Non, la 5G n’a pas toutes les externalités négatives que lui prête le Haut conseil pour le climat<!-- --> | Atlantico.fr
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environnement impact technologie 5G
environnement impact technologie 5G
©LLUIS GENE / AFP

Technologie

Le Haut conseil pour le climat a publié un rapport critique sur l'impact carbone de la 5G. Selon les estimations de cette étude, la 5G risquerait de faire exploser l’emprunte carbone du numérique. Les hypothèses à propos des externalités de la 5G véhiculées dans cette étude sont largement contestables sur plusieurs points.

Gilles Babinet

Gilles Babinet

Gilles Babinet est entrepreneur, co-président du Conseil national du numérique et conseiller à l’Institut Montaigne sur les questions numériques. Son dernier ouvrage est « Refonder les politiques publiques avec le numérique » . 



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Gilles Babinet : Les hypothèses à propos des externalités de la 5G véhiculées dans l'étude du Haut conseil pour le climat sont largement contestables sur plusieurs points fondamentaux. D'abord une observation ; en suivant leur logique, on aboutit à une quasi courbe en "crosse de hockey" (sur 20 ans). Il faudrait expliquer pourquoi, alors que la croissance du nombre d'usagers de l'internet ralentit en FR, on aurait une accélération de la consommation. Selon le rapport de juin 2020 de l’International Energy Agency : « Les réseaux 4G sont environ cinq fois plus efficaces que les réseaux 3G et 50 fois plus efficaces que les réseaux 2G. L'impact global de la 5G sur l'énergie et les émissions est encore incertain. Alors qu'une antenne 5G consomme actuellement environ trois fois plus d'électricité qu'une antenne 4G, des fonctions d'économie d'énergie telles que le mode veille pourraient réduire l'écart à 25 % d'ici 2022. 1213 Les fournisseurs et les opérateurs d'infrastructures de réseau prévoient que la 5G pourrait être jusqu'à 10 à 20 fois plus économe en énergie que la 4G d'ici 2025-30. » En 2018 une étude du Carbon trust a démontré que l'industrie des télécoms mobiles a permis d'économiser environ 10 fois le CO2 qu'elle produit, soit environ autant que les émissions de la Russie. Des externalités généralement ignorées par les études.

Dans les travaux du Shift Project il existe des biais tellement évidents qu'ils décrédibilisent largement leur étude. Ainsi, sur le poids du streaming : 80% de la consommation des réseaux est fixe et ne dépend pas de la charge du réseau… Cela fausse toute extrapolation. Même constat pour le Haut conseil sur le climat :  il est tout simplement délirant d'envisager de multiplier par presque 3 l'empreinte des réseaux en 10 ans ; cela ne tient pas compte du décommissionnement progressif de la 3 et 4G qui consomment beaucoup plus que la 5G. C’est ce qu’écrit le Haut conseil pour le climat dans son rapport sur la 5G : ‘’cette empreinte carbone du numérique pourrait se voir accrue en 2030 toutes choses égales par ailleurs de 2,7 Mt éqCO2 dans l’évaluation basse (di­fférence entre le scénario « la 5G du cahier des charges » et le « non-déploiement haut ») à 6,7 Mt éqCO2 dans l’évaluation haute’’. Cela ne tient pas compte non plus que depuis vingt ans, le cycle de vie des terminaux mobiles se rallonge inexorablement. De 14 mois en 1997, il est désormais de 34 mois. Et le 5G ne changement pas grand-chose à cela car beaucoup de terminaux vendus sont déjà 5G ready. Ces études évoquent un accroissement de la consommation des Datacenters... qui n'a pas été observée dans les vingt années passées. Au contraire de nouvelles technologies (Edge, climatisation...) devraient accroitre l'efficacité de ceux-ci.

IEA, Global trends in internet traffic, data centre workloads and data centre energy use, 2010-2019, IEA, Paris

A noter que d'autres études (travaux préliminaires de l’université de Zurich) anticipent une croissance de la consommation induite par la 5G l'ordre de 25%, sans tenir compte des externalités positives. 25% ce n'est pas 300% ! Je vous passe les travaux qui envisagent une baisse de la consommation. C'est possible, mais il faudrait décommissionner la 3 et 4G. Certains pays, et non des moindres, ont prévu de le faire. Et par ailleurs, dans l'une et l'autre des études pas un mot sur les externalités. C'est sans doute le point qui est le plus contestable : la 5G, comme l'internet, est un facteur déterminant d'économie. Sans internet, notre mode de vie serait encore plus intenable. Les études sur les externalités sont peu nombreuses, 2021 devrait voir plusieurs publications de référence s'effectuer (MIT, ZTH, Instituts Fraunhofer...) à ce propos, comme celle de Carbon Trust / GSMA. Autres points, l'infrastructure de transport est de plus en plus fibrée, à consommation quasi nulle. Les antennes sont désormais directionnelles, les terminaux disposeront de technologies "advanced sleep mode" comme les infras, Le taux de recyclage va fortement augmenter, etc. Il faudrait documenter tout cela, mais en conclusion une question : pourquoi la France est-elle (selon de nombreux observateurs) le pays le plus réfractaire à ces technologies ? C'est une question à laquelle il faut répondre. Une petite note personnelle : à ce jour, je suis indépendant de tout intérêt économique dans ce domaine. Je pense par ailleurs pouvoir affirmer avoir une sensibilité écologique forte. J'ai aussi le tort de continuer à croire au progrès mais reste ouvert au débat.

Retrouvez le thread original de Gilles Babinet sur cette question : cliquez ICI

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