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Nouvelle zone de libre-échange asiatique : une nouvelle menace pour l’Europe ?
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A l'Est, du nouveau

Malgré leurs disputes territoriales, le Japon, la Chine, et la Corée du Sud ont entamé mardi 20 novembre des négociations pour l'établissement d'une zone de libre-échange lors d'un sommet de l'Asie de l'Est , selon des diplomates à Phnom Penh. Les pourparlers en sont à leur début, mais une telle zone commerciale pourrait contrebalancer la première puissance commerciale qu'est l'Union européenne.

Michel Fouquin

Michel Fouquin

Michel Fouquin est conseiller au Centre d'Etudes Prospectives et d'Informations Internationales (CEPII) et professeur d'économie du développement à la faculté de sciences sociales et économiques (FASSE).

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Atlantico : La Chine, le Japon et la Corée du sud ont lancé des négociations mardi 20 novembre lors d'une réunion au Cambodge pour l'établissement d'une zone de libre-échange, selon des diplomates. Un accord de libre échange entre les trois plus grosses économies asiatiques concurrencerait-il la première puissance commerciale mondiale qu'est l'Europe ?

Michel Fouquin: L’accord prendra sans doute beaucoup de temps -s’il se réalise ce qui n’est pas certain. Il n’est en aucun cas dirigé contre l’Europe. Pour la Chine, il s’agit de contrer la stratégie américaine visant à promouvoir le projet de TranspacificPartnership et la priorité donnée sur le plan militaire à la présence américaine en Asie. Pour le Japon et la Corée, il s’agit de garantir leur accès au fabuleux marché chinois qui a déjà joué un rôle majeur ces dix dernières années pour leur économie. A mon avis, on va assister à un recentrage de leur commerce sur l’Asie : d’une part la Chine a prévu de rééquilibrer sa croissance vers plus de consommation intérieure, d’autre part les prévisions de croissance les plus modérées donnent un fort dynamisme de la zone comparée au reste du monde même si c’est moins que pour la décennie écoulée. Autre facteur allant dans ce sens, c’est la volonté chinoise  de créer une zone monétaire Renminbi pour lutter conte la domination du dollar et des organismes financiers -comme le FMI- qui sont entre les mains des occidentaux. Un accord financier existe entre les trois pays qui prévoit des facilités de crédit en cas de crise financière internationale.

Cet accord est-il réalisable ? Sur quels points bloquerait-il ?

La concurrence est extrêmement vive entre ces pays même s’il y a déjà beaucoup d’investissements industriels directs du Japon et de la Corée en Chine. Tous sont spécialisés dans la filière mécanique : acier automobile et électronique,télécom, composants, informatique et à chaque fois, ce sont des entreprises japonaises ou coréennes qui sont impliquées. La Corée et la Chine sont déjà en négociation depuis  le mois de mai. Avec le Japon, c’est plus compliqué parce qu’en général, ce pays est plus prudent (avec par exemple la négociation avec l’Union Européenne qui a débouché avec la Corée en juillet 2011 alors qu’on ne voit pas quand cela se fera avec le Japon). De plus, les désaccords territoriaux qui opposent le Japon aux deux autres partenaires n’arrangent rien. Mais la Chine dispose d’un atout maître : on l’a vu avec le succès du boycott des produits japonais en  Chine. Cela a entraîné un arrêt des chaînes de production d’automobiles japonaises  installées en Chine, or la production japonaise en Chine dépasse maintenant sa production au Japon. Donc si la Chine le veut,  elle a de solides arguments à faire valoir.

En dehors de la zone il y a aussi une concurrence féroce pour l’accès aux matières premières dont ils sont tous les trois d’importants importateurs.

Les interdépendances entre la Chine et l'Occident se réduiraient-elles, au profit de la Chine ? 

Mécaniquement oui, c’est l’effet de détournement de commerce, c’est d’ailleurs ce qu’on attend de ses accords et c’est pourquoi l’OMC les regarde toujours avec suspicion. Mais il ne faut pas surestimer leur impact comme le font les négociateurs qui cherchent toujours à se donner de l’importance ou les politiques pour vendre leur projet.

Le projet de "partenariat économique intégral régional", un projet très ambitieux, réunit, outre les trois géants asiatiques, les dix pays membres de l'Association des nations d'Asie du sud-est (Bruneï, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Birmanie, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam), mais aussi l'Inde, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Ce projet va-t-il donner plus de poids à l'Asie dans les relations économiques internationales et d'un point de vue politique?

L’ASEAN+ 3 est déjà assez avancée tandis que le projet ASEAN+6 est plus problématique. On y voit, là encore, la patte de la diplomatie chinoise qui a déjà signé des accords avec chacun des 10 pays de l’ASEAN. Cela dit, ces accords sont assez largement fictifs sur le plan commercial  dans la mesure où ils comptent beaucoup d’exemptions  pour les produits dits « sensibles » comme par exemple le riz.  L’objectif des Chinois est d’abord diplomatique. Et ils entraînent derrière eux les Coréens et les Japonais qui ne veulent pas être en reste. L’Inde par tradition reste un pays très protectionniste en dépit des progrès accomplis depuis 1991.  Leur seul motif serait de contrebalancer la présence chinoise.

Propos recueillis par Ann-Laure Bourgeois

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