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Nouvelle révolution culturelle en Chine : une découverte archéologique remet en question tout ce que l'on sait des origines de la civilisation de l’Empire du milieu
©CC / Flickr / annieo76

Annales de bambou

Un immense autodafé en -221 avait brûlé tous les livres chinois, hormis ceux édités par l’empereur. Des scientifiques ont récemment exhumé un lot qui daterait de -300 et qui remet en question certaines croyances et pratiques deux fois millénaire.

Le légendaire empereur Yao est présenté comme un demi-dieu par la tradition chinoise, qui situe son règne autour de 2300 avant J.-C. A l’âge de 73 ans, il abdique et laisse le trône à son sage conseiller plutôt qu’à son fils, prince orgueilleux et vain. Un texte nouvellement découvert et qui date de 300 avant J.-C. présente cette histoire non pas comme une anecdote historique mais comme un idéal pour tous les monarques de toutes les époques : "Abdiquer, ne pas monopoliser le pouvoir, là est la vraie sagesse", écrit le Tang Yu Zhi Dao.

On mesure en quelques instants l’importance politique d’une découverte d'un texte comme celui-ci. En effet, la Chine est une très vieille civilisation, fière de sa cohérence politique, philosophique et culturelle sur le long-terme, et qui revendique la singularité de sa tradition. Les grands sages chinois, encore renommés aujourd'hui, ont la réputation d'avoir prôné la cohésion sociale et la stabilité du pouvoir. S’il s’avérait qu’un vieux texte révélait que les grands philosophes de l'antiquité avaient des points de vue plus nuancés, les conséquences aujourd'hui pourraient être réelles.

Changement de vision politique

Or, ce n’est pas un vieux texte, mais des centaines qui ont été découverts dans des circonstances étonnantes, que raconte le magazine The New York Review of Books. Ils sont issus de plusieurs écoles philosophiques d’avant notre ère, qui vantent les mérites de la méritocratie jusqu’aux plus hautes fonctions.

Le système d’examens accessibles à tous a permis à la Chine de produire, dès 605 après J.-C., une bureaucratie capable d’administrer un territoire si grand et si divers en termes de dialecte, de climat, et d’établir une sorte d’état de droit dont la langue officielle est ainsi devenue le mandarin.

Le pouvoir politique, en revanche, a toujours été héréditaire, depuis la dynastie Qin établie en -221 jusqu’à la dynastie Qing en 1905. Tchang Kaï-chek, le leader de la nouvelle République de Chine, a ensuite pris le pouvoir et c’est son fils qui lui a succédé – après leur exil à Taiwan. Et le Parti communiste chinois, aujourd’hui, fonctionne largement comme un système héréditaire : non seulement il n’y a pas d’autres partis politiques en lice, mais aussi – plus littéralement – il a donné naissance à une classe dite des "familles rouges" qui entourent le PCC depuis sa naissance. Xi Jinping, le président de la République populaire de Chine, en est issu.

Les vieux textes démontrent bien que, dès l’ancienne Chine, un grand nombre d’auteurs désavouaient la transmission héréditaire. Mais ce n’est pas la seule erreur historique que ces textes mettent au jour.

Deux autres croyances sont contredites : d’abord, la magie et la divination sont très présentes à l’époque des textes – et même celle de Confucius –, alors que l’exégèse historique en faisait des périodes très sécularisées. Les Analectes, l’œuvre représentative du confucianisme, décrivent le philosophe comme n’étant pas intéressé par "les phénomènes célestes étranges" : cela est donc remis en cause.

Ensuite, l’époque des textes était le théâtre de débat d’idées très nombreux et très intenses entre les "cent écoles" philosophiques. Les quatre principales sont : les confucianistes, qui traitent des rapports hiérarchiques et des obligations civiques dans la société ; les taoïstes, en quête de l’unité avec la force primitive dite Tao, "la voie" ; mais aussi les légistes, qui soutiennent une obéissance stricte aux lois ; et les mohistes, qui prônent une société égalitaire.

Pourquoi tous ces textes sont-ils des découvertes complètes ?

Le IIIème siècle avant J.-C., en Chine, est celui des Royaumes combattants. C’est une période féodale qui s’étend sur au moins 150 ans, et pendant laquelle la compétition entre les princes est aussi sanglante militairement que stimulante techniquement et philosophiquement. Alors, quand l’empereur Qin reprend le pouvoir en -221, il veut tout standardiser : l’écriture, la langue, la monnaie, les poids et les mesures, mais aussi et surtout les idées, pour stopper "la corruption du présent par le passé" et saper toute opposition politique. Il brûle tous les ouvrages de l’empire, à l’exception des livres de son histoire, des manuels de médecine, d’agriculture et de divination. L’ambition dévorante de l’empereur Qin avait donc rayé de la carte toute la philosophie dissidente, faisant de Confucius, déjà révéré, un penseur du respect de la norme – ce que les vieux textes contredisent.

En Chine, ces "annales de bambou" ont suscité un vrai engouement populaire, et de nombreuses émissions à heure de grande écoute leur sont consacrées. Avec l'évanouissement de l'empire et l'échec avéré du communisme, les Chinois sont à la recherche d'une identité. Il est possible que ces annales aient des conséquences à long terme sur le pays.

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