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Nouvelle Marianne sur les timbres… Mais n’aurait-elle pas perdu un peu de son importance aux yeux des Français ?
©NICOLAS TUCAT / AFP

Symbole

Emmanuel Macron a dévoilé cette semaine le nouveau visage de Marianne. Ce portrait sera imprimé sur les futurs timbres de la Poste. Cette tradition conservent-elle la même forme de sacralité ou de ritualisation ?

Olivier Ihl

Olivier Ihl

Olivier Ihl est Professeur de sociologie historique. Il occupe également les fonctions de professeur des universités à l’Institut d’études politiques de Grenoble, de directeur honoraire de l’Institut d’études politiques de Grenoble. Olivier Ihl est membre du think tank BRAINS (Santé et Société, Paris) et membre du Comité de rédaction de la Revue française d’histoire des idées politiques et de la revue French Politics, Culture and Society. Il est également directeur du parcours Sciences de Gouvernement Comparées (IEP de Grenoble) et co-directeur de la collection « Sociologie historique » aux éditions du Croquant. 
 
 
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Atlantico.fr : Emmanuel Macron a dévoilé cette semaine le nouveau visage de Marianne, à l'effigie duquel seront imprimés les futurs timbres de la Poste. Ce moment revêt-il toujours une forme de sacralité ou de ritualisation ?  

Olivier Ihl : L'exercice a perdu beaucoup de sa sacralité. Il est vrai que le mail remplace progressivement le timbre... Quant aux leçons de l'histoire, elles se dissipent à leur tour. Songeons à l’Association des Maires de France qui, sous la Vème République, a voulu associer à Marianne les traits d'une chanteuse (Mireille Mathieu, 1978), d'une actrice (Catherine Deneuve, 1985) ou d'un mannequin (Inès de la Fressange, 1989). C'était se méprendre sur la valeur de ce signe de majesté. 
Son exemplarité ? Elle est celle d'une souveraineté à la fois anonyme et collective. Marianne doit donc rester désincarnée. C'est une allégorie. Une forme de représentation qui, en république, ne peut être celle d'un individu en particulier. C'est pourquoi cette figure fut empruntée à l'antique. Elle était destinée à visualiser une abstraction : selon l'époque, la liberté universelle, les institutions de la république, l'esprit de résistance...  Il faut en prendre acte : nous n'avons pas, en France, d'équivalent de ces "pères fondateurs" chers à la république des États-Unis. Le statut égalitaire de la citoyenneté y fait obstacle. 

L'histoire de nos Marianne est-elle un reflet de l'histoire politique française ?   

Moins qu'on ne le dit, plus qu'on ne le pense. Qu'on ne le dit : les présidents de la république en ont d'abord fait l'image de leur propre sensibilité. M. Macron se revendique d'une "Marianne engagée". Giscard d'Estaing demanda qu'elle tourne la tête à droite en arborant une couronne d'épi de blé. François Mitterrand substitua un bonnet phrygien et inversa l’inclination de sa tête. Nicolas Sarkozy jeta son dévolu sur les étoiles de l’Union européenne. Quant à François Hollande, il valida un modèle inspiré du visage d'une des fondatrices de l'organisation féministe Femen. C'était là des choix personnels. 
Toutefois, la tradition républicaine n'a pas déserté ce portrait. La nouvelle Marianne le montre. Et plus qu'on ne le pense. Conquérante, elle porte un bonnet écarlate hérité du pileus romain. Un emblème qui marquait l'émancipation des esclaves à Rome. La tête est lancée en avant, les cheveux soulevés par le vent et ornés d'une cocarde tricolore... Cette Marianne de place publique, anonyme et conquérante, renoue stylistiquement avec la figure de la liberté, celle que la Convention adopta le le 5 septembre 1792 pour fixer le sceau de l'Etat. Celle qu'à l'automne, Guillaume Lavabre - le chansonnier occitan dont l'historien Maurice Agulhon a fait connaître les écrits - appela "la Garisou de Marianne". On est loin de la symbolique de la « mère patrie » qui protège ses enfants. Mais ce nouveau profil ne tourne pas le dos à l'histoire.  

Les Français sont-ils très attachés à la figure de Marianne ? Et à la République ?

Cela dépend des époques. Le dédain et l'exaltation ont souvent alterné. Le profil lui-même a évolué, sur les timbres comme sur les pièces de monnaie ou avec les bustes de mairie, Il est des moments où c'est son intrépidité qui a séduit, d'autres où c'est sa sagesse qui la fit chérir. Les orientations politiques sont ici déterminantes. Pour les uns, elle est la république, pour les autres, la France. C'est pourquoi Marianne s'est montrée tantôt poitrine découverte, tantôt lourdement cuirassée, tantôt les cheveux au vent, tantôt affublé d'un casque. Elle a eu tant de visages différents... jusque et y compris celui d'une icône concurrençant la Vierge Marie. Le symbole se définit plus par ses usages que par une signification arrêtée une fois pour toute.
Son nouveau visage ? C'est celui d'une république de combat. Comme si le temps était au retour de l'adversité. Hier, Marianne était dénoncée comme la « gueuse » par les Camelots du Roi puis méprisée par Vichy. Aujourd'hui, elle doit devenir un symbole reconnu, celui de l'attachement des citoyens à la liberté, à l'égalité et la fraternité. Un défi tout aussi redoutable...

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