Le personnel de sécurité monte la garde devant l'Institut de virologie de Wuhan alors que les membres de l'OMS enquêtent sur les origines du COVID-19. 3 février 2021.
©HECTOR RETAMAL / AFP
Autopsie d’une pandémie
Origines du Covid : 5 raisons qui suggèrent fortement que les sources de la pandémie se trouvent dans un laboratoire
Le virus à l'origine de la pandémie de Covid-19 est apparu à Wuhan, la ville où se trouve le plus grand laboratoire de recherche au monde sur les virus de type SRAS. De nombreux indices laissent penser que les sources de la pandémie viennent de ce laboratoire.
Atlantico : Une enquête du New York Times est revenue sur les origines du Covid-19. Le virus à l'origine de la pandémie est apparu à Wuhan, la ville où se trouve le plus grand laboratoire de recherche au monde sur les virus de type SARS. La piste de ce laboratoire est-elle crédible ?
Etienne Decroly : La question des origines de la pandémie n’est pas tranchée. La première hypothèse, qui est étayée par quelques articles scientifiques, suggère une émergence au marché de Wuhan. La deuxième hypothèse est que les contaminations humaines résultent d'un accident de recherche. Cette hypothèse manque de preuves en raison de l’obstruction de la Chine concernant l' enquête dans les laboratoires qui travaillaient sur les coronavirus a Wuhan. L’enquête du New York Times détaille les arguments en faveur d'un accident de recherche. Il s’agit de l’une des pistes plausible pour l’origine du Covid-19. Il serait nécessaire que l’OMS puisse mener des investigations pour trancher cette question.
L'année précédant l'épidémie, l'institut de Wuhan, en collaboration avec des partenaires américains, avait-il proposé de créer des virus présentant la caractéristique déterminante du SARS-CoV-2 ?
Un projet de recherche avait été déposé à la DARPA. Ce projet d’étude, nomm DEFUSE, consistait à échantiloner les coronavirus qui circulaient dans les populations de chauves-souris dans le sud-est de la Chine de manière à identifier dans ces populations de chauves-souris ébergeant des virus à potentiel pandémique. Le but de ce projet était de séquencer ces virus et d'en collecter un petit nombre pour les cultiver au laboratoire. Une partie du projet visait a construire des virus qu'on appelle « chimériques" afin de pouvoir voir si parmi l'ensemble des virus qui circulent certains pouvaient infecter des cellules humaines ou des souris transgéniques humanisées. Ce projet de recherche peut être vu par certains comme étant un projet qui aurait pu permettre d'isoler un coronavirus identique au SARS-CoV-2 ou de le construire par des méthodes d'ingénierie moléculaire, appelées " gain de fonction"
Le laboratoire de Wuhan a-t-il poursuivi ce type de travaux dans des conditions de faible biosécurité qui n'auraient pas pu contenir un virus aéroporté aussi infectieux que le SRAS-CoV-2 ?
Des travaux sur plusieurs virus chimériques ont été réalisés principalement en laboratoire de type BSL-2 et parfois BSL3 en Chine en 2016 et 2017. Aucune information n'indique que ce type de travaux aurait pu être réaliser » dans le laboratoire de type BSL-4. Concernant les conditions de biosécurité, traditionnellement, quand des chercheurs travaillaient sur les virus de chauves-souris, il est considéré que le niveau de sécurité BSL-2 est suffisant et le niveau BSL-3 est nécessaire lorsque l’on travaille sur des coronavirus pathogènes chez l’homme. Le niveau BSL-2 est a mon sens inapproprié pour travailler sur des virus potentiel pandémique lorsque on réalise des expériences de gains de fonction.
L’hypothèse selon laquelle le Covid-19 proviendrait d’un animal du marché aux fruits de mer de Huanan à Wuhan n’est étayée par aucune preuve solide. Est-ce que cela doit amener à s’interroger ?
Je ne dirais pas qu'il n'y a aucune preuve solide. Suite à la clôture du marché, des prélèvements ont été réalisées sur le marché. Des virus de type SARS-CoV-2 qui circulaient chez les individus fréquentant ce marché ont été identifier dans des prélevements environnementaux. Mais à ce jour, aucun virus progéniteurs (NDLR virus parent directe) de l'épidémie n'ont pas été identifiés. L'hôte intermédiaire qui aurait pu héberger éventuellement ces progéniteurs n'est pas identifié non plus. La difficulté de l'hypothèse de l'émergence du virus à partir du marché est que l’espèce potentiellement à l’origine n'a pas été clairement identifiée. Est-ce parce que l'échantillonnage n'a pas été rendu public? Parce qu'il n'a pas été fait de manière assez intensive? A cause d’une obstruction politique des autorités chinoises ? Il n’est pas possible de répondre à cette question. C’est pour cela que l'enquête de l'OMS doit se poursuivre.
Est-ce qu’il manque encore des éléments clés pour identifier si le virus était issu du commerce des espèces sauvages ?
Les éléments clés qui manquent sont l’identification de l’animal qui auraient pu transmettre ce virus aux hommes. Il y a un consensus sur le fait que cette famille de virus est largement présente chez les chauves-souris, sans pour autant qu'un virus progéniteur n'ait pu être découvert à ce jour chez les chauves-souris.
L'hypothèse classique de ce genre d'émergence est que les chauves-souris infectent un hôte intermédiaire qui va ensuite transmettre ce virus aux populations humaines. Cet hôte intermédiaire n'a pas été identifié et les débats dans la littérature scientifique ne sont pas conclusif a ce stade.
Il y a également un débat dans la littérature qui consiste à savoir s’il y a eu plusieurs événements de franchissement de barrières d’espèces, ce qui serait un argument en faveur de l’origine zoologique de l’épidémie.
Les d'experts débattent entra autres sur les méthodologies statistiques utilisées et su la qualité de l'échantillonnage. Pour l'instant, la question des origines du Covid-19 n’a pas été complètement tranchée.
Est-ce que toutes ces raisons permettent d'en apprendre plus pour l'avenir sur le risque pandémique ? Est-ce que cela va conditionner les laboratoires à changer certaines pratiques ?
Ce débat révèle qu’il y a deux possibilités crédibles permettant l'émergence de nouveaux virus. D'une part, un accident de recherche et d’autre par la zoonose. Il est important de limiter sur les deux types de risque. Concernant les risques zoonotiques, cela implique des meilleures pratiques de surveillance des épizooties, (des épidémies animales) qui pourraient éventuellement franchir la barrière d'espèces. Il y a actuellement un exemple remarquable avec la grippe aviaire qui est en train de se transmettre chez les bovins aux États-Unis, avec des premiers cas de transmission vers les humains. Cela pose évidemment la question de savoir pourquoi il n’y a pas assez de surveillance pour pouvoir déclencher des mesures de contrôle vétérinaire suffisamment précocement pour éviter les infections humaines.
Il faut également préserver les écosystèmes pour éviter que des animaux qui sont normalement présents dans des écosystèmes sauvages soient mis en contact avec des animaux d'élevage et transmettent ainsi des maladies qui après successivement pourraient être transmises à l'homme. Cela implique enfin un meilleur contrôle des marchés dits humides dans lesquels des animaux vivants sont vendus.
Concernant le volet accidents de recherche, il est important d'essayer d'avoir un consensus mondial et d'harmoniser au niveau mondial les réglementations de ces expériences en laboratoire et de mètre en place une agence international de régulation comme c’est le cas dans le domaine du nucléaire. L’OMS, pour ça part est en train de réfléchir a un programme de la prévention des risques pandémiques, mais rencontre des difficulté importantes. Le pire est d'avoir des réglementations qui sont non harmonisées au niveau mondial car cela a comme conséquence que les expériences se délocalisent dans les endroits où les conditions de sécurité sont moindres. Les expériences sont faites plus rapidement et sont moins chères.
