Olivier Marleix : "LR ne votera pas un budget qui mène la France et les Français dans le mur"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Olivier Marleix, le président du groupe LR à l'Assemblée nationale.
Olivier Marleix, le président du groupe LR à l'Assemblée nationale.
©Alain JOCARD / AFP

PLF 2023

L'article liminaire du projet de budget, portant sur le déficit public, a été rejeté à l'Assemblée nationale. Olivier Marleix, le président du groupe LR à l'Assemblée nationale, évoque pour Atlantico la position des Républicains concernant le PLF 2023.

Olivier Marleix

Olivier Marleix

Olivier Marleix est député (LR) d'Eure-et-Loir. Il a reçu, en 2020, un Prix éthique de l'association Anticor.

Voir la bio »

Cette nuit Sept articles du projet de loi de programmation des finances publiques ont été rejetés dans la nuit de mardi à mercredi à l’Assemblée, notamment en raison de l’opposition de votre groupe. Pourquoi ?

Olivier Marleix : Ce n’est pas une surprise puisque nous avions voté contre en commission. Ce texte définit une trajectoire des finances publiques qu’on ne peut voter car elle va délibérément dans le mur. Il y a une absence de maîtrise des dépenses publiques et aucun effort pour redresser la barre : 155 milliards de déficit et 47 milliards de dépenses publiques supplémentaires et une charge d’intérêt de la dette qui sera de l’ordre de 100 milliards d’euros à la fin du quinquennat soit l’équivalent du budget du ministère de l’Education nationale et du ministère de l’Intérieur cumulés. Tout cela est assez tragique à un moment où les taux d’intérêt augmentent lentement mais sûrement. Lorsque le gouvernement dit « c’est un budget de protection », c’est faux. C’est un budget de risque pour la France. Si demain il y a le moindre mouvement spéculatif sur les dettes souveraines la situation peut devenir hors de contrôle. C’est pour cette raison que nous avons voté contre cette trajectoire et que nous avons un regard extrêmement négatif sur le projet de loi de finances de 2023.

Avez-vous acté à ce stade que vous ne voterez pas ce projet de loi de finances ?

Oui et je pense que le gouvernement l’a compris, c’est pourquoi le conseil des ministres a autorisé le gouvernement à engager sa responsabilité sur ce texte. Le mur approche et le gouvernement continue d’accélérer. Il y a nulle part mention de protection des Français si ce n’est par la dette, drôle de protection. Des mesures de protection ne devraient pas empêcher des mesures d’économie.

Les Britanniques qui, pour essayer de soutenir le pouvoir d’achat, ont décidé d’un plan de réduction des effectifs de la fonction publique de près de 90 000 agents. On cherche des économies d’un côté pour être capable de servir des priorités.

Ce gouvernement -et c’est la marque de Président- est incapable d’assumer des priorités et la dépense est l’unique réponse. Macron est en cela un vrai social-démocrate. On sent un blocage dès qu’on parle d’économies : que ça soit dans la lutte contre la fraude sociale ou le volume de la fonction publique : on a 57.000 hauts-fonctionnaires rémunérés dans les plus hauts niveaux là où il y en avait 20.000 dans les années 90.

Les mains tendues esquissées par le gouvernement à votre groupe sont-elles insuffisantes ?

Non. Nous avons un désaccord « structurel » sur le déficit. On a malgré tout décidé de mener quelques combats comme la déductibilité des intérêts d’emprunt pour l’acquisition de la résidence principale. Nous souhaitons aussi des solutions efficaces en matière de rénovation énergétique car Ma prime rénov’ ne fonctionne pas du tout. On a fait de nombreuses propositions. Au gouvernement de se montrer ouvert. Si les Français n’ont pas donné de majorité à Emmanuel Macron, ce n’est pas un accident, c’est parce que les Français ont voulu mettre le président de la République dans une obligation d’écouter les oppositions à l’Assemblée nationale. Bruno Le Maire précisait cet après-midi que l’utilisation du 49.3 n’empêcherait pas l’écoute. C’est ce qu’on attend du gouvernement.

