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Olivier Blanchard et Jean Tirole considèrent que "l’endettement public est soutenable encore pendant longtemps"
©ERIC CABANIS / AFP

Atlantico Business

Les deux économistes français les plus respectés dans le monde travaillent ensemble sur un rapport destiné à Emmanuel Macron pour décrire l’économie de « l’après-Covid » et dire comment payer la dette. Pour eux, la situation est tenable et cette affirmation n’a rien de démagogique.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Olivier Blanchard et Jean Tirolene fréquentent guère les plateaux de télévision, ni les meetings politiques. Le grand public ne les connaît pas. Ils sont pourtant les deux économistes français les plus écoutés dans le monde.

Olivier Blanchard a été pendant des années l’économiste en chef du FMI et à ce titre, il a été courtisé par tous les chefs d’Etat de la planète et la plupart des grands patrons de l’industrie et de la finance mondiale qui ont toujours considéré ses analyses et ses prévisions comme particulièrement responsables et fiables.

Jean Tirole est un économiste français qui a fondé l’Ecole supérieure d’économie de Toulouse, mais travaille dans beaucoup d’universités américaines. Il est un des rares prix Nobel d’économie de nationalité française (il est le quatrième) mais lui aussi est courtisé par les dirigeants du monde entier sans être très connu du grand public.

Ces deux professeurs n’aiment que la lumière de leur bureau ou de leur laboratoire. Ils ont été sollicités par Emmanuel Macron pour réfléchir aux conditions économiques de l’après- Covid.

Jean Arthuis, le président de la Commission d’experts sur les finances publiques qui travaille sur la politique budgétaire, ne pourra pas ignorer le travail de ces deux stars de l’économie qui commencent d’ailleurs à laisser filtrer quelques éléments de leur recherche.

Sans avoir fait beaucoup de confidences, Olivier Blanchard et Jean Tirole se sont retrouvés ensemble passablement agacés, semble-t -il, par la tournure des débats qui se développent en France autour du « quoi qu’il en coute », avec un concert de critiques contre la politique d’endettement public de la France.

Le concert est d’ailleurs assez hétéroclite parce qu’il émane aussi bien des vrais libéraux rigoureux que de ceux qui réclament en même temps des rallonges d’aides et de subventions.

Pour Olivier Blanchard, qui a accordé une première interview aux Echos « ceux qui ouvrent la porte à la dette publique s’exposent à la démagogie ».

C’est exactement ce qui se passe actuellement en France. Pour la majorité des Français inquiets et stressés, qui ont passé l’année 2020 sous perfusion, leur angoisse apparente est de savoir comment la France va pouvoir rembourser les montagnes de dettes contractées pour soutenir le système économique, par le fonds de solidarité, les allocations de chômage partiel et les PGE et parallèlement, financer le déficit budgétaire creusé par l’effondrement des recettes fiscales.

Pour Olivier Blanchard et Jean Tirole, ce n’est pas un problème insoluble. Sous-entendu, il faut arrêter d’annoncer la catastrophe et ne pas ajouter une angoisse sur la dette à l’angoisse sanitaire.

La situation de l’endettement obéit à une tendance lourde à l'augmentation mais ça ne date pas d’hier. Ça fait 50 ans que la France se soigne et se dope à l’endettement. Depuis les premiers chocs pétroliers, c’est à dire depuis 1974. Et la France n’a jamais réussi à soigner ce mal structurel.

Olivier Blanchard considère que la dette couvre des déficits qui, souvent, se justifient. Parce que l’économie se porte mal et qu’il faut la relancer, parce qu’elle doit supporter un choc exceptionnel et imprévisible comme actuellement avec le Covid et enfin, la dette se justifie si on veut faire des investissements de relance ou de mutation.

Pour l’ancien économiste du FMI, toutes ces raisons sont légitimes, à condition que ça ne dure pas trop longtemps et que ça n’augmente pas tous les ans. Le mal français, c’est l’accoutumance.

Alors comment fait-on pour sortir du piège ? Pour Olivier Blanchard, la recette est simple. Si on réussit à maitriser la pandémie avant la fin de cette année 2021, soit par le vaccin, soit par les traitements, la sortie de crise sera euphorique grâce à la demande qui va se libérer. Il rejoint là le diagnostic de beaucoup de chefs d’entreprise et d’experts américains qui annoncent des années folles, comme dans les années 1920 ou même au lendemain de la libération en 1944.

Cette sortie de crise va générer des rentrées fiscales, et l’Etat n’aura plus à augmenter la dette. On ne peut pas s’engager à stopper l’endettement comme on a essayé de le faire en 2010 après les subprimes. Le résultat a été pire que le mal. On peut simplement annoncer que l’endettement cessera de croitre.

Les incertitudes qui risquent de dérégler l'équation en 2021 qui démarre très mal, ne fera que retarder d’un an le scénario d’un reflux de la dette.

Reste le stock de dette. Pour nos deux économistes, ça n’est pas un problème tant que les taux d’intérêt de la dette sont très bas, voire à zéro ou négatifs, la dette va mécaniquement baisser. Alors, ça demandera du temps certes mais tant que les taux resteront nuls ou presque, ça baissera. Pour Olivier Blanchard, les taux resteront très bas de nombreuses années. C’est un pari fondé sur l’équilibre du monde et l'évolution démographique qui nourrit l'abondance de l'épargne.

On retrouve là les analyses faites par beaucoup d’économistes très académiques qui soutiennent que, grâce au vieillissement des populations et à la productivité gigantesque de la digitalisation, les systèmes de production vont produire des quantités de richesses qui ne seront sans doute pas consommées. D’où l’épargne.

Pour Olivier Blanchard, nous sommes à la veille d’un nouveau paradigme budgétaire. « Parce que le coût de la dette est très faible et que les rentrées fiscales seront plus importantes grâce à l’activité, la politique budgétaire va retrouver toute son efficacité ».

D’où l’idée reprise par certains de considérer que, dans la conjoncture actuelle, un Etat qui s’endette est un Etat qui s’enrichit, puisque les épargnants le paient pour qu’il protège leur magot.

Olivier Blanchard n’ira pas jusqu’à dire que, dans ces conditions, il n'y a pas de limite à l’endettement. Mais si la dette augmente et que les charges de cette dette diminuent parce que les taux d’intérêt baissent durablement, la situation est totalement gérable tant qu’on sera sur des taux bas.

Actuellement, les marchés ne sont pas inquiets de la crise pandémique, ils continuent de penser que le bout du tunnel est visible grâce au vaccin. Alors, la seule incertitude réside dans la durée pendant laquelle les taux resteront bas.

Les économistes semblent dire qu’il n’y a pas de gros souci à se faire pendant les dix prochaines années.

Après, si les taux remontaient au-delà du taux de croissance de l’économie, ça voudrait dire qu’il faudra commencer à s’attaquer au stock de dettes parce que son refinancement serait plus onéreux. A ce moment-là, il sera temps de ressortir les vieux projets d’annulation de cette dette Covid ou de veiller aux bulles qui pourraient se former, comme les subprimes, et générer de l’inflation ou alors ressortir la tentation culturelle, chez beaucoup, de régler le problème par la fiscalité. Ce qui serait inutile et même toxique dans un pays où le taux de prélèvements obligatoires approche la moitié du PIB.

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