnels permet-il réellement d'envisager une suite "active" du quinquennat ? 

Jean-Marc Boyer : Si c’est une pratique récurrente, le phénomène actuelle est exceptionnel par sa précocité (les élections sont dans 8 mois) et son ampleur en quantité (double d’il y a 5 ans, avec 57 départs cet été, soit effectivement 10% des effectifs) et son niveau (14 directeurs ou chefs de Cabinet ou adjoints partis depuis le 1er juin).

Cela fait suite aussi à un nombre impressionnant de ministres partis, Emmanuel Macron étant le dernier en date, dont plusieurs font campagne contre leur ancien patron.

Du côté de Bercy, on savait que Claire Waysand, candidate malheureuse à la direction du Trésor, a rejoint l’Inspection (Générale des Finances) ; Laurence Boone est partie chez AXA, Jean-Jacques Barbéris chez Amundi,…Ce n’est probablement pas fini puisque de l’équipe d’E. Macron (ex Rothschild), seuls 6 sur 20 ont été repris par C. Sirugue.

A part les derniers textes inévitables (PLF et PLFSS), mais qui seront "rectifiés" courant 2017, ou les fin de textes (comme Sapin 2), l’exécutif n’a plus de texte d’ampleur et n’en a plus les moyens. Le reste du quinquennat sera de pure campagne politique, faisant regretter le septennat qui laissait plus de temps à l’action politique.

Peut-on parler, en l'espèce, d'une victoire de l'administration sur le politique ? Cette situation traduit-elle un renoncement du personnel politique face à l'administration ? Quelles en sont les conséquences ?

L’administration a, depuis des décennies, gagné sur le politique. Même les Cabinets et les Gouvernements sont remplis de hauts fonctionnaires. Ces travers ne sont pas récents, il suffit de relire Kafka ou Courteline, mais l’ampleur est nouvelle. L’espace laissé aux politiques est dans la communication, mais ils n’ont plus ni marge de manœuvre budgétaire (le déficit est bloqué à 3%), ni monétaire depuis l’avènement de l’euro. 

L’administration est mono-culturelle, ayant appris le pouvoir bureaucratique par les processus fiscalo-administrés. Même si l’on sait que la France a alors trop d’impôts et trop de tracasseries administratives, cela continuera puisque le logiciel de la haute administration est orienté vers son pouvoir et non vers l’intérêt général. 

La mainmise de la haute administration se traduit par un appauvrissement intellectuel (pensée unique, classe politique déconnectée de la vie réelle), économique (l’économie mixte ou publique n’est pas assez souple pour l’actuel monde digital), social et moral par l’absence de contre-pouvoirs.

Recasages, pantouflages, parachutages, les Cabinets ministériels servent surtout de tremplins pour la suite de la carrière administrative, privée, ou parapublique (dans les innombrables machins, comme dirait de Gaulle). Il en résulte des soupçons de trafic d’influence, de prise illégale d’intérêt (dont avait été accusé F. Pérol pour BPCE), de corruption, de prévarication, de prébendes,.. En réalité, les fonctionnaires dans leur immense majorité ne commettent pas de corruption. Il s’agit plutôt d’une minorité de cas d’hyper-corruption : on ne prend pas dans la caisse, on la prend en totalité en se parachutant à la tête de l’organisme.

Mais le monde politique est également touché par ce sentiment d’être au-dessus des lois (sans être exhaustif : J. Cahuzac, Y. Benguigui, T. Solère, J.M. et M. Le Pen, P.et I. Balkany, T. Thevenoud, G. Carrez, E. Macron, N. Sarkozy, A. Juppé,…).

D’autres pays ont su faire face à la corruption, comme le Brésil au plus haut niveau. La différence avec la France, est que les contre-pouvoirs n’y semblent plus opérants. L’administration a traité le risque de contre-pouvoirs en donnant aux syndicats des fromages (organismes paritaires, logement, formation,…) dans le Yalta social de 1945. Les syndicats étant financés, ils n’ont plus besoin de chercher des adhérents. Le pouvoir administratif tient aussi largement les médias (chaines publiques, subventions, ministère de la culture).

Que peut-on attendre de la prochaine administration, notamment pour faire face aux conséquences abordées ? Quels sont les moyens offerts aux politiques pour "reprendre la main" ?

Seul Bruno Le Maire demande la transformation de l’ENA, ce qui restera un propos démagogique. On ne coupe pas la branche sur laquelle on est assis. 

Il se peut qu’un sursaut s’opère au prochain scandale. On se souvient dans l’affaire du Lyonnais que les hauts responsables (Trésor, Banque de France, président du groupe, …) étaient du même corps d’Etat. Les mandataires actuels des grandes banques françaises et de l’ACPR confirment la tendance.

Les programmes politiques s’inscrivent dans une pensée des années 90 qui laisse l’administration omnipotente. Si les politiques ne reprennent pas la main pour remettre à plat le système au sein d’une VIème République, une Troïka risque un jour d’imposer des réformes structurelles, que la rue n’aimera pas.

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