Avez-vous le sentiment que le gouvernement vous écoute ?

Globalement de la part de la Première ministre, il y a une volonté de prendre acte du fait qu’ils n’ont pas de majorité et qu’il faut chercher à écouter. Ce qui veut aussi dire qu’il ne faut pas légiférer inutilement et essayer de construire des textes utiles. Nous avons dit au ministre de l’Intérieur que, s’ils étaient ambitieux et crédibles, nous voterions son texte sur les moyens du ministère et celui sur l’immigration. Sur ces sujets, il est urgent de prendre des mesures déterminées.

L’ouverture est-elle plus compliquée avec Bercy et Bruno Le Maire sur les sujets économiques ?


Cela dépend vraiment des textes. Sur le pouvoir d’achat au mois de juillet c’était facile puisque le gouvernement avait constaté 27 milliards de recettes supplémentaires donc nous avons discuté sur les modalités de la redistribution. Chose qui n’était pas très compliquée.

Là sur une loi de finances complète qui retrace toute la politique d’un gouvernement évidemment c’est beaucoup plus compliqué. On ne va pas réécrire le budget à leur place. Et d’ailleurs, on ne veut en aucun cas rentrer dans un système de cogestion avec eux.

Tous les choix faits depuis 5 ans mettent en péril les finances publiques. Avant Covid il y a eu 500 milliards d’euros de dette supplémentaire parce que dès le premier budget il n’y a eu aucune volonté de réduire le déficit. Emmanuel Macron a abusé de l’argent magique en considérant qu’on pouvait s’endetter plus tout en allégeant la charge de la dette. Il y a tout de même 24 pays sur 27 qui ont profité des taux d’intérêt négatifs pour se désendetter. La France fait partie des 3 pays qui n’ont pas fait ce choix, ce qui était déraisonnable. C’est pourquoi il ne faut pas compter sur nous aujourd’hui pour cogérer cette situation désastreuse.

Les questions de fond sur le budget sont-elles débattues ?

Clairement non. Et nous avons un désaccord fondamental avec le gouvernement. Pour moi le problème de la France aujourd’hui, c’est sa dette. Nous allons franchir le seuil des 3.000 milliards de dettes d’ici la fin de l’année. Nous allons emprunter 270 milliards et le gouvernement n’en prend absolument pas la mesure. Il y a une espèce d’incapacité idéologique ancrée chez eux à réduire la dépense publique. Lors de discussions que j’ai pu avoir avec la Première ministre ou Bruno Le Maire j’ai été frappé par le fait que dès qu’on parle baisse de la dépense, il n’y a pas de réponse. Sans doute qu’il n’y a pas de courage.

Quelles sont, s’il y en a, les réformes que l’on devrait faire d’urgence selon-vous ?

Un jour il faudra faire un vaste plan de redressement des finances de ce pays.

Dans un premier temps, cela commence par le budget de l’État notamment faire une cure d’amaigrissement de la haute administration. Nous avons une haute administration qui fabrique de la norme, n’ayant en réalité plus rien à gérer. Et cela redonnerait de l’intérêt aux métiers de la haute fonction publique.

Dans un second temps, la question de la fraude sociale. C’est un sujet très documenté et nous pouvons affirmer aujourd’hui qu’à ce sujet il y a au bas mot une vingtaine de milliards d’euros de fraude et il est scandaleux de ne pas s’y attaquer. Cela passe notamment par la carte vitale biométrique qui est le premier moyen de lutter contre la fraude et que le gouvernement a mis longtemps à mettre en place.

Ensuite il faut se réinterroger sur le périmètre de certaines dépenses sociales. Je suis effaré de voir qu’un étranger qui vient en France peut toucher le minimum vieillesse (autour de 900€) sans n’avoir jamais cotisé en France. Il aura plus que certains Français qui auront cotisé toute leur vie. Il y a aussi un certain nombre de règles à définir pour savoir qui a le droit à la solidarité nationale.