Il est essentiel de trouver un consensus mondial de manière à monter le niveau de biosécurité pour certaines expériences qui sont à plus haut risque. Ma recommandation serait d’interdire les pratiques les plus dangereuses sur les virus a potentiel pandémiques ou de les opérer uniquement en laboratoires de plus haut niveau de sécurité, du type laboratoire BSL-4. Cette discussion doit être entamée au niveau internationale de manière à pouvoir progresser vers un monde plus sûr du point de vue du risque d'émergence de virus pour nous et pour nos enfants.
Etienne Decroly : La question des origines de la pandémie n’est pas tranchée. La première hypothèse, qui est étayée par quelques articles scientifiques, suggère une émergence au marché de Wuhan. La deuxième hypothèse est que les contaminations humaines résultent d'un accident de recherche. Cette hypothèse manque de preuves en raison de l’obstruction de la Chine concernant l' enquête dans les laboratoires qui travaillaient sur les coronavirus a Wuhan. L’enquête du New York Times détaille les arguments en faveur d'un accident de recherche. Il s’agit de l’une des pistes plausible pour l’origine du Covid-19. Il serait nécessaire que l’OMS puisse mener des investigations pour trancher cette question.
L'année précédant l'épidémie, l'institut de Wuhan, en collaboration avec des partenaires américains, avait-il proposé de créer des virus présentant la caractéristique déterminante du SARS-CoV-2 ?
Un projet de recherche avait été déposé à la DARPA. Ce projet d’étude, nomm DEFUSE, consistait à échantiloner les coronavirus qui circulaient dans les populations de chauves-souris dans le sud-est de la Chine de manière à identifier dans ces populations de chauves-souris ébergeant des virus à potentiel pandémique. Le but de ce projet était de séquencer ces virus et d'en collecter un petit nombre pour les cultiver au laboratoire. Une partie du projet visait a construire des virus qu'on appelle « chimériques" afin de pouvoir voir si parmi l'ensemble des virus qui circulent certains pouvaient infecter des cellules humaines ou des souris transgéniques humanisées. Ce projet de recherche peut être vu par certains comme étant un projet qui aurait pu permettre d'isoler un coronavirus identique au SARS-CoV-2 ou de le construire par des méthodes d'ingénierie moléculaire, appelées " gain de fonction"
Le laboratoire de Wuhan a-t-il poursuivi ce type de travaux dans des conditions de faible biosécurité qui n'auraient pas pu contenir un virus aéroporté aussi infectieux que le SRAS-CoV-2 ?
Des travaux sur plusieurs virus chimériques ont été réalisés principalement en laboratoire de type BSL-2 et parfois BSL3 en Chine en 2016 et 2017. Aucune information n'indique que ce type de travaux aurait pu être réaliser » dans le laboratoire de type BSL-4. Concernant les conditions de biosécurité, traditionnellement, quand des chercheurs travaillaient sur les virus de chauves-souris, il est considéré que le niveau de sécurité BSL-2 est suffisant et le niveau BSL-3 est nécessaire lorsque l’on travaille sur des coronavirus pathogènes chez l’homme. Le niveau BSL-2 est a mon sens inapproprié pour travailler sur des virus potentiel pandémique lorsque on réalise des expériences de gains de fonction.
L’hypothèse selon laquelle le Covid-19 proviendrait d’un animal du marché aux fruits de mer de Huanan à Wuhan n’est étayée par aucune preuve solide. Est-ce que cela doit amener à s’interroger ?
Je ne dirais pas qu'il n'y a aucune preuve solide. Suite à la clôture du marché, des prélèvements ont été réalisées sur le marché. Des virus de type SARS-CoV-2 qui circulaient chez les individus fréquentant ce marché ont été identifier dans des prélevements environnementaux. Mais à ce jour, aucun virus progéniteurs (NDLR virus parent directe) de l'épidémie n'ont pas été identifiés. L'hôte intermédiaire qui aurait pu héberger éventuellement ces progéniteurs n'est pas identifié non plus. La difficulté de l'hypothèse de l'émergence du virus à partir du marché est que l’espèce potentiellement à l’origine n'a pas été clairement identifiée. Est-ce parce que l'échantillonnage n'a pas été rendu public? Parce qu'il n'a pas été fait de manière assez intensive? A cause d’une obstruction politique des autorités chinoises ? Il n’est pas possible de répondre à cette question. C’est pour cela que l'enquête de l'OMS doit se poursuivre.
Est-ce qu’il manque encore des éléments clés pour identifier si le virus était issu du commerce des espèces sauvages ?
Les éléments clés qui manquent sont l’identification de l’animal qui auraient pu transmettre ce virus aux hommes. Il y a un consensus sur le fait que cette famille de virus est largement présente chez les chauves-souris, sans pour autant qu'un virus progéniteur n'ait pu être découvert à ce jour chez les chauves-souris.
L'hypothèse classique de ce genre d'émergence est que les chauves-souris infectent un hôte intermédiaire qui va ensuite transmettre ce virus aux populations humaines. Cet hôte intermédiaire n'a pas été identifié et les débats dans la littérature scientifique ne sont pas conclusif a ce stade.
Il y a également un débat dans la littérature qui consiste à savoir s’il y a eu plusieurs événements de franchissement de barrières d’espèces, ce qui serait un argument en faveur de l’origine zoologique de l’épidémie.
Les d'experts débattent entra autres sur les méthodologies statistiques utilisées et su la qualité de l'échantillonnage. Pour l'instant, la question des origines du Covid-19 n’a pas été complètement tranchée.
Est-ce que toutes ces raisons permettent d'en apprendre plus pour l'avenir sur le risque pandémique ? Est-ce que cela va conditionner les laboratoires à changer certaines pratiques ?
Ce débat révèle qu’il y a deux possibilités crédibles permettant l'émergence de nouveaux virus. D'une part, un accident de recherche et d’autre par la zoonose. Il est important de limiter sur les deux types de risque. Concernant les risques zoonotiques, cela implique des meilleures pratiques de surveillance des épizooties, (des épidémies animales) qui pourraient éventuellement franchir la barrière d'espèces. Il y a actuellement un exemple remarquable avec la grippe aviaire qui est en train de se transmettre chez les bovins aux États-Unis, avec des premiers cas de transmission vers les humains. Cela pose évidemment la question de savoir pourquoi il n’y a pas assez de surveillance pour pouvoir déclencher des mesures de contrôle vétérinaire suffisamment précocement pour éviter les infections humaines.
Il faut également préserver les écosystèmes pour éviter que des animaux qui sont normalement présents dans des écosystèmes sauvages soient mis en contact avec des animaux d'élevage et transmettent ainsi des maladies qui après successivement pourraient être transmises à l'homme. Cela implique enfin un meilleur contrôle des marchés dits humides dans lesquels des animaux vivants sont vendus.
Concernant le volet accidents de recherche, il est important d'essayer d'avoir un consensus mondial et d'harmoniser au niveau mondial les réglementations de ces expériences en laboratoire et de mètre en place une agence international de régulation comme c’est le cas dans le domaine du nucléaire. L’OMS, pour ça part est en train de réfléchir a un programme de la prévention des risques pandémiques, mais rencontre des difficulté importantes. Le pire est d'avoir des réglementations qui sont non harmonisées au niveau mondial car cela a comme conséquence que les expériences se délocalisent dans les endroits où les conditions de sécurité sont moindres. Les expériences sont faites plus rapidement et sont moins chères.
Il est essentiel de trouver un consensus mondial de manière à monter le niveau de biosécurité pour certaines expériences qui sont à plus haut risque. Ma recommandation serait d’interdire les pratiques les plus dangereuses sur les virus a potentiel pandémiques ou de les opérer uniquement en laboratoires de plus haut niveau de sécurité, du type laboratoire BSL-4. Cette discussion doit être entamée au niveau internationale de manière à pouvoir progresser vers un monde plus sûr du point de vue du risque d'émergence de virus pour nous et pour nos enfants.
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