Edouard Philippe a évoqué dans le Parisien l’idée de repousser la retraite à 66 ou 67 ans, est-ce selon vous l’idée qui s’envisage ?

Vous parlez du Premier ministre qui a échoué à mettre en place une réforme des retraites ? Les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Nous ne sommes pas obligés de rentrer dans le concours Lépine de la réforme. Moi j’attends que le gouvernement prenne ses responsabilités et mette sur la table ses propositions. Nous sommes convaincus qu’il faut une réforme des retraites pour garantir la pérennité de notre régime de retraites. La vérité n’est pas que le système est en faillite -il est même en léger excédent cette année- simplement, mais si l’on veut améliorer le sort des retraités, il faut le consolider. Sinon, nous n’aurons pas les moyens de rehausser ces retraites. Cela passe par l’âge (aller au-delà des 62 ans) ou par le paramètre de la durée de cotisation qui a déjà été utilisé par la réforme Touraine. Donc il y a des choses à faire, mais je pense vraiment que la meilleure des réformes peut échouer si l’on n’en fait pas sentir l’intérêt au français.  On ne fait pas cela pour faire plaisir aux marchés financiers mais c’est le sentiment que donne le gouvernement aujourd’hui. On doit faire une réforme des retraites pour leur garantir de meilleures retraites. Le gouvernement doit montrer son intention de réformer.

Il y a la question du minimum contributif pour les gens qui ont travaillé toute leur vie, qui n’est aujourd’hui que de 741 euros. Je pense qu’il y a aussi un sujet sur les fins de carrière professionnelles. Il faut s’interroger sur les retraites progressives. Il y a une aspiration des Français, à partir d’un certain âge, à pouvoir prendre progressivement leur retraite. Un cumul emploi / retraite qui serait vraiment modernisé et plus attractif. Tous ces sujets devraient être sur la table !

Comment et sur quelle ligne politique la droite peut-elle se reconstruire sans céder au macronisme ?

Notre projet politique est qu’il y ait dans ce pays une vraie alternative possible au macronisme dans 5 ans qui ne soit pas Marine Le Pen. D’autant que ses positions économiques sont aujourd’hui très proches de celles de la France Insoumise. Le RN est devenu le parti des allocs pour paraphraser Fabien Roussel. Nous voulons proposer une réelle alternative, à droite, au Président de la République. Pour moi Emmanuel Macron est fondamentalement social-démocrate en matière économique, un homme de gauche sur le Régalien et sur le sociétal n’en parlons même pas.

De quelle droite parlez-vous ?

Celle du Général de Gaulle. Je ne rentre pas dans ces débats de ligne. Il n’y a qu’aux Républicains qu’on pose cette question. On ne pose cette question ni à Emmanuel Macron – qui avait pourtant Robert Hue et Philippe de Villiers comme soutiens sans que cela pose question - ni à Marine Le Pen. C’est une droite prête à agir -comme le demandent les Français - de manière assez radicale sur le régalien et notamment les questions d’immigrations et de justice. Et qui soit empreinte d’un peu plus de patriotisme économique que ce dont la droite a pu faire preuve parfois par le passé.

Est-ce que la trajectoire actuelle des Républicains et la manière dont vous portez l’opposition dans l’Assemblée nationale vous semblent être la stratégie gagnante ?

Le parti est en train de se réorganiser après la démission de Christian Jacob. J’espère qu’à l’Assemblée nationale, pierre après pierre, nous redessinerons la silhouette de ce que peut être une alternative à droite dans ce pays.

Cela implique-t-il de faire des compromis avec Emmanuel Macron quand il le faut ?

Ce n’est pas une question de faire des compromis. On votera des textes uniquement s’ils nous conviennent. Si Gérald Darmanin nous propose un texte ou l’on s’attaque à l’immigration du travail mal régulée, l’immigration sociale, etc. je ne m’y opposerai évidemment pas. Je n’ai pas d’autre boussole que celle de mes convictions.